Les notaires européens, « pilier[s] essentiel[s] des systèmes judiciaires », selon le CNUE


vendredi 26 janvier 20249 min
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Une étude sur les notaires en Europe publiée début janvier souligne que la profession a réussi à alléger les tribunaux de certaines tâches qui leur incombaient. Elle révèle également que la France se classe 5e parmi les pays membres du Conseil de l’Europe en termes de nombre de notaires par habitant, et met en évidence une hausse importante du nombre de femmes notaires dans les 46 États.

+33 % de notaires en France entre 2018 et 2020. C’est ce que révèle la nouvelle étude sur les notaires rédigée par le Conseil des notariats de l’Union européenne (CNUE) dont les données ont été fournies par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) du Conseil de l’Europe ; rendue publique le 8 janvier dernier.

L’enquête se base sur les données de 2020 collectées par la CEPEJ auprès de 46 États membres du Conseil de l’Europe et 3 États observateurs, à savoir Israël, le Kazakhstan et le Maroc. Elle met ainsi en exergue que si la France compte moins d’avocats, de juges et de procureurs pour 100 000 habitants au regard des pays voisins, elle surpasse la plupart d’entre eux en matière notariale, puisque l’Hexagone compte 23,6 notaires pour 100 000 habitants, se classant 5e à ce titre parmi les États membres du Conseil de l’Europe, là où l’Italie en décombre 8,6, l’Allemagne 8,3, l’Espagne 6, et la Norvège ainsi que l’ensemble Angleterre – Pays de Galles seulement 1,1, le chiffre le plus bas.

Cet ensemble enregistre en effet un recul important du nombre de notaires (-11 %), alors qu’avait déjà été constaté un net recul dans l’édition portant sur les données de 2018. D’autres États enregistrent également une baisse de 5 % ou plus, à l’instar de l’Albanie, la Bosnie-et-Herzégovine ou encore le Portugal, quand certains voient plutôt ce taux stagner, tels que le Luxembourg ou de la Roumanie, ou légèrement augmenter comme en Belgique ou à Malte avec 5 % respectivement.

A l’inverse, c’est l’Écosse qui arrive largement en tête, avec 163 notaires pour 100 000 habitants, suivie d’Israël (État observateur qui en recense 70,3), de la Suisse (40), puis de la Grèce (26,2).

L’étude précise néanmoins que pour le cas de l’Écosse et d’Israël qui suivent la tradition de la Common Law, le chiffre se réfère aux « notaires publics » et non à ceux de « type latin/de droit civil », comme les distingue l’étude. Ces derniers sont en effet des « officiers publics indépendants et impartiaux qui ont reçu une délégation de pouvoir de l'État pour produire des actes authentiques ayant force probante et exécutoire », tandis que les « notaires publics » ne doivent pas nécessairement être des juristes et n’ont « pas le pouvoir d’établir des actes authentiques ».

Le diplôme est l’accès privilégié à la profession de notaire

Sans surprise, les notaires de « type latin/de droit privé » sont les plus nombreux en Europe, avec 35 États ayant des notaires de cette catégorie.

Les onze autres membres du Conseil de l’Europe comme l’ensemble Angleterre – Pays de Galles et l’Irlande du nord font quant à eux appel aux « notaires publics » où ils sont prédominants, précise le CNUE, qui ajoute qu’en Écosse par exemple, tous les avocats en exercice peuvent demander à être admis en tant que « notaires publics », puisqu’il ne « s'agit pas d'une profession distincte ».

Par ailleurs, les notaires de 39 États ne sont pas rémunérés par l’État, contrairement à la Finlande, la Norvège, la Suisse et l’Ukraine où les notaires exercent en tant que fonctionnaires.

Pour ce qui est des conditions d’accès à la profession, des disparités apparaissent également. Dans 38 États, l’accès se fait par le biais d’un diplôme, parmi lesquels la Croatie, la France, l’Allemagne, la Pologne et Malte, qui a d’ailleurs fait évoluer ses conditions d’accès, le diplôme étant obligatoire depuis 2020.

Dans la grande majorité des cas (31 États membres et le Kazakhstan), les candidats au notariat doivent passer un examen spécifique, en particulier dans les États où les notaires sont de « type latin/de droit civil ». Et si au Danemark, il est possible de devenir notaire grâce au diplôme, l’examen spécifique, lui, n’est pas reconnu, de même en Finlande, en Allemagne ou encore aux Pays-Bas. En revanche, précise le CNUE, « l’examen fait partie intégrante de la procédure de nomination en Belgique et Espagne ».

