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La fraude sur les médicaments, ce fléau inquiétant


mardi 30 mai 20238 min
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30/05/2023 17:11:57 1 7 3672 29 0 5742 3366 3484 La maternité pour les professionnelles libérales du droit ou le parcours du combattant

Réunies récemment lors d’une table ronde à la Maison du barreau, une avocate, une commissaire de justice et une experte-comptable ont pointé la difficulté de prendre un congé maternité au sein de leurs professions. L’occasion pour les intervenantes de préconiser des pistes afin de faciliter ce qui devrait être un heureux événement, car « des solutions, il y en a ! ».

Si la maternité peut être un frein à l’emploi pour certain(e)s recruteur(e)s, elle est réciproquement un frein à la carrière professionnelle pour 83 % des femmes, selon un rapport du Conseil national des barreaux. En cause, notamment : un manque de flexibilité du congé maternité pour les professions de commissaire de justice notamment, les démarches administratives complexes et une couverture financière pas assez élevée, lacune qui complique vivement l’équilibre vie professionnelle et maternité.

Pour mettre en exergue les difficultés rencontrées dans ce cadre, la Confédération nationale des avocats section parisienne a ainsi invité, le 22 mars dernier, au sein de la Maison du barreau de Paris, trois femmes exerçant une profession libérale du droit à participer à l’une des tables rondes de la journée intitulée « Enceinte, discriminée ou harcelée : sortir du silence et s’en sortir ! », animée par la présidente de la CNA Paris Valérie Rosano.

En guise d’introduction à cette matinée d’échange, la présidente de la CNA Karline Gaborit a rappelé que « le parcours de grossesse se solde trop souvent par des mises au placard, des mesures de rétorsion voire aujourd’hui encore des ruptures de contrat, sans parler du plafond de verre, et ce tout au long de la carrière. » Et pourtant, « être mère ne veut pas dire qu’on lâche tout : on continue de travailler » a martelé Joëlle Bitchatchi-Ordonneau, avocate indépendante au barreau de Paris.

Des indemnités grignotées pour les avocates collaboratrices

En matière de congé maternité, les avocates collaboratrices ont, depuis 2011, la possibilité de bénéficier d’un congé de 16 semaines (contre 12 auparavant), en application de l’article 14.5.1. du règlement intérieur national de la profession d’avocat (RIN) et à l’instar des avocates salariées.

Toutefois, Joëlle Bitchatchi-Ordonneau se désole que les avocates collaboratrices qui perçoivent en pratique intégralement leur rétrocession d’honoraire pendant leur congé doivent, en contrepartie, reverser au collaborant les indemnités forfaitaires d’interruption d’activité de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), et les indemnités d’interruption d’activité dans le cadre d’une prévoyance libérale ou collective du barreau.

L’avocate se dit donc « contre » ce système de réversion de pension : « on demande à la femme de cotiser et en même temps de verser le fruit de ses propres cotisations au patron qui lui aussi cotise ». Sur ce point, Valérie Rosano rappelle cependant que c’est indispensable pour la survie des petits cabinets qui ne peuvent rétrocéder à la collaboratrice sa part immédiatement, et qui peuvent ainsi être réticents à l’idée d’embaucher une femme, participant de fait à la discrimination à l’embauche.

Par ailleurs, le contrat de collaboration libérale édité par le Conseil national des barreaux (CNB) « se résume à un chapitre uniquement » alerte Joëlle Bitchatchi-Ordonneau, qui réclame un rehaussement de l’indemnité en partie reversée au collaborant, « pour que le cabinet qui garde la rétrocession de la collaboratrice puisse avoir une prise en charge suffisante ».

« La maternité, c’est du calcul »

Pour les autres professionnelles indépendantes du droit, prendre un congé maternité relève presque de l’impossible. Bien que le congé maternité des indépendantes soit aujourd'hui aligné sur celui des salariées (elles peuvent aujourd'hui bénéficier de 16 semaines indemnisées, à condition de cesser toute activité pendant au minimum 8 semaines) et que ces dernières aient droit à un forfait journalier ainsi qu’à une allocation forfaitaire de repos maternel, contrairement aux salariées dont les allocations sont progressives selon le salaire, dans leur cas, les montants sont fixes et ne compensent pas forcément la perte de chiffre d’affaires ni le montant des charges. Ce qui, bien souvent, n’encourage pas à arrêter de travailler, d’autant que la question du remplacement est prégnante.

Estelle Molitor, commissaire de justice à la tête de son office, l’a martelé : « la maternité, c’est du calcul. On calcule quand on tombe enceinte, quand on va s’arrêter, combien on va toucher, combien on va reverser au cabinet (…) On s’arrête quand on peut, on est bien obligées de faire tourner la boutique ! ». C’est pourquoi un grand nombre de femmes au sein de la profession optent pour le salariat, afin de bénéficier d’un congé maternité plus avantageux.

