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Les notaires et les experts-comptables présentent la loi de finances 2018


mercredi 31 janvier 201810 min
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Le Conseil supérieur du notariat, le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables, la chambre des notaires de Paris et l’ordre des experts-comptables d’Île-de-France ont présenté le 11 janvier dernier la loi de finances 2018 et fait le point sur l’actualité fiscale. Trois thèmes ont été abordés par les intervenants : « L’imposition des entreprises et des groupes », « La Fiscalité des particuliers », et « L’impôt sur la gestion du patrimoine ».


Fin décembre 2017, de nouvelles mesures fiscales ont été introduites par les textes financiers, dont certaines sont entrées en vigueur au 1er janvier 2018. Lors d’un déjeuner presse, une équipe composée de professionnels du droit et du chiffre a décrypté les nouveautés qui vont désormais impacter petites et grandes entreprises, mais aussi un grand nombre de particuliers.


 


L’imposition des entreprises et des groupes


Les mesures concernant les grandes entreprises


Virginie Roitman-Descamps, expert-comptable, et Sylvain Guillaud-Bataille, notaire, ont présenté de concert les différentes lois LFR 1, LFR 2, LF2018 et LFSS qui proposent un grand nombre de mesures à destination des PME et grandes entreprises, dont l’impact sera selon eux « probablement marginal ».


Concernant les mesures destinées aux grandes entreprises, les intervenants ont d’abord évoqué la suppression « contrainte et forcée » de la contribution de 3 % sur les distributions de dividendes. Celle-ci a, en effet, été dénoncée comme incompatible avec la directive européenne « mère-fille », et déclarée inconstitutionnelle. Cette déclaration d’inconstitutionnalité s’applique aux montants versés au titre des trois dernières années, ont précisé les intervenants. Quant au législateur, il rend effective cette suppression de 3 % pour les montants distribués dont la mise en paiement intervient à partir du 1er janvier 2018.


Cependant, selon les intervenants pour combler le déficit de l’État engendré par la suppression de cette contribution de 3 %, il a fallu « inventer » deux nouvelles contributions qu’on appelle « contributions exceptionnelles du l’IS ».


Ainsi, les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse les un milliard d’euros seront assujetties cette année à une imposition supplémentaire représentant 15 % de leur impôt sur les sociétés. La seconde contribution, additionnelle à la première pour les entreprises avec un CA au moins égal à trois milliards d’euros, sera de 15 % également de l’IS dû. Ces deux contributions vont concerner environ 320 entreprises en 2018. Celles-ci seront donc en pratique assujetties à une imposition supplémentaire de 30 % de leur IS.


 


Les mesures applicables à toutes les entreprises


Maître Sylvain Guillaud-Bataille a ensuite développé les mesures qui concerneront toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Tout d’abord, une mesure qui s’adresse particulièrement aux petites entreprises : les seuils de régime des microentreprises, vont considérablement augmenter au 1er janvier 2018. Il s’agit de la mesure principale concernant ce type de régime. Ainsi, pour les ventes de marchandises, le seuil sera désormais de 170 000 euros et non plus de 82 000 euros. Pour les prestations de services, ce dernier sera dorénavant de 70 000 euros au lieu de 33 200. L’entrée en vigueur de cette mesure se fera dès l’imposition des revenus 2017.


Autre évolution, désormais les plus-values nettes à long terme des entreprises relevant de l’IR seront taxées au taux de 12,8 % au lieu de 16 % auparavant. L’intervenant a expliqué qu’il s’agissait d’une mesure d’alignement avec la flat tax, laquelle est applicable aux plus-values de cession de valeurs mobilières. Cette mesure sera effective dès l’imposition des PVLT réalisées en 2017.


Mesures phares de la campagne du président Macron : la diminution du taux de l’impôt sur les sociétés, et la baisse du taux de CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi).


Concernant le taux de l’IS, les intervenants ont rappelé que la loi de finances pour 2017 avait déjà engagé sa baisse progressive, afin de renforcer l’attractivité économique de l’Hexagone, en comparaison des taux pratiqués dans les autres pays de l’OCDE. La loi de finances 2018 modifie et renforce la trajectoire de cette diminution avec un objectif de 25 % (taux applicable seulement en 2022), selon le tableau suivant, présenté par les intervenants [voir tableau].


L’autre mesure : très attendue est bien entendu, la baisse du taux du CICE. Les experts ont rappelé que la loi de finances a pour objectif la suppression à terme du CICE (instauré, rappelons-le, par la dernière loi de finances rectificatives pour 2012). En compensation, dès le 1er janvier 2019, les cotisations patronales seront allégées. Ainsi en 2019, la situation sera en réalité « relativement neutre » pour les entreprises qui bénéficient actuellement du CICE.


Sans oublier, l’agrément des caisses enregistreuses. Dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale, depuis janvier 2018, les professionnels doivent utiliser uniquement des systèmes de caisse certifiés dont les données ne pourront être altérées. L’agrément de deux certificateurs est désormais obligatoire.


Enfin, la loi de finances 2018 a supprimé la tranche additionnelle de 20 % de la taxe sur les salaires, créée en 2013, et « applicable à la fraction des rémunérations excédant 152 279 euros » avec un retour au taux de 13,6 %.


En fin de compte, ont expliqué les intervenants, pour les entreprises, les mesures fiscales 2018 sont à la marge : « concernant les entreprises et les groupes il n’y a rien d’extraordinaire dans cette loi de finances ».


 


Les mesures s’appliquant à la fiscalité des particuliers


Laurence Briday-Lelong, notaire, et Nora Vartanyan, expert-comptable, ont ensuite détaillé les mesures fiscales qui vont concerner les particuliers en 2018.


Elles ont abordé, entre autres, la mise en place du prélèvement à la source. Celui-ci aura lieu selon le procédé suivant : d’abord, le calcul de l’impôt de l’IR sur les revenus 2018, puis le calcul par l’administration du crédit d’impôt sur les revenus entrant dans ce dispositif. Les deux intervenantes ont précisé que le crédit d’impôt modernisation du recouvrement (CIMR) est le crédit d’impôt qui permet d’annuler l’effet du passage au prélèvement à la source, et donc d’une double imposition en 2019. « Sans le CIMR, vous auriez été prélevés deux fois », ont expliqué les intervenantes, « il y aurait eu des manifestations… » Sont exclus du CIMR, les revenus de capitaux immobiliers, dont les dividendes, les plus-values immobilières, et les revenus exceptionnels.


À noter que l’administration fiscale a mis en place des dispositions anti-abus pour éviter que les particuliers maximisent leurs revenus 2018 concernés par l’année blanche et bénéficient du CIMR (duquel les revenus exceptionnels sont exclus). « Il faudra communiquer sur ces clauses anti-abus pour que les gens comprennent pourquoi ils sont pénalisés », ont préconisé les expertes. Ces dernières ont également précisé qu’en 2020, un CIMR complémentaire est prévu si l’augmentation des revenus fonciers BIC, BNC et BA est confirmée.


Concernant, les crédits d’impôt et réductions, Laurence Briday-Lelong et Nora Vartanyan ont évoqué plusieurs dépenses qui ferait désormais l’objet de mesure transitoire. Ainsi, le Crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) va permettre aux particuliers de bénéficier de certains avantages fiscaux sur des dépenses en faveur de la qualité environnementale dans leur habitation principale, comme la chaudière à fioul à très haute performance énergétique et le vitrage simple. Le CITE est prévu jusqu’au 31 décembre 2018. Le dispositif sera ensuite remplacé par une aide financière sous forme de primes. Cette demande de subvention nécessitera alors l’établissement d’un dossier avec justificatifs et un contrôle rigoureux aura lieu après dépôt de ces éléments. Autre mesure : à suite la suppression de l’ISF, et donc de la réduction ISF/PME de 50 %, les députés ont souhaité maintenir le soutien aux PME en renforçant le dispositif Madelin-PME, le taux de l’avantage fiscal lié à la souscription au capital de certaines PME non cotées (IR/PME) va donc passer de 18 à 25 %.


Quant au crédit d’impôt DONS ISF, il a été maintenu pour ne pas mettre en difficultés les associations bénéficiaires.


Les intervenantes ont également évoqué la création d’un abattement exceptionnel pour les plus-values immobilières dans certaines conditions et dans un délai déterminé.


Autre changement, dès 2017 Emmanuel Macron avait annoncé qu’il souhaitait simplifier la fiscalité des produits d’épargne, et qu’il leur attribuerait en 2018 une flat tax (ou prélèvement forfaitaire unique). Ce PFU consiste en une imposition à l’IR à un taux forfaitaire unique de 12,8 % auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2 %, soit un taux de l’ordre de 30 %. Selon le gouvernement, cette réforme globale rapproche désormais la France de la moyenne européenne et simplifie la fiscalité du capital.


Les intervenants ont également évoqué l’augmentation du taux de la CGS (contribution sociale généralisée) de 1,7 % (elle est désormais de 9,9 % au lieu de 8,2 %) de l’imposition des revenus ; laquelle a entraîné, en contrepartie, la hausse de la partie déductible de la CGS.


Enfin, Laurence Briday-Lelong et Nora Vartanyan ont développé le sujet de la prorogation et de la réforme du prêt à taux zéro (PTZ), dispositif accordé aux personnes physiques sous conditions de ressources pour l’acquisition ou la construction de leur résidence principale. Selon elles, il s’agit d’un outil important de soutien à l’accession à la propriété des ménages à revenus modestes. Alors qu’il devait prendre fin au 31 décembre 2017, ce dispositif sera prorogé jusqu’au 31 décembre 2021. Par ailleurs, le PTZ est maintenu dans le neuf en zone, B2 et C jusqu’en 2019, enfin la loi prévoit l’éligibilité du PTZ aux personnes invalides non primo-accédants.


 


Les mesures s’appliquant à la gestion du patrimoine


Pour clore ce tour d’horizon des mesures fiscales pour l’année 2018, Maître Jérôme Cesbron, notaire, et Vital Saint-Marc, expert-comptable, ont développé les mesures qui concernent l’impôt sur le patrimoine : l’Impôt sur la fortune immobilière (ou IFI), une mesure qu’ils ont jugée compliquée à comprendre et à mettre en œuvre, et la taxe d’habitation.


Les intervenants ont d’abord fait part d’un « regret personnel », aucune mesure ne traite des droits de donation, des droits de succession. « Personnellement nous nous attendions à autre chose, car le candidat Macron avait fait de ce sujet, un sujet de campagne, il avait annoncé des réformes, or c’est le grand absent [le droit de donation] de cette loi de Finances ».


 


L’impôt sur la fortune immobilière


 


Les champs d’application de l’IFI


D’abord, concernant le champ d’application de cet impôt, celui-ci est cantonné aux seuls biens et droits immobiliers, détenus directement ou indirectement par l’intermédiaire d’une société. L’assiette d’imposition est cependant étendue aux contrats de crédit-bail et aux contrats de location-accession, ont expliqué les deux experts. Les contrats d’assurance-vie et les contrats de capitalisation sont, eux, a priori, exclus de l’ISF. Toutefois, ont expliqué les intervenants, les contrats rachetables exprimés en « unités de compte » et investis en tout ou partie en biens ou droits immobiliers sont assujettis à l’IFI pour la part représentative des biens immobiliers. De même, les investissements en « pierre-papier » (expression utilisée pour désigner les parts de SPCI « société civile de placement immobilier », qui renvoie au fait que l’investisseur détient de l’immobilier sous forme de part et non en pierre. Il s’agit d’un type de placement immobilier particulier où on investit dans l’immobilier par l’intermédiaire et à travers une société de gestion entrent dans le champ d’application de cet impôt.


Par contre, certains biens sont exclus du champ d’application de ce nouvel impôt, tels que :


les faibles participations (-10 %) dans des sociétés opérationnelles détenant de l’immobilier imposable ;


les faibles participations (-10 %) dans des fonds d’investissement dont l’actif est composé de biens et droits immobiliers dans la limite de 20 % de leur actif ;


l’immobilier affecté par une société opérationnelle à sa propre activité ou, dans certains cas, à l’activité d’une ou plusieurs sociétés du groupe.


D’autres biens sont, eux, complètement exonérés d’IFI, comme les immeubles utilisés dans le cadre d’une activité professionnelle, que l’immeuble soit détenu directement ou par l’intermédiaire d’une société et utilisé par un exploitant individuel, une société de personnes ou une société soumise à l’impôt sur les sociétés. Les bois, forêts et biens ruraux bénéficient également des mêmes règles d’exonération que pour l’impôt de solidarité sur la fortune.


 


Les règles générales de l’IFI


Quant aux principes généraux de l’IFI, ils sont calqués sur les dispositions de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), ont poursuivi les intervenants. C’est ainsi le cas pour les règles concernant le foyer fiscal, la territorialité, le fait générateur et le barème et les modalités de calcul (plafonnement, imputation de l’impôt sur la fortune immobilière payé à l’étranger et réductions pour don). « Seule la réduction pour investissement dans le capital de PME à partir du 1er janvier 2018 n’est pas reconduite ».


Concernant le cas de l’usufruit, sauf exception, l’usufruitier est imposé sur la valeur de la pleine propriété. « Une exception nouvelle significative concerne l’usufruit légal du conjoint survivant qui bénéficiera de l’imposition répartie, quelle que soit la date d’ouverture de la succession (avant ou après le 1er janvier 2018), quand l’usufruit conventionnel est expressément exclu de l’imposition répartie », ont ajouté les experts.


Pour le pacte Dutreil, lequel favorise la transmission des entreprises familiales dans un cadre familial grâce à un allègement du coût fiscal de transmission, il n’a plus d’intérêt au regard de l’IFI. Toutefois, les pactes Dutreil conclus avant le 1er janvier 2018 restent valables et les bénéficiaires sont tenus de respecter les engagements de conservation jusqu’à leur échéance, afin de ne pas risquer une remise en cause de l’exonération d’ISF dont ils ont bénéficié.


Concernant les règles d’évaluation des actifs, elles sont calquées sur celles de l’ISF. Cette évaluation des titres des sociétés entrant dans le champ de l’IFI est fastidieuse, ont reconnu les experts, car elle suppose de déterminer le ratio immobilier de la société pour calculer la valeur imposable de la participation. Un calcul qui est d’autant plus délicat que la chaîne de participation est longue.


 


Les dettes immobilières


Les dettes immobilières vont désormais répondre à des règles de déduction particulières, ont commenté les deux intervenants. Seules seront admises en déduction de l’IFI, les dettes nées et non contestées au 1er janvier de l’année d’imposition. Le dispositif prévoit également une liste de dettes autorisées dont sont exclus :


les impositions à la charge du bénéficiaire du bien (taxe d’habitation par exemple) ;


l’impôt sur le revenu relatif aux revenus fonciers ;


les emprunts familiaux.


La déduction d’autres dettes est désormais plafonnée, comme :


les emprunts in fine ;


les emprunts conclus par les redevables dont l’actif imposable excède 5 millions d’euros et le montant des dettes relatives à ces actifs est supérieur à 60 % de la valeur du patrimoine imposable.


Enfin, certaines dettes « supportées par les sociétés pour l’acquisition d’un actif imposable » sont désormais exclues pour l’évaluation des titres de la société :


comptes courants d’associés destinés à l’acquisition ou à des travaux sur un bien imposable ;


emprunts par l’acquisition d’un bien du redevable par une société qu’il contrôle.


 


La taxe d’habitation


Enfin, Jérôme Cesbron et Vital Saint-Marc ont fait le point sur l’allègement de la taxe d’habitation, mesure particulièrement mise en lumière lors de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron.


Le dispositif est applicable dès cette année, et il entrera progressivement en vigueur. L’abattement sera ainsi de 30 % en 2018, 65 % en 2019, et de 100 % en 2020. La diminution puis suppression de la taxe d’habitation a vocation à bénéficier à 80 % des contribuables. En réalité, aux plus modestes, c’est-à-dire à ceux dont le revenu fiscal de référence n’excède pas 28 000 euros majoré de 8 500 euros pour les deux premières demi-parts, et de 6 000 euros pour les demi-parts suivantes.


En conclusion, malgré certaines réserves (l’absence de réelles réformes concernant le droit de donation et de succession par exemple) pour les intervenants, cette loi de finances est « plutôt bien faite », car elle contient un certain nombre de dispositifs anti-abus « plutôt bien pensés ».


 


Maria-Angélica Bailly


 


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