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vendredi 26 janvier 202413 min
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26/01/2024 18:04:28 1 8 4460 66 0 Sur 49 articles soumis à l'examen des Sages, 35 ont été censurés 6636 4039 4191 INTERVIEW. Allaw, la nouvelle legaltech qui vise haut

Co-construite avec des avocats et des notaires, cette plateforme entend améliorer la gestion de la relation clients, notamment pour les jeunes professionnels fraîchement installés, mais aussi à faciliter la mise en relation des particuliers avec le « bon » professionnel du droit. Ayant pour raison d’être l’accès au droit pour tous, la start-up nantaise va bientôt déployer un parcours dédié pour les victimes de violences conjugales. Rencontre avec ses fondateurs, Ludovic et Germain Stang. 

C’est une aventure entrepreneuriale familiale pleine d’ambitions. Ludovic et Germain Stang sont père et fils. Tous deux viennent de lancer officiellement « Allaw », leur plateforme d’intermédiation entre professionnels du droit et particuliers, qu’ils ont pour ambition de voir devenir la « première solution française dédiée à l’accès de tous à la justice ». Rien de plus, rien de moins.

Objectif, pour la Legaltech nantaise aujourd’hui composée de sept collaborateurs : faciliter l’accès au droit des justiciables tout en soutenant l’organisation de travail des professionnels du secteur. Un projet auquel ont cru deux business angels, mais aussi un fonds d’investissement nantais grâce à qui la jeune pousse a pu réaliser un premier tour de table d’un coquet montant de 500 000 euros, budget dédié au développement technique de son outil.

En pratique, la plateforme intervient donc à deux niveaux. Côté particuliers, elle propose un accompagnement gratuit et une solution de « matching », via l’IA, pour faciliter la mise en relation avec le professionnel du droit le plus pertinent en fonction de la problématique rencontrée. Côté pro, moyennant un abonnement mensuel d’une centaine d’euros, elle promet de faciliter leur installation et d’améliorer la gestion de leur relation client (prise et suivi des rendez-vous, synchronisation d’agenda, etc.). Au-delà de la mise en relation réciproque, la plateforme permet d’assurer un suivi des rendez-vous. 

Le pitch est simple, mais encore fallait-il y penser. Le JSS s’est entretenu avec les deux co-fondateurs de la plateforme, pour en savoir un peu plus sur ce futur Doctolib du droit prometteur.

JSS : Quels sont vos parcours respectifs et comment avez-vous été amenés à créer Allaw ? 

Germain Stang : De mon côté, j’ai commencé à coder assez jeune, puis j’ai développé un fort attrait pour le CRM (pour Customer Relationship Management, soit une stratégie de gestion des relations d'une entreprise avec ses clients, ndlr). J’ai donc accompagné de jeunes sociétés et des PME dans l’implémentation de ce genre de solutions, avant que ne mûrisse l’idée d’Allaw, au croisement avec le droit et le CRM. 

Ludovic Stang : Pour ma part, j’ai une moitié de carrière en direction commerciale et marketing et une seconde moitié de carrière en direction de projets SI sur des sujets liés au CRM. A la suite de ça, j’ai été manager de transition en tant que directeur général dans une coopérative notariale, et c’est là que j’ai développé un intérêt pour les professionnels du droit, et que les manques qu’ils pouvaient rencontrer me sont apparus.

JSS : Quelles sont les lacunes que vous avez pu identifier ? 

L.S. : Nous nous sommes rendu compte que les professionnels du droit pouvaient être perdus face à tous les outils existants pour eux sur le marché, mais qu’il y avait malgré tout une véritable demande de digitalisation, et qu’à cet égard, ils avaient besoin d’un outil « concentrateur » pour les accompagner et les aider dans leur organisation. Car jusque-là, il y avait de très bons logiciels de rédaction d’actes, qui sont donc des outils de production, qui ont fait leurs preuves, mais il n’existait pas d’outil en tant que tel destiné aux professionnels du droit pour gérer la relation client.