Valérie Rosano à droite accompagnée des professionnelles libérales intervenantes, © Quentin Pasbeau 

Estelle Molitor préconisait ainsi en 2017, dans un guide pratique publié par l’Union nationale des professions libérales (UNAPL), dont elle était la secrétaire générale à l’époque, de réviser le congé maternel et parental pour les cheffes d’entreprise notamment, dénonçant une rupture partielle avec l’entreprise pendant le congé : « la professionnelle n’est jamais complètement en rupture de son entreprise, d’autant plus si elle est en entreprise individuelle et si elle ne peut s’appuyer sur une organisation de travail. Il reste nécessaire d’assouplir les conditions de prise de congés maternité et d’envisager un retrait partiel au lieu d’un retrait total de la professionnelle » qui doit alors maintenir son activité à défaut d’être remplacée. Elle indiquait également que plus de flexibilité faciliterait le retrait de la femme enceinte : « Les congés maternels et paternels pourraient être repensés, permettant, sous forme d’un système à la carte qui favoriserait pour les professionnel.le.s libéraux.les, la possibilité d’aménager leur retrait (total ou partiel) de leur entreprise en recourant à du travail à domicile, à l’aménagement de temps de présence, etc. ».

De son côté, l’experte-comptable Sofia Da Silva a rapporté lors de cette conférence que de nombreuses femmes au sein de sa profession font le choix par anticipation de tomber enceintes au moment de la rédaction de leur thèse, et ce afin d’éviter une absence ultérieure au sein du cabinet. D’autres, là encore, renoncent carrément au statut d’indépendante par « peur » de tomber enceintes. L’experte-comptable a aussi évoqué le « syndrome de retour de congés » qui sévit dans la profession. De fait, pour pallier leur absence, les femmes se mettent davantage de pression sur les épaules afin de rattraper leur retard, mais aussi pour « légitimer » leur place. « C’est une catastrophe ! », a résumé Valérie Rosano.

Des formalités chronophages

Et s’il est difficile dans les faits pour des professionnelles indépendantes de cesser de travailler par peur « d’abandonner » leur organisation, un autre aspect vient régulièrement les freiner : la perspective d’avoir à gérer les formalités administratives si elles veulent toucher à temps les aides financières auxquelles elles peuvent prétendre.

Un processus qu’elles dépeignent comme complexe et long, puisqu’à la différence des salariées dont les papiers sont pris en charge par l’employeur, les femmes indépendantes doivent s'occuper de tout l'aspect administratif. Elles ont donc intérêt, dès l’annonce de leur  grossesse, à engager les bonnes démarches. Estelle Molitor a témoigné par exemple avoir passé des « demi-journées entières » à tenter de joindre la CPAM afin de débloquer ce qui lui revenait de droit. « Or, on a autre chose à faire ! » a tempêté la commissaire de justice.

Quelles solutions ?

Les intervenantes se sont penchées du côté des autres professions libérales pour observer ce qui est fait afin de faciliter le départ en congé maternité, et notamment chez les professions médicales qui font appel à des remplaçants en cas d’absence pendant les vacances, après un accident de la vie et pendant la maternité. « Pourquoi ne pas s’en inspirer? » a proposé Valérie Rosano.

Pour sa part, Estelle Molitor a recommandé de mettre en place un pôle de remplacement à l’instar des professions de la santé, et de réfléchir à des crèches interprofessionnelles, les crèches actuelles étant submergées de demandes et affichant des amplitudes horaires trop limitées pour les professions libérales.

Pour beaucoup de professionnelles libérales, faire appel à un(e) assistant(e) maternel(le) est actuellement la seule solution. Néanmoins, si le recours à ce(tte) dernier/ère est « indispensable » pour continuer à exercer, Estelle Molitor propose ainsi qu’ils soient considérées comme une charge professionnelle, afin d’alléger la note : « déduire les charges de la nounou serait un rêve » plaisante Valérie Rosano qui reste toutefois pragmatique : « mais fiscalement ça ne passerait pas ».

À lire aussi : Les violences sexistes et sexuelles, un risque pour le salarié comme pour l’entreprise, alerte le Sénat

A défaut, Estelle Molitor a évoqué la création d’un fonds soutenu par la Caisse des dépôts par exemple, « plutôt que de courir auprès de l’URSSAF et la CPAM ». Ainsi, ce fonds serait le partenaire financier qui prendrait le relais avec la Caisse et qui se ferait rembourser. « Ils verraient le plaisir que cela représente d’appeler l’URSSAF maintes fois », a ironisé la commissaire de justice.

Cette dernière a également mentionné le travail avec le laboratoire de l’égalité où les professions réglementées du droit se sont engagées à aider la parentalité et à améliorer la protection financière des congés maternité. Dans ce cadre, « pourquoi ne pas faire profiter les femmes libérales de la “chance maternité” développée par les avocates collaboratrices et créée par le barreau de Paris, et travailler sur le congé maternité ? ». La commissaire de justice s’est par ailleurs prononcée dans le sens d’une accélération du versement des prestations lors d’un congé maternité, à défaut d’employeur pour faire le relai pour les femmes libérales (une action qui pourrait être menée de concert avec le laboratoire notamment), mais aussi de sensibiliser auprès de tous, « un [nécessaire] travail de tous les jours ».

Enfin, quid des 200 avocates qui possèdent le statut mixte ? Car celles-ci aussi peinent à obtenir leur rémunération de substitution. « J’ai pu constater sur des forums dédiés que des avocates avaient des difficultés à percevoir leurs indemnités journalières de la CPAM », a témoigné Joëlle Bitchatchi-Ordonneau. Il faudrait selon elle un cheminement qui puisse permettre aux avocates d’avoir la rémunération vitale pendant le congés, afin de se consacrer pleinement au principal : la grossesse. « Des solutions il y a » a donc affirmé l’experte-comptable, « mais elles vont prendre du temps, surtout si on fait de l’interprofessionnalité » explique Valérie Rosano pour qui une chose est sûre : « il faut mutualiser nos forces ! ».

Allison Vaslin


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