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Le 31 mars 2022, un groupe de travail remettait au ministre de la Justice un projet de code français de droit international privé (CDIP). L'objectif de cette codification est de clarifier les règles de conflits de lois des litiges transnationaux, tout en les ordonnant sur un seul et même support. Qu'en est-il de ce projet ?
Pour en
discuter, la Société de législation comparée et l'Institut de droit comparé
Édouard Lambert ont organisé un colloque à l'Université Lyon 3 en novembre
dernier. Cyril Nourissat, membre permanent du groupe de travail, était
notamment présent pour échanger avec magistrats, avocats et professeurs de
droit.
« C'est toujours intéressant d'assister
à la naissance d'un code » commence en introduction Caroline Chamard-Heim, professeure à l'université.
Destiné à simplifier le droit international pour son application en France, le
code ne compile pas les conventions internationales, déjà écrites et
consultables, mais il contient les règles de conflits de juridictions et de
normes nationales applicables aux litiges entre justiciables français et
étrangers. Hugues Fulchiron, conseiller en service extraordinaire près la Cour
de cassation rapporte que ce code qui est discuté dans le monde universitaire,
ne l'est pas dans la magistrature. « Le
besoin d'un code est une évidence pour les magistrats. » La recherche
des règles du droit national applicable constitue une difficulté dans l'office
du juge à laquelle le CDIP pourrait pallier.
Lors
d'une première discussion organisée en mars 2022 à l'Université Lyon 3,
Marie-Charlotte Dalle, Directrice adjointe des affaires civiles et du sceau
expliquait que l'une des raisons de ce projet est l'absence d'initiative de
codification par les organes internationaux pour en créer un. « Le constat qui a été fait, c'est
l'incomplétude du droit européen de l'Union », explique désormais
Cyril Nourissat. Il reste donc aux droits nationaux d’agir pour ce qui concerne
l'application du droit international sur leurs territoires, et avec leurs
propres sources de droit. « Ce futur
code s'adresse aussi bien aux praticiens français qu'à des praticiens étrangers. »
L'autre
motivation pour créer la codification française est d'influencer de futurs
codes étrangers avec une première référence française. Cette base favoriserait
les transactions avec notre pays. C'est aussi le cas pour la reconnaissance de
la nationalité d’une société selon des normes étrangères pour unifier le droit
et améliorer ainsi les échanges commerciaux.
Au cours
des débats, la comparaison entre droit français et étranger s'est notamment focalisée
sur la définition de la nationalité des sociétés. « C'est la fin du critère du siège réel une fois pour
toutes » énonçait Yves El Hage, maître de conférence en droit privé,
un an plus tôt dans le même amphithéâtre à propos de ce projet. En effet, la
règle de rattachement des sociétés à leurs sièges réels a été écartée du texte
au profit du siège statutaire suivant les règles de la Suisse, de la Belgique,
du Royaume-Uni et du Delaware. Qu'est-ce que cela change-t-il ?
En vertu
de l'article 86 du code en débat, « Les sociétés immatriculées au registre
du commerce et des sociétés au titre de leur siège statutaire sont soumises aux
dispositions de la loi française. » Par exemple, si une société est
principalement gérée dans ses bureaux en France mais qu'elle a, lors de sa
création désigné son siège social à Dublin, qu'elle s'y est immatriculée, alors
elle sera considérée par le juge français comme étant irlandaise. « Les sociétés
dont le siège statutaire est situé hors du territoire français sont soumises
aux dispositions du droit des sociétés de l’État dans lequel elles sont immatriculées
dans un registre public ou, a` défaut d’immatriculation, de l’État ou` est situé
leur siège statutaire. » Il s'agira donc de considérer la nationalité de
la société en fonction du siège officiel et non du siège réel.
La
naissance du CDIP marquera ainsi, de façon plus claire, la fin du siège social
réel tant par ce qui sera stipulé dans le contrat de société, que par le lieu
d'immatriculation de celle-ci.
Avec
l'insertion de clauses compromissoires, qui permettent de décider d'attribuer
la résolution de litiges aux arbitres, et des compromis d'arbitrage dans les
contrats internationaux, le siège statutaire n'est pas le seul élément
déterminant de la loi applicable en matière de droit du commerce international.
L'arbitre, et non plus le juge, peut aussi appliquer la loi nationale qui est
stipulée par une clause attributive de juridiction. Certains juristes
regrettent l'absence de disposition sur l'arbitrage dans ce code.
L'arbitrage
du commerce international est une matière particulièrement technique et
privilégiée par les entreprises. Les sociétés commerciales, plutôt que d'en
passer systématiquement par la voie contentieuse, choisissent la voie de
l'arbitrage qui est plus rapide et plus argumentée.
Si le
code est attractif pour les sociétés étrangères, notamment parce qu’il est
perçu à l'étranger comme bien organisé, aboutissant à des solutions pérennes,
certains entrepreneurs pourraient désigner Paris comme lieu d'arbitrage pour
obtenir une solution plus aboutie. Selon le Professeur Nourissat, co-rédacteur
du projet, la place de Paris en arbitrage, qui a été renforcée par un Décret de
2011 pourrait donc l'être encore plus avec ce nouveau code.
Néanmoins,
le champ de l'arbitrage, quoique très important, du droit international privé,
est absent du code français constate le professeur Wautelet de l’université de
Liège. « Le projet devait comporter
un titre final sur l’arbitrage international. Nul n’ignore que tel est le cas
dans de nombreux codes et lois de droit international prive´ (par ex. en
Suisse) », précise le rapport rendu par le groupe de travail. Comme
l'explique le professeur Jérémy Jourdan-Marques (« Projet de code de
DIP : in or out ? » Dalloz-actualité), le choix de ne pas
codifier les règles en matière d'arbitrage trouve sa justification dans le fait
que le code de procédure civile comporte déjà des règles qui concernent le
choix contractuel de l'arbitrage et celui de la juridiction.
Une
dispersion des sources subsistera donc entre les différents codes, ce qui ne
convainc pas Sabine Corneloup, professeur à Assas, en termes d'accessibilité
des sources. « Une codification
d'ensemble me paraît apporter a priori une meilleure lisibilité. »
Cela répondrait en effet à l'objectif d'accessibilité des professionnels à la
matière du droit international privé. Il n’y a pas que la clause attributive de
compétence juridictionnelle qui est concernée par le contrat entre commerçants,
mais aussi l'accord de désignation du droit national s’agissant du droit
international privé.
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