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Pour son anniversaire, l’une des plus anciennes associations dédiées à la médiation a mis à l’honneur la dimension humaine dans la résolution des conflits. L’occasion également pour Patrick Sayer, président du tribunal des activités économiques de Paris, d’évoquer le recours aux modes amiables au sein de sa juridiction.
« Même sans être médiateur, créer du lien entre plusieurs parties, c’est déjà faire de la médiation ». Aux 110 ans de l’Institut d’expertise, d’arbitrage et de médiation (IEAM), le président de l’organisation, Éric Sebban, s’est montré confiant, mercredi 19 mars, au tribunal des activités économiques (TAE) - ex-tribunal de commerce - de Paris.
L’homme s’est réjoui d’un « événement
marquant » pour « l’une des plus anciennes associations
dédiées à la médiation, si ce n’est la plus ancienne. » Le colloque a notamment
été marqué par l’intervention de Patrick Sayer, président du tribunal, qui a
ouvert la séance en lieu et place de Naïma Moutchou, vice-présidente de
l’Assemblée nationale et députée de la 4e circonscription du Val-d’Oise,
retenue par ses obligations parlementaires.
DAZN, l’exemple récent d’une
médiation réussie
Le président a longuement évoqué le rôle « central » de la médiation dans les décisions du TAE de Paris, et insisté sur la volonté de la juridiction de privilégier les modes amiables plutôt que de s’en remettre systématiquement à la procédure judiciaire. Patrick Sayer a illustré cette approche avec l’affaire ayant opposé la Ligue de Football Professionnel (LFP) à DAZN, diffuseur britannique de la Ligue 1, lequel avait décidé de ne régler que 50 % de son échéance financière du mois de février pour avoir le droit de diffuser les matchs de Ligue 1. Un différend qui avait conduit à une bataille juridique, la LFP assignant DAZN pour « défaut de paiement », tandis que la plateforme revendiquait un traitement plus équitable.
A l’initiative du président, les
deux parties avaient finalement poursuivi leur dialogue dans le cadre d'une
médiation : « L’ordonnance était prête et déjà délibérée. Mais compte
tenu des enjeux financiers pour le football, j’ai réuni les avocats des deux
parties, et il est apparu préférable de chercher une solution par la
négociation. La médiation s’est imposée comme la meilleure option. Une fois le médiateur
nommé, 48 heures plus tard, nous avons reçu une réponse des avocats annonçant
que leurs clients étaient disposés à résoudre le litige, et le versement a été
effectué », a expliqué Patrick Sayer.
Le président du TAE de Paris, Patrick Sayer, a évoqué la volonté de la juridiction de privilégier les modes amiables © JSS
La LFP et le diffuseur s’étaient
finalement mis d’accord le 27 février. De tels résultats n’ont été possibles
que grâce à l’intervention humaine, a insisté Éric Sebban. Le président de l’IEAM
en a en effet profité pour pointer que l’intelligence artificielle - qui s’invite
progressivement dans les tribunaux - serait bien incapable de traiter ce type
de situation : « L’IA ne perçoit ni les émotions, ni les ressentis, ni
les besoins de chacun (…) la personne humaine est au cœur de la
médiation, et la médiation est au cœur de la personne humaine. »
La médiation « repose sur
deux piliers : la liberté et la sécurité »
Toujours lors de ce
colloque-anniversaire, une table ronde consacrée à « l’Humain dans la
société française de 2025 » a par ailleurs permis d’aborder la place de la
médiation dans divers domaines, de la politique à l’éducation.
À ce sujet, David Abiker, présentateur de la matinale de Radio Classique et animateur du colloque, a interrogé Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion à l’IFOP, sur la nécessité de former les élus à la médiation dans le but de mieux communiquer. Celui-ci a estimé que la formation devrait plutôt « concerner les électeurs », puisque, face aux tensions grandissantes liées aux crises sociétales et économiques récentes, ces derniers manquaient parfois de tempérance envers leurs représentants.
À lire aussi : Amiable : « Le plus difficile, c'est d'entrer en médiation »
Soraya Amrani Mekki, directrice
du département Droit de l’École de droit de Sciences Po Paris, a elle aussi souligné
une difficulté croissante à communiquer entre les personnes, et évoqué une « perte
du langage et une formalisation de la pensée, en partie attribuable aux réseaux
sociaux ». Les individus, bien que visibles en permanence sur ces
plateformes, se comprennent de moins en moins, favorisant l’isolement et les
conflits, a-t-elle pointé. C’est pourquoi l’enseignante-chercheuse a souligné
l'importance du recours à la médiation, notamment à l'école, « pour
restaurer des repères dans une société qui n’en a plus, et désamorcer les
tensions ».
Selon elle, une médiation
réussie « repose sur deux piliers : la liberté et la sécurité. La
liberté des parties, qui permet d’élaborer une solution sur mesure, adaptée à
leurs besoins, qu’elles acceptent et s’approprient. Et une sécurité
essentielle, car aucune solution ne peut émerger sans le respect des principes
fondamentaux de la médiation. »
Quant à l’avenir des modes
amiables en France, Éric Sebban s’est voulu optimiste : « Ça va exploser !
L’ancien garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, disait que seulement 1 % des
dossiers étaient réglés à l’amiable. Il reste donc 99 % à intégrer à la
médiation. » Un vœu pieux ?
Romain
Tardino
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