La plateforme Allaw permet notamment aux professionnels du droit de gérer leurs rendez-vous 

Ces professionnels du droit se trouvent qui plus est dans un milieu contraint car ils n’ont pas le droit de faire de publicité. A travers Allaw, ils ont une fenêtre de visibilité, et auront, à terme, la possibilité (légale, cette fois) de faire de la sollicitation personnalisée sur leur portefeuille clients, d’envoyer une newsletter pour apporter du conseil… Ce sont des choses sur lesquelles on a prévu d’évoluer et d’apporter des fonctionnalités. L’idée est de digitaliser totalement la relation et de leur fournir un véritable outil de communication.

JSS : Votre plateforme a justement été créée en co-construction avec des professionnels du droit. Quels sont les besoins que ces derniers ont tout de suite identifiés ?

G.S. : Dès le départ, on s’est entourés d’un groupe de huit professionnels – d’avocats et de notaires – qui ont eu plein d’idées, notamment sur la qualification du besoin du client en amont du rendez-vous, pour ne plus se retrouver avec un nombre de rendez-vous exubérant, dont une partie sont des entretiens non productifs car ils ne sont pas compétents sur les sujets en question. Cette co-construction avec le public concerné a été notre vraie force, car on était sûrs que les professionnels du droit s’y retrouveraient.

L.S. : On poursuit d’ailleurs avec ce groupe d’experts pour le reste de la roadmap. Le point d’entrée, côté professionnels, était de « capter » le client via la plateforme, et la deuxième phase sera de faire évoluer cet outil vers du vrai CRM pour les aider dans une gestion plus complète de la relation client.

JSS : Allaw s’adresse aussi aux particuliers pour faciliter l’accès au droit. De quel constat êtes-vous partis ? 

L.S. : On a investigué les données présentes sur le marché, avec un point de départ : 24 millions de Français, chaque année, rencontrent un notaire ; près de la moitié ont déjà consulté un avocat, et pour autant, une majorité rapportent que l’accès au droit est difficile. Et puis quand on a consulté notre entourage et un panel, on s’est rendu compte qu’il y avait une grande méconnaissance des sujets du droit. 

Même si notre plateforme n’a pas vocation à délivrer du droit, elle vise à favoriser cet accès au droit. Comme nous l’a confirmé un notaire il y a quelques jours : le notaire de famille, c’est fini ! Aujourd’hui, les nouvelles générations sont mobiles géographiquement, ont une appétence très forte pour le digital, et ne comprennent plus qu’il faille téléphoner ou pousser la porte d’un professionnel pour savoir si ce dernier sera à même ou non de les aider.

JSS : Cela a-t-il résonné en vous en lançant Allaw ?

G.S. : On a effectivement vécu l’expérience de l’entrepreneuriat en s’apercevant qu’un accompagnement juridique était nécessaire tout au long du processus !

L.S. : On s’est tout simplement retrouvés confrontés à la réalité et on a pleinement réalisé que des avocats qui font « tout », qui traitent de tous les domaines, finalement, il n’y en a pas tant que ça. On a bien vu que pour la création de notre entreprise, il fallait se référer à tel avocat, pour la protection de la marque, à un autre avocat, idem pour l’accompagnement de notre levée de fonds, etc. Mais la facilité pour nous, c'est que l’on a été accompagnés par notre réseau d’avocats et de notaires avec lequel nous avons co-construit Allaw, donc on n’avait pas à se plaindre, mais on était dans situation de l’entrepreneur qui commence les démarches et qui aurait totalement pu avoir besoin de la plateforme ! 

JSS : Une fois que les justiciables ont décrit leur requête sur la plateforme, comment cela fonctionne-t-il ? Sont-ils redirigés vers une catégorie seulement ou vers un annuaire ? S’agit-il uniquement de professionnels clients de la plateforme ou de tous ceux qui correspondent à leur requête ?

G.S. : La solution d’IA de matching oriente la personne qui a décrit la problématique qu’elle rencontre plutôt vers un avocat, un notaire ou un commissaire de justice qui va pouvoir traiter son besoin, et va indiquer, si c’est un avocat, quel est le bon champ de compétence recherché. Par exemple, si vous avez un problème avec votre voisin qui a placé sa sortie de chaudière presque dans votre jardin, vous l’expliquez à l’IA, et elle vous orientera vers un avocat en droit de l’immobilier. 

