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La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a introduit dans notre dispositif législatif de nouvelles dispositions pour lutter contre le gaspillage alimentaire, mais ce combat est déjà engagé dans notre pays depuis plusieurs années à la fois sous une forme contractuelle et sous une forme législative. Il va de soi que le dernier dispositif mis en place va considérablement renforcer le système existant. Avant de le préciser, il convient de rappeler quelques éléments chiffrés. D’après le ministère de l’Écologie, le gaspillage alimentaire représente 10 millions de tonnes de produits par an, soit 16 milliards d’euros, soit encore 3 % de nos émissions de gaz à effet de serre. La répartition des pertes et gaspillages s’effectue de la manière suivante : 32 % phase de production, 21 % phase de transformation, 14 % phase de distribution, et 33 % phase de consommation, soit 30 kg par personne et par an dans un foyer, dont 7 kg de déchets alimentaires non consommés encore emballés. Autrement dit, le sujet est à la fois écologique, économique et social.
Le pacte national contre le gaspillage
La première intervention de l’État dans ce domaine s’est faite en 2013 par la signature entre l’État et les représentants des acteurs de la chaîne alimentaire d’un pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire comportant 11 mesures, dont un nouveau logo "anti gaspi", des expérimentations de dons, de la formation, des clauses relatives à la lutte contre le gaspillage dans les marchés publics de restauration collective, l’insertion du sujet du gaspillage alimentaire dans les plans relatifs à la prévention des déchets des mesures dans le cas de la RSE, etc. Cette convention, purement facultative, avait notamment été signée à l’époque par quelques associations, le syndicat de la restauration collective, quelques collectivités locales, les associations de l’aide alimentaire, l’Ania et la grande distribution, ainsi que la FNSEA. Ce premier pacte a été reconduit sur la période 2017-2020 à une échelle beaucoup plus importante regroupant 5 ministères, 55 partenaires et 6 groupes de travail (indicateurs et mesures du gaspillage, date de péremption, gestion des invendus et don alimentaire, innovation, efficacité et partenariat, éducation, formation et sensibilisation, Europe et international). Il va de soi que ces groupes de travail ont contribué à l’élaboration de la loi du 10 février 2020. Du reste, l’objectif du pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire de réduire à l’horizon 2025 de 50 % le gaspillage, soit une moyenne de 5 % par an entre 2013 et 2025, est repris par la loi.
Les premières lois (2015-2019)
Parallèlement, le législateur s’est saisi du sujet avec une simple mention dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015, qui prévoit la mise en place, avant le 1er septembre 2016, d’une démarche contre le gaspillage alimentaire dans la restauration collective. À l’époque, le député Guillaume Garot, missionné le 15 octobre 2014 pour formuler des recommandations au gouvernement en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire, n’avait pas encore remis son rapport (1). La troisième partie de ce rapport, intitulée « Vers un nouveau modèle de développement », formulait une vision de la démarche qui ne se limitait pas à des outils développés autour de la communication, de la certification des démarches anti-gaspillage, de la clarification et de la simplification du droit existant en ce qui concerne en particulier le don de la commande publique, de la RSE et des études d’impact. En effet, il rattachait le sujet aux stratégies locales, à l’emploi, à la gestion des crises de production, à la récupération, enfin à la politique à mener au niveau européen et planétaire. Ce rapport a donné lieu à la première loi de lutte contre le gaspillage alimentaire du 11 février 2016 dite loi Garot (2). Cette loi, moins ambitieuse que le rapport éponyme, contient néanmoins l’obligation pour les magasins alimentaires de 400 m² de proposer une convention de dons à des associations pour la reprise des invendus alimentaires encore consommables, et l’interdiction pour les distributeurs alimentaires de rendre impropres à la consommation des invendus encore consommables. Comme pour la politique des déchets, cette loi introduit une hiérarchie dans les actions à mener en donnant la priorité à la prévention puis au don ou à la transformation en tant que débouchés puis à la valorisation en alimentation animale énergétique, et enfin à la destruction qui est un dernier recours. La loi prévoit enfin le renforcement des actions d’éducation et de sensibilisation, l’intégration du sujet dans la RSE.
