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Les actes lgbtphobes sont en augmentation en France : entre 2018 et 2019, elles ont bondi de 26 %. Pourtant, ces actes sont réprimés par la loi. Selon le rapport de SOS Homophobie, la majeure partie des victimes sont des mineurs : 59 % en 2020. En effet, la discrimination des personnes LGBT commence dès la scolarité, ce qui complexifie leur construction personnelle.
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Afin d’aborder la problématique des actes lgbtphobes au sein des écoles, un séminaire s’est tenu le 21 janvier dernier à Dijon, et a réuni 300 personnes du personnel de l’Éducation nationale et des élus lycéens. Nathalie Albert Moretti, rectrice de l’académie de Dijon, a ouvert le séminaire en rappelant que le milieu scolaire est un lieu propice aux lgbtphobies. En effet, d’après les chiffres de SOS Homophobie pour l’année 2019, 79 % des jeunes LGBT se sentent rejetés, 61 % d’entre eux ont reçu des insultes à caractère lgbtphobe, et 54 % ont été victimes de harcèlement.
État des lieux
Sur 2 001 jeunes LGBT scolarisés en France, 52,17 % répondent oui à la question : « as-tu déjà été ridiculisé, taquiné, insulté ou menacé à l’école parce que tu es LGBT ? », d’après une enquête réalisée en 2018 par MAG jeune LGBT et l’Unesco. Selon Gabrielle Richard, sociologue du genre, les membres éducatifs ne sont pas étonnés par ces chiffres qui reflètent le harcèlement, la discrimination, les insultes et le rejet subis par les jeunes LGBT. Des violences qui ont des conséquences sur leur scolarité : phobie scolaire, absentéisme, baisse des résultats. Dans les pires des cas, le harcèlement mène à l’automutilation, à la dépression et au suicide. Des études ont ainsi établi un lien entre suicide et violences subies à l’école, et estime que le risque qu’un jeune LGBT ait recours au suicide est 2 à 7 fois plus élevé que chez les jeunes hétérosexuels. De plus, beaucoup ne trouvent pas de soutien et considèrent donc la mort comme la seule solution, 25 % des adolescents français ayant fait une tentative de suicide en 2011 étant homosexuel.
Par ailleurs, les programmes scolaires continuent de véhiculer des clichés sur les transsexuels et les intersexes, dénoncent les spécialistes. Gabrielle Richard explique que l’école participe à ce qu’on appelle une « mise en genre » et une « mise en orientation sexuelle » des élèves. À titre d’illustration, sur un panel de 2 001 jeunes LGBT, 95 % d’entre eux répondent non à la question « Considères-tu que tes besoins comme personne LGBT sont abordés par les contenus scolaires ? » De fait, la sexualité non hétéronormative n’est pas évoquée en cours d’éducation sexuelle au moment où de nombreux jeunes se questionnent sur leur propre sexualité.
Gabrielle Richard a travaillé sur les pratiques enseignantes par rapport aux questions LGBT dans le cadre de sa thèse de doctorat. À cette occasion, elle a sondé à l’aide d’un questionnaire plusieurs centaines d’enseignants québécois. Elle présume que le constat s’applique aussi en France. À la question : « pour quelle raison n’abordez-vous pas les thématiques LGBT dans vos enseignements ? », 31,5 % ne se considèrent pas assez informés pour traiter ces questions-là, 26,9 % estiment qu’il y a des questions plus pressantes à aborder avec les élèves, 25 % ne savent pas comment s’y prendre, 25 % craignent les réactions des parents d’élèves, et pour 23 % d’entre eux, le sujet n’est simplement pas inclus dans le programme.
D’autre part, les membres de l’éducation n’interfèrent pas systématiquement en cas d’actes lgbtphobes au sein de l’établissement, notamment lorsqu’un élève est victime d’insultes à caractère homophobe, transphobe, et que l’intervention d’un adulte n’est pas automatique. Les élèves assimilent donc que c’est acceptable, explique la sociologue.
Ce qu’en dit la loi
Pourtant, le Code de l’éducation – notamment les articles L. 111-1, L. 121-1, L. 312-17-1 et L. 721-2 – énonce clairement que l’école compte parmi ses missions celle d’offrir les conditions d’un climat scolaire serein et un cadre protecteur aux élèves et aux personnels. Elle « veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction », garantit la réussite de tous et permet à chacun de « développer sa personnalité » (art. L. 111-1). La circulaire n° 2011-112 du 1er août 2011 sur le règlement intérieur dans les établissements publics locaux d’enseignement précise que le « refus de tout propos ou comportement à caractère raciste, antisémite, xénophobe, sexiste et homophobe » doit être inscrit dans le règlement intérieur de chaque établissement.
Les actes lgbtphobes sont sanctionnés par la loi à travers l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Pour Élisabeth Ronzier, maîtresse de conférences, enseignante en droit et ex-présidente de SOS Homophobie, la loi « ne peut envisager tous les cas particuliers, son objet est d’être générale et abstraite dans son énoncé, pour qu’ensuite, au stade de son application, elle puisse être appliquée au plus grand nombre ». L’orientation sexuelle regroupe l’homosexualité, l’asexualité, la bisexualité, etc. « toutes ses déclinaisons de faits vont être protégées par le droit sous le parapluie de cette appellation unique ».
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