L.S. : Cela, couplé au fait qu’une fois qu’on vous a proposé un métier, une compétence, vous allez pouvoir renseigner votre ville, et vous verrez, dans un certain rayon autour de vous, tous les professionnels disponibles à la prise de rendez-vous, et pas seulement ceux qui sont clients par ailleurs de la plateforme. Car il faut préciser que l’on a l’obligation de référencer tous les professionnels du droit en France, donc ils ressortent forcément dans les recherches. On a en fait la même contrainte que peut avoir Doctolib, qui référencie tous les praticiens sans exception, simplement la prise de rendez-vous n’est accessible que pour les professionnels qui ont souscrit à la plateforme.

JSS : N’est-ce pas un peu ambitieux d’avoir voulu créer un outil unique pour deux cibles et donc des besoins différents ? 

L.S. : Par essence, la plateforme est double, avec deux interfaces différentes, mais qui communiquent ensemble ne serait-ce que pour la prise de rendez-vous. Elles ne peuvent que marcher ensemble à mon sens ! Il y a un besoin émanant du particulier avec une répercussion sur le professionnel et vice-versa, bref, il y a forcément un pendant !

JSS : Sous quelle forme se présente votre outil ? Une application est-elle disponible ?

G.S. : Pour l’heure, Allaw est accessible uniquement sur navigateur web. Il n’y a pas encore d’application à proprement parler, mais toute l’interface côté particuliers est facilement utilisable sur mobile, d’ailleurs elle a été réfléchie pour être consultable sur un smartphone, vu que la plupart des gens s’en servent ainsi. Et côté pros, à date, il n’y a que du desktop, mais d’ici le 15 février, il y aura une interface totalement responsive pour les téléphones. Et dans un second temps, on a bien sûr prévu de se mettre sur les applis mobiles en bonne et due forme !

JSS : Selon vos déclarations, vous comptez faciliter l’accès au droit de plus d’1 million de particuliers en France et améliorer le quotidien de plus de 10 000 professionnels du droit d’ici 2025. Comment pensez-vous que la sauce va prendre ?

G.S. : Déjà, notre legaltech a réalisé un gros travail de SEO, pour que lorsqu’une personne tape « notaire à Nantes » sur Google, elle tombe sur la page d’Allaw qui référence l’intégralité des notaires à Nantes. Ce travail permet aussi de faire en sorte que tous les professionnels de la plateforme ressortent avec leurs liens : si l’on tape « Maître Dupont », pour nous, l’idée est que son lien Allaw apparaisse en priorité dans les résultats de recherche. En seconde partie de semestre, on va investir massivement dans la publicité à la télévision, dans les transports, pour appuyer notre visibilité. D’ici là, on a opéré une communication médiatique et réseaux sociaux axée sur les professionnels, car on sait qu’ils vont drainer les particuliers.

L.S. : En réalité, on a démarré une démarche auprès des instances, car – et c’est une chance commercialement – toutes ces professions-là sont relativement concentrées, que ce soit à travers les barreaux, le Conseil supérieur du notariat, la Chambre nationale des commissaires de justice… Evidemment, cela nous donne de la visibilité. 


« On ne concevait pas de s’arrêter à un sujet 

de prise de rendez-vous et de CRM »

Ludovic (à g.) et Germain Stang, co-fondateurs d’Allaw

En réalité, le monde du droit est vraiment petit. En termes de communication, tout peut se déployer assez vite. C’est une profession où les choses trouvent rapidement un écho, on le voit avec les premiers experts déjà installés sur la plateforme. On a des professionnels qui d’ores et déjà viennent vers nous car ils ont de vrais besoins. On a notamment une cible première de jeunes professionnels, qui s’installent, qui souvent n’ont pas de collaborateurs, d’assistants, et ont besoin plus que jamais de cet assistant digital qui va leur apporter de la visibilité, des clients et les soulager. Et à partir du moment où vous commencez à en séduire quelques-uns avec votre outil, il y a un rebond assez fort.

Et puis je pense aussi aux groupements, aux associations… via lesquels il y a tout de suite un changement d’échelle. Actuellement, nous avons par exemple des discussions avec un groupement d’avocats, afin d’établir un partenariat pour près de 500 avocats. Et puis, sur un autre plan, Allaw va également être présente sur plusieurs salons professionnels : le futur congrès des notaires, par exemple. 

JSS : Comment s’est faite la rencontre avec votre premier investisseur ? Comptez-vous réaliser d’autres levées de fonds à moyen terme ? 