La seconde étape législative se trouve dans la loi EGalim (3) qui étend la lutte contre le gaspillage alimentaire, la restauration collective et à l’industrie agroalimentaire qui débute par un diagnostic préalable. Cette loi est complétée par l’ordonnance du 21 octobre 2019. Celle-ci fixe tout d’abord les règles du diagnostic (estimation des quantités de denrées alimentaires gaspillées, de leur coût, estimation des approvisionnements en produits issus de l’agriculture biologique, économies liées à la réduction du gaspillage). La loi précise les conditions du don alimentaire, les obligations de la loi Garot à l’industrie agroalimentaire et à la restauration, somme les grands opérateurs de l’industrie agroalimentaire et de la restauration collective à rendre publics leurs engagements et les procédures de contrôle mises en œuvre. Sont concernés les opérateurs industriels de l’agroalimentaire dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros, et les opérateurs de restauration collective dont le nombre de repas préparés est supérieur à 3 000 par jour. Quant aux établissements scolaires, le gestionnaire des services de restauration collective doit présenter un état des lieux du gaspillage alimentaire dans le cadre de l’éducation.
Toutefois, ce système législatif et réglementaire était en réalité jugé insuffisant avant même d’être réellement mis en place puisque la loi du 10 février 2020 vient renforcer le dispositif, en particulier au niveau du contrôle et des sanctions.
Les apports de la loi du 10 février 2020
C’est le titre III de la loi (articles 30 à 41) qui traite du sujet du réemploi et de la réutilisation, ainsi que de l’économie, la fonctionnalité servicielle dans le cas de la lutte contre le gaspillage. Il convient tout d’abord de s’arrêter sur ce titre. L’économie de fonctionnalité est une économie qui est fondée sur l’usage d’un bien et non sur sa propriété ; elle est bien entendu en lien avec l’économie de services qui vise à fonder les business plans non plus sur la vente des biens, mais sur la prestation d’un service d’utilisation du bien. Dans tous les cas de figure, l’intérêt de l’entreprise qui produit le bien et en vend l’usage n’est plus de viser l’obsolescence programmée, et de surcroît la perte du bien pour revendre un autre, elle est de faire durer le bien le plus longtemps possible, voire de le réutiliser ou de le recycler. Ainsi la lutte contre le gaspillage s’intègre-t-elle dans un modèle de développement économique tout à fait différent du modèle linéaire puisqu’il s’agit d’un modèle circulaire. C’est la raison pour laquelle le champ d’application de la loi est beaucoup plus vaste que la seule question du gaspillage alimentaire (reconditionnement des produits, pratiques commerciales encouragées, ventes sans emballage, nouvelles règles concernant la publicité commerciale par prospectus, les déchets du bâtiment, conditions de la commande publique, etc.). Le présent commentaire se limitera aux questions alimentaires.
La loi fixe tout d’abord l’objectif qui était celui du pacte national, à savoir la réduction du gaspillage alimentaire de 50 % par rapport à son niveau en 2015 dans le domaine de la distribution alimentaire et de la restauration collective, et 50 % en 2030 par rapport au niveau de 2015 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale.
Le champ d’application de la loi est étendu. L’article L. 541-15-6 du Code de l’environnement est modifié pour ajouter au commerce de détail dont la surface de vente est supérieure à un certain seuil, aux opérateurs de l’industrie agroalimentaire dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros, aux opérateurs de la restauration collective dont le nombre de repas préparés est supérieur à 3 000 repas par jour, les opérateurs de commerce de gros alimentaires dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 50 millions d’euros. Il est également précisé que pour les commerces de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure au seuil mentionné à l’alinéa de l’article 3, peuvent conclure une convention précisant les modalités selon lesquelles les denrées alimentaires sont concédées à titre gratuit. Il en va de même des commerçants non sédentaires, des traiteurs et des organisateurs de réception. De la même manière, l’article L. 541-15-5, qui précise que les distributeurs du seur alimentaire, les opérateurs de l’industrie agroalimentaire et les opérateurs de la restauration collective doivent respecter la hiérarchie fixée par la loi du 11
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