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L’Association française pour
les Nations unies a organisé en mars dernier une journée de conférences
consacrée à la question de la criminalité transnationale organisée. Si des
efforts restent à fournir pour lutter efficacement contre ces crimes, les
textes internationaux et français sont de plus en plus sévères, ont expliqué
des intervenants lors de la conférence « Criminalité organisée, défis et
réponses ».
Aux yeux des Nations unies, « la
criminalité transnationale organisée englobe pratiquement toutes les activités
criminelles graves motivées par le profit qui revêtent un caractère
international, impliquant plus d'un pays ». Une définition large pour
un problème qui, au premier abord, pouvait sembler ne se limiter qu’aux pays politiquement
instables, mais qui concerne également la France : « Pour les
autorités françaises, la criminalité transnationale organisée reste un sujet de
préoccupation première au côté du terrorisme », affirme Olivier Caron,
envoyé spécial pour la lutte contre le terrorisme international pour le
ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Les manifestations du
phénomène en France sont des groupes qui commettent des infractions hautement
lucratives. « Les groupes criminels dont l'activité est le trafic de
stupéfiants représentent environ un tiers des groupes criminels actifs en
France », détaille Nicolas Le Coz, lieutenant-colonel de la
Gendarmerie nationale. « Leur “chiffre d'affaires” en France s’élève à
2,7 milliards d'euros, et dans Union européenne à 21 milliards d'euros ».
De nombreux domaines exploités
par les criminels
Les principaux criminels
recherchés sont des trafiquants, mais d’autres domaines, comme le trafic des produits
de santé, sont florissants. L’observation par la Gendarmerie de la criminalité
organisée permet d’ailleurs de remarquer une spécialisation de certains
groupes : « Par exemple, les groupes chinois sont connus pour
être spécialisés dans le blanchiment des produits du crime. Les groupes
pakistanais sont eux spécialisés dans le blanchiment, mais aussi dans les
escroqueries. Les groupes monténégrins sont spécialisés dans le trafic de
stupéfiants, et spécialement dans la cocaïne. » Les différents trafics
et réseaux ont aussi de plus en plus tendance à s'intégrer et à coopérer. « Ils
font cela pour une raison pure d’opportunité, et parfois pour des raisons
d'économie d'échelle ou d'efficacité, explique Olivier Caron. Par
exemple, au Sahel, un même coursier peut un jour transporter des armes pour un
groupe armé, puis le lendemain faire le voyage retour avec de la drogue pour
amortir le voyage retour. »
Preuve de l’inquiétude de
l’État français envers les crimes transnationaux, le Quai d’Orsay a d’ailleurs
décidé de fusionner les fonctions d'envoyé spécial pour le terrorisme et
d’envoyé spécial pour les crimes organisés, tant les échos entre les deux
sujets sont importants.
La préoccupation de la France
est à la hauteur de l’échelle financière que représente ce type de criminalité.
En 2009, l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime estimait
qu’elle générait 870 milliards de dollars par an, soit 1,5 % du PIB
mondial. « C'est un facteur majeur, à la fois de déstabilisation
sociale et économique », estime Olivier Caron.
Des liens troubles avec
certains États
Mais ce facteur n’est
pourtant pas combattu par tous les pays avec la même vigueur. « Après
le 11 septembre 2001, nous avions pu vivre dans l'espoir que ces sujets pourraient
être, malgré les rivalités géopolitiques, une sorte de socle commun entre les
États. Mais ce n'est pas forcément aussi évident et cela a un impact très fort
sur l'ensemble de l'action internationale », dénonce Olivier Caron, qui
explique que ce constat est particulièrement perceptible au moment des
négociations de certains textes aux Nations unies. Mais il va même plus
loin : selon lui, « certains opérateurs ou acteurs qui utilisent
les modes d'action ou les méthodes de la criminalité organisée ne sont pas sans
lien avec certains États ».
Malgré cela, certains textes
ont pu être validés par une grande majorité de pays. C’est notamment le cas de
la Convention contre la criminalité transnationale organisée, aussi appelée
Convention de Palerme, adoptée en 2000 et signée par 147 pays. Elle donne la
possibilité aux États de condamner la participation à un groupe criminel
organisé, le blanchiment du produit d’un crime, la corruption des agents
publics et l’entrave au bon fonctionnement de la justice. « Elle offre
aux États à la fois un cadre juridique nécessaire à l’entraide judiciaire en
matière pénale dans le domaine de la criminalité organisée, mais aussi
l'opportunité aux États de renforcer leur ordre juridique interne pour lutter
contre la criminalité organisée », explique le lieutenant-colonel Nicolas
Le Coz. La Convention uniformise également la définition d’un groupe criminel
organisé, désigné comme « un groupe structuré de trois personnes ou
plus, existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de
commettre une ou plusieurs infractions graves ou infractions établies
conformément à la présente convention, pour en tirer, directement ou
indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel ».
À lire aussi : Preuves
électroniques et enquêtes pénales : un accord (enfin) validé entre le Conseil
de l'UE et le Parlement européen
Pour aider à l’application de
cette convention, l’UE a notamment créé l’Agence de l’Union européenne pour la
formation des services répressifs (CEPOL), qui permet une meilleure coopération
policière entre les États membres. Europol, créée en 1999 pour partager des
renseignements entre polices nationales, s’avère également utile dans cette
lutte.
La France, plus répressive
que le reste du monde ?
La France a ratifié la
Convention de Palerme en 2002, mais ne l’a pas transposée dans son droit
interne. « Le gouvernement et le législateur ont estimé que l'arsenal
que nous avions dans le Code pénal était suffisant pour réprimer les groupes criminels
organisés, notamment par le biais de l'infraction d'association de
malfaiteurs », détaille Nicolas Le Coz. Cette disposition peut
d’ailleurs être considérée comme plus répressive que le droit international, puisque
pouvant sanctionner des individus qui, sans pour autant œuvrer au sein d'une
organisation créée depuis un certain temps, préparent la commission de certains
crimes et délits, sans toutefois être passé à l'acte.
Autre disposition, la
circonstance aggravante de bande organisée fonctionne d’une manière assez
proche de l'infraction d'association de malfaiteurs, mais elle permet
d'aggraver les peines dans le cadre d'une organisation structurée existant
depuis un certain temps et qui a commis ou tenté de commettre une infraction.
La Convention de Palerme a
néanmoins permis de mettre en place en France le système de protection des
repentis et des témoins menacés, avec la création de la Commission nationale de
protection des repentis et de protection des témoins en 2014. À Paris, la Juridiction
nationale de lutte contre la criminalité organisée la (Junalco) prend en charge
des affaires d’une très grande complexité qui ne seront pas prises par les huit
juridictions interrégionales spécialisées établies en France.
La loi Perben II de 2004
portant quant à elle sur l’adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité a toutefois pu donner un cadre plus précis concernant la
criminalité organisée, puisqu’elle a créé dans le Code de procédure pénale un
titre spécifique relatif aux enquêtes et aux poursuites relatives à ces
infractions, avec une série de 23 délits et crimes concernés, de l’association
de malfaiteurs au meurtre en bande organisée.
La loi Warsmann de 2010 a
complètement réformé la saisie et la confiscation des avoirs criminels, et a permis
la création de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et
confisqués (Agrasc).
En bref, « la France
est assez avancée dans le domaine du repérage, de saisie et de confiscation des
avoirs criminels. Les conventions et normes internationales sur des saisies
d’avoirs sont assez claires, mais la mise en œuvre peut-être parfois assez
hétérogène », résume l’envoyé spécial au ministère de l’Europe Olivier
Caron.
Alexis
Duvauchelle
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