L.S. : Sur la première levée de fonds, on a fait comme beaucoup de start-up : on est partis avec notre pitch sous le bras toquer à un certain nombre de portes – on avait de grandes ambitions et des enjeux assez forts. C’est le groupe Delambre Participations qui nous a suivis : il s’agissait de son premier investissement sur une start-up, mais il était séduit par notre projet, alors il a ouvert spécifiquement ce fonds pour nous.

G.S. : Mais on ne compte pas en rester là puisqu’on compte bien réaliser d’autres levées de fonds. On vise 2 à 3 millions d’euros avant la fin de l’année pour accompagner le développement produit et asseoir notre marque.

JSS : Vous avez annoncé que de nouvelles fonctionnalités devraient être ajoutées à la plateforme avant la fin de l’année. Sont-elles déjà à l’étude ?

G.S. : Il y a déjà la roadmap que l’on imagine avec les connaissances qu’on a à date, toujours avec un groupe d’experts, et puis Allaw étudiera les retours utilisateurs au fur et à mesure pour mieux cerner et envisager ce qui est le plus adapté à leurs besoins. L’équipe travaille avec la méthode agile, qui est une méthode d’organisation en informatique permettant d’avoir des rythmes de développement très courts et de pouvoir sortir de nouvelles fonctionnalités très régulièrement. Côté évolutions, il y a beaucoup de points à étudier, d’abord pour les professionnels au service des particuliers, par exemple sur la transmission de documents de façon sécurisée. 

JSS : Votre volonté de faire de l’accès à la justice une mission d’utilité publique est devenue votre raison d’être. Comment se traduit concrètement cette raison d’être ?

L.S. : Allaw a choisi de consacrer 1 % de son chiffre d’affaires à une association luttant en faveur de l’accès au droit et délivrant une aide juridique aux personnes en situation d’exclusion – cette association est déjà déterminée, mais on est en train de finaliser le partenariat. A terme, c’est aussi 1 % du temps de nos collaborateurs que l’on souhaite consacrer à cette association pour l’accompagner sur ses sujets digitaux.

On a prévu aussi d’offrir des licences Allaw à des centres d’accueil qui délivrent du droit gratuitement – comme lors de l’opération « L’Avocat dans la cité », à Paris – afin de les aider à organiser leurs consultations juridiques. Toutefois, on veut aller plus loin. Un des sujets qui nous tient à cœur est celui des violences conjugales. A ce titre, deux collaboratrices au sein de notre équipe sont en train de commencer à travailler sur un parcours dédié en la matière. On s’est mis dans la situation d’une personne victime de violences, en se disant : parmi la myriade d’associations, d’aides financières potentielles, de démarches juridiques, comment se retrouver au milieu de tout ça, par quel bout commencer ? 

Ce sont les témoignages des personnes à qui nous présentons Allaw qui nous font avancer. A ce sujet, je partage avec vous cette anecdote : un jour où je pitchais notre plateforme, une dame est venue vers moi en me disant qu’elle avait été victime de violences conjugales. Elle m’a expliqué que dans cette situation d’emprise, il était particulièrement difficile de sortir de son domicile, de passer la porte d’un avocat, et m’a avoué que cette plateforme-là lui aurait sans doute permis, de façon plus anonyme et discrète, d’entrer en contact avec un avocat. Cela a été un vrai déclic chez moi. On souhaite donc aujourd’hui rendre le droit accessible à tous mais en élargissant le spectre. Et plus largement, on veut établir des parcours guidés sur d’autres sujets. 

JSS : Quels sont les enjeux à se doter d’une raison d’être, a fortiori comme celle-ci ? 

L.S. : A partir du moment où on a posé les fondements de notre plateforme, on ne concevait pas de s’arrêter à un sujet de prise de rendez-vous et de CRM mais d’aller au bout de cette démarche. L’accès au droit, ce n’est pas juste un slogan marketing sur le papier pour faire « bien », c’est vraiment une philosophie et un sujet qui nous parlent et qui nous engagent. On est réalistes et on sait qu’on ne va pas résoudre tous les maux avec notre plateforme, évidemment, mais dès le départ, on s’est efforcés de mettre en place des actions concrètes, pour apporter, comme on le peut, notre pierre à l’édifice.

Propos recueillis par Bérengère Margaritelli

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