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La pollution de l’air va enfin être prise au sérieux

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La question
de la pollution de l’air est un sujet très ancien, puisque j’avais eu l’honneur
de faire voter une loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, en
décembre 1996. Cette loi reconnaissait, dans son article premier, le droit à respirer un
air qui ne nuise pas à sa santé, principe dont le caractère virtuel est jusqu’à
présent resté évident.
Malgré 50 000 morts annuels en France, 500 000 morts annuels en Europe, l’indifférence a, jusqu’à présent, largement caractérisé l’attitude des politiques de tous bords, et ce, malgré une législation communautaire assez précise et une législation nationale dont la clarté n’a d’équivalence que la non-application.
Certes le Conseil d’État, dans un premier arrêt Amis de la Terre du 12 juillet 2017, avait condamné l’État à agir pour respecter les normes communautaires concernant les particules fines PM10 et dioxyde d’azote. Sans succès. Un second arrêt du 10 juillet 2020 est passé aux choses sérieuses en condamnant l’État à agir dans un délai de six mois sous astreinte de 10 millions d’euros par semestre.
La Cour de justice de l’Union européenne s’est également prononcée. Dans un arrêt rendu le 24 octobre 2019, la CJUE « condamne la France pour manquement aux obligations issues de la directive qualité de l’air » de 2008. Concrètement, la justice européenne estime que « la France a dépassé de manière systématique et persistante la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote depuis le 1er janvier 2010 ». De plus, le 30 octobre 2020, la Commission européenne a décidé de renvoyer la France devant la Cour de justice de l’UE pour « non-respect de son obligation de protection des citoyens contre la mauvaise qualité de l’air en raison du “non-respect systématique” des règles européennes en matière de pollution aux particules fines PM10, dont les seuils ont été dépassés “dans les zones de Paris et de la Martinique sur une durée de respectivement douze et quatorze ans” ».
Il paraît évident que la France sera condamnée, comme vient de l’être l’Italie par un arrêt rendu par la grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne, le 10 novembre 2020, (aff C 644/18), les situations italiennes et françaises étant éminemment comparables. En effet, il était reproché à l’Italie, depuis 2010 d’avoir dépassé de manière systématique, dans les zones concernées, les valeurs limites journalières applicables de concentrations PMD 10. C’est ce que sanctionne la Cour, qui a rejeté tous les arguments de l’Italie qui sont probablement les mêmes que ceux de la France, aux termes desquels le manquement ne serait pas dû à la situation italienne, mais à la pollution transfrontière, ou encore aux particularités topographiques et climatiques des zones concernées. La Cour considère que le seul fait de ne pas avoir pris les mesures appropriées pour garantir le respect des valeurs limites constitue une faute, et que même si des processus d’amélioration étaient en place, les mesures étaient insuffisantes, notamment par l’absence de mesures visant à entraîner des changements structurels spécifiquement au regard des facteurs principaux de pollution.
Cette fermeté des juges ne peut qu’être approuvée et renforcée par l’acquisition de récentes connaissances scientifiques établissant des liens entre le développement des cas de Covid-19 et les pollutions de l’air, en particulier celle des particules fines. En effet, une série d’études – chinoises, italiennes, de Harvard, et anglaises – établissent toutes une corrélation entre le nombre de cas, leur gravité d’une part, la pollution de l’air aux particules fines en particulier et PM10 d’autre part. La confirmation d’un lien de causalité permettrait de tirer des conséquences claires pour l’avenir. Dès lors que les liens entre virus et particules fines sont établis, ces particules fines doivent impérativement être réduites, car les menaces d’autres virus sont probables. Cela signifie non seulement la disparition la plus rapide possible du transport thermique, mais aussi la réduction drastique des épandages agricoles (source d’ammoniac et donc de PM10) et de toutes les sources de poussières, comme le chauffage au bois sans filtre.
Ainsi, alors que les 50 000 morts annuels de pollution de l’air en Europe ont laissé les pouvoirs publics comme l’opinion publique du reste totalement indifférents, il aura fallu la Covid-19 et l’application des textes pour qu’une lueur d’espoir sur la prise en charge de ce sujet majeur apparaisse.
Corinne Lepage,
Avocate à la Cour,
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