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Plus que jamais précaire, la presse a besoin d’être soutenue. Elle résiste, s’adapte, mais jusqu’à quand ?
Déjà fragile, la presse se trouva fort dépourvue quand la crise fut venue.
« Une presse vivante pour une démocratie forte » : dans cette tribune du 27 mai, les éditeurs de presse tiraient la sonnette d’alarme. « La presse d’information générale travaille aujourd’hui à découvert et cela risque d’être fatal à de nombreux titres », avertissaient-ils, avant de réclamer l’aide du gouvernement face à l’épidémie de coronavirus, qui n’épargne pas le secteur.
Ce SOS a, semble-t-il, trouvé du soutien du côté du pouvoir législatif. Début juin en effet, 30 députés ont adressé un courrier au Premier ministre Edouard Philippe afin d’appuyer cette demande, comme le révèle Ladépêche.fr.
« La presse d’information générale doit à ce jour affronter des pertes de recettes colossales, qu’elles soient issues de la publicité, des annonces légales, classées ou judiciaires ou bien de l’événementiel (...). Très fragilisé bien avant la crise, l’avenir du secteur de la presse d’information, sans un soutien sans faille de l’État, risque de fortement s’assombrir. Déjà, en ce début d’année, France-Antilles puis Paris-Normandie ont été placés en liquidation judiciaire. Combien seront-ils dans les semaines à venir ? », questionne notamment le parlementaire Jean-Michel Mis.
« Aujourd’hui, ce sont à des mesures d’urgence et sans précédent que nous devons réfléchir (...) Cette réflexion, une fois l’urgence passée, devra nous amener à refonder le modèle économique des entreprises de ce secteur mais aussi à repenser le statut professionnel des journalistes » indique par ailleurs le courrier.
Dans la tourmente, s’adapter
Dire que la presse est dans la tourmente n’est pas une galéjade. Recettes publicitaires effondrées – tout comme celles tirées des annonces judiciaires et légales –, journalistes au chômage partiel, rubriques sport et culture qui peinent à se remplir...
Ainsi, au Parisien, la moitié des rédacteurs sport et 30 % du service culture-spectacle étaient à l’arrêt fin mars, indique Le Monde, qui souligne en outre une « crise de modèle » chez le quotidien. « Supprimées pendant le confinement, [s]es éditions régionales ne reparaîtront vraisemblablement jamais à l’identique. Un nouveau projet éditorial est en préparation, qui inquiète les salariés » écrit la journaliste Aude Dassonville.
Et que dire des journaux spécialisés dans ces domaines, à l’instar de l’Équipe, qui a dû faire face à l’arrêt du monde du sport, ou encore SoFilm, consacré au cinéma, dont la parution d’avril a été suspendue – mais qui a consacré une édition déconfinée à son numéro de mai, éloquemment intitulé : « Le jour où le cinéma s’est arrêté ».
À défaut d’événements à couvrir, davantage de portraits, de tribunes. Plutôt qu’un arrêt total des publications, la plupart des journaux et des magazines se sont toutefois acclimatés, rapporte Franceinfo.fr dans son article « Face au vide, la presse sportive entre adaptation, crise et stimulation ». On y apprend que Midi Olympique a gardé son rythme de publication habituel en adaptant ses publications, et en devenant « un journal plus engagé, moins témoin », quand Vélo Magazine a consacré quelques sujets à la crise du coronavirus, mais pas trop, afin de ne pas étouffer les lecteurs.
Quand la crise s’ajoute à la crise : le cas Presstalis
Par ailleurs, si les audiences et abonnements numériques ont explosé pour la quasi-totalité des grands titres en période de pandémie, face à un public très demandeur d’information, ces bons résultats sont loin de compenser les effets de la crise « Presstalis », venue perturber l’approvisionnement des marchands de journaux de plusieurs régions, dont les rayonnages sont très clairsemés ces dernières semaines.
Criblé de dettes, le premier distributeur de la presse française (22 000 points de vente, 75 % de la distribution), créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, était depuis des années au bord de la faillite, touché par la révolution numérique. Ironie du sort, il a connu sa troisième crise en dix ans juste au moment où le monde traversait l’épidémie de coronavirus.
Le tribunal de commerce de Paris a ainsi placé le groupe, le 15 mai dernier, en redressement judiciaire avec poursuite d’activité, grâce à l’offre de reprise déposée par les éditeurs de quotidiens, emmenés par Louis Dreyfus, président de la Coopérative de distribution des quotidiens (CDQ) et président du directoire du groupe Le Monde.
Les Échos, Le Figaro, L’Équipe & co ont proposé de reprendre 265 des 910 salariés que compte Presstalis. 120 des 209 postes du siège et 150 des 193 postes de la plateforme de Bobigny seraient préservés.
Aujourd’hui, si la fermeture a été évitée, ses filiales de province, les SAD et Soprocom – les plus déficitaires – ont quant à elles été mises en liquidation sans poursuite d’activité.
« S’ils tombent, tout le monde tombe », s’inquiétait Stratégies en février dernier.
Le pire est donc évité, mais le risque de chute généralisée n’est jamais loin.
Bérengère Margaritelli
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