La décarbonation de l’industrie et ses limites


jeudi 18 novembre 20216 min
Écouter l'article
À l’occasion de la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), la France s’est armée d’une ambitieuse feuille de route pour lutter contre le changement climatique. La « Stratégie Nationale Bas Carbone » (SNBC) a pour ambition d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, et définit à cette fin une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Dans ce contexte, le gouvernement a, dans le cadre du Conseil national de l’industrie (CNI), demandé aux comités des filières les plus émettrices de gaz à effet de serre, de proposer des feuilles de route pour respecter les objectifs de réduction fixés par la SNBC. Les filières industrielles de la chimie, du ciment, de la métallurgie et de l’agroalimentaire ont ainsi proposé d’agir sur des leviers d’action qui diffèrent en fonction des échéances.

Pour respecter les objectifs de 2030, les propositions d’actions se sont concentrées, entre autres, sur « l’efficacité énergétique [de la] substitution de combustibles fossiles par de la biomasse ou des combustibles solides de récupération, l’utilisation de la chaleur fatale [et] l’augmentation du taux de recyclage (1) ».

En revanche, pour atteindre les objectifs 2050, ces filières proposent de mettre en œuvre des technologies qui nécessitent encore d’être affinées par le temps et la recherche, telles que l’hydrogène ou le captage-stockage-utilisation du CO2 (2).

Avec les transports (29,7 %) et l’agriculture (19 %), l’industrie (18 %) représente une des sources majeures d’émissions de gaz à effet de serre. En France, si le secteur industriel a considérablement diminué ses émissions de CO2 depuis une vingtaine d’années, il contribue néanmoins encore à 20 % des émissions nationales. Surtout, la réduction des émissions issues de l’industrie s’explique en partie par la désindustrialisation massive qu’a connue la France ces trois dernières décennies.

Trop souvent négligé, décarboner notre industrie s’avère pourtant être tout autant nécessaire que la décarbonation du logement ou du transport si l’on veut pouvoir atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. De surcroît, face à la complexité et à la relative inefficacité du système d’échange des quotas de gaz à effet de serre (SEQUE), la décarbonation de l’industrie, et surtout de l’industrie lourde, est un enjeu crucial dont le gouvernement ne s’est saisi que très récemment à travers les plans « France Relance » et « France 2030 ».

 

 

PLAN RELANCE ET DÉCARBONATION DE L’INDUSTRIE

Le plan « France Relance » est présenté comme « une feuille de route pour la refondation économique, sociale et écologique du pays ». Pour ce faire, le plan est doté de 100 milliards d’euros sur deux ans dont 30 milliards sont affectés à la transition écologique et répartis entre la rénovation énergétique, la lutte contre l’artificialisation des sols, l’économie circulaire et les circuits courts, la mer, les infrastructures et la mobilité verte, les technologies vertes et la décarbonation de l’industrie.

Le plan de relance prévoit une aide ambitieuse de 1,2 milliard d’euros à la décarbonation de l’industrie sur la période 2020-2022. Cette décarbonation du secteur industriel repose sur deux axes principaux de réductions : d’une part, le soutien à l’investissement industriel pour une meilleure efficacité énergétique et l’évolution des procédés industriels, d’autre part, le soutien à la décarbonation de la chaleur industrielle.

 

Soutien à l’investissement pour l’efficacité énergétique

En premier lieu, un dispositif d’appel à projets conduit par l’Agence de la transition écologique (ADEME), IndusEE, désormais clos, a été lancé en 2020 pour soutenir l’investissement dans les projets d’envergure, améliorant l’efficacité énergétique d’une activité industrielle. Face à son succès, un appel à projets unique (DECARB IND) a été renouvelé en 2021 avec un champ d’application plus large. Désormais, en plus de l’amélioration de l’efficacité énergétique, tous les projets visant à la transformation des procédés industriels qui concourent « significativement à la décarbonation de l’industrie » sont désormais éligibles.

Par ailleurs, le plan de relance a prévu la mise en place d’un guichet de soutien à l’investissement pour les projets d’amélioration de l’efficacité énergétique, qui doit permettre aux entreprises d’obtenir des subventions pour leurs projets d’efficacité énergétique d’une valeur de moins de 3 millions d’euros, et ce jusqu’au 31 décembre 2022. Ce dispositif est encadré par le décret n° 2020-1361 du 7 novembre 2020 et par l’arrêté pris le même jour et modifié par un arrêté du 28 mai 2021. Ainsi, une subvention peut être versée aux entreprises « qui réalisent un investissement dans un bien acquis à l’état neuf […] affecté à une activité industrielle manufacturière sur le territoire français, lorsque ce bien permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’activité par la mise en place de mesures d’efficacité énergétique ». Elle vise notamment les biens de récupération de force ou de chaleur et les biens destinés à l’amélioration du rendement énergétique d’appareils ou d’installations.

 

Soutien à la chaleur bas carbone

En premier lieu, un appel à projets a été institué en 2020 pour la production de chaleur à partir de biomasse pour un usage industriel qui apporte à l’entreprise lauréate une aide à l’investissement ainsi qu’une aide au fonctionnement. Au regard de l’engouement suscité par le dispositif, celui-ci a été reconduit du 11 mars au 14 octobre 2021. Il concerne notamment les projets d’installation de nouveaux équipements et la conversion à la biomasse d’installations existantes utilisant des combustions fossiles. Par ailleurs, un appel à projets, lancé le 20 octobre et conduit par l’ADEME, prévoit un soutien au fonctionnement pour la chaleur industrielle issue de Combustibles Solides de Récupération.

Si la combustion de la biomasse émet moins de carbone que la combustion fossile, il convient de rappeler que celle-ci, et notamment la combustion du bois, rejette dans l’air des particules fines néfastes pour la santé humaine. Une étude parue en 2020 dans la revue Nature (3) affirme que « les particules issues de la combustion de la biomasse, par leur potentiel oxydant, c’est-à-dire leur capacité à attaquer les cellules, seraient même plus toxiques que celles issues des gaz d’échappement des vieux véhicules diesels et essence (4). »




 

Partager l'article


0 Commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Abonnez-vous à la Newsletter !

Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.