Le nombre de femmes notaires en Europe augmente progressivement

Concernant l’égalité des genres, les données 2020 recueillies par le CNUE sur le pourcentage d'hommes et de femmes dans le notariat témoignent là aussi d’une augmentation du nombre de femmes notaires en Europe.

Dans plusieurs États membres entre 2018 et 2020, leur nombre a augmenté de façon légère, comme en Irlande, en Autriche, en Croatie, à Malte ou encore au Monténégro. Cette hausse est bien plus marquée en Belgique, avec + 82 femmes en deux ans, en Espagne (+116), aux Pays-Bas (+137), en Italie (+177) et en France, avec + 3 320 femmes notaires supplémentaires.

Une moyenne qui porte à la hausse le nombre de femmes notaires en Europe, dont le nombre s’élève à 25 419. Les hommes notaires sont encore plus nombreux, puisqu’il en est dénombré environ 28 446. À noter toutefois que tous les États membres et observateurs n’ont pas communiqué les chiffres, pouvant faire varier le nombre total.

Néanmoins, dans une grande majorité d’États dotés de notaires de droit civil, plus de 50 % des notaires sont des femmes, rapporte l’étude, prenant l’exemple de la Croatie (206 femmes contre 121 hommes), la France (8 455 contre 7 445), ou encore la Géorgie (215 contre 43).

Dans d’autres pays comme l’Italie qui ont vu une hausse du nombre de femmes notaires sur deux ans, les hommes « dominent » tout de même dans la profession, avec 3 182 hommes contre 1 905 femmes, à l’instar de l’Allemagne, qui compte 5 478 notaires hommes contre 1 434 notaires femmes, ou de la Suisse (2 651 contre 819).

De nouvelles fonctions

Si des tâches incombent principalement aux notaires, comme l'authentification, qui est la principale compétence d’un notaire de « type latin/de droit civil » rappelle le CNUE, ils se voient confier de plus en plus de tâches initialement à la charge des tribunaux.

En effet, les tribunaux et/ou ministères de 28 États membres du CE, dont la Pologne, la Slovénie, la République Tchèque et la France, sont compétents pour la certification des signatures, mais des notaires peuvent également exercer cette mission et décharger les tribunaux. Des États comme l’Estonie, la Macédoine du Nord ou encore la Suède ont pour leur part mis cette mission exclusivement entre les mains des notaires de leur territoire, pointe l’étude.

Par ailleurs, 19 États membres confient aux notaires la légalisation des signatures ou l’apposition d’apostille, dont 8 États où la tâche est seulement exercée par les notaires (Andorre, Finlande et Malte pour ne citer qu’eux), et autant confient aux notaires la prestation de serment comme en Autriche et en Allemagne.

En outre, dans 19 États également, les notaires font office de médiateurs, comme c’est le cas en Belgique, en France ainsi qu’aux Pays-Bas. En Roumanie par exemple, depuis octobre 2011, il est possible pour un couple de régler leur divorce devant un notaire « y compris lorsque des enfants mineurs sont concernés », et ce « sans faire intervenir d’autres professionnels du droit ». Une procédure notariale qui permet non seulement d’alléger les tribunaux mais aussi une résolution « discrète et rapide » de ce type de cas. Il est également observé une tendance croissante à déléguer cette compétence aux notaires, est-il précisé, bien que certains États ne l’autorisent pas (encore ?). Les notaires lettons et espagnols ont pour leur part la capacité à officialiser le mariage.

De plus, trois États membres ainsi que le Kazakhstan ont donné les « pleins pouvoirs » aux notaires s’agissant des procédures judiciaires non contentieuses, pouvant alors agir en tant que commissaires du tribunal dans une affaire de succession ou pour un divorce (Arménie, Bulgarie et Pays-Bas), et trois autres dans le domaine des enchères publiques.

Ils effectuent aussi des transactions immobilières et interviennent dans le domaine du droit successoral, à l’exception des notaires de Finlande ou de Norvège, en délivrant notamment la certificat successoral européen (CSE), comme c'est le cas en Autriche, en France, en Italie, à Malte ou encore en Pologne.

Les notaires exercent également en droit de la famille dans 38 États membres et 2 États observateurs, ainsi qu’en droit des sociétés dans 35 États et en protection des personnes vulnérables dans 14. Sur ce dernier point, l'étude indique que « les procurations durables pour un adulte peuvent être rédigées dans un acte authentique devant un notaire » selon la législation nationale, en Belgique, en France et en Allemagne par exemple.

Le CNUE témoigne d’ailleurs de l’efficacité de l’affectation aux notaires de nouvelles compétences juridiques non contentieuses : cette décision « a atteint son objectif, à savoir de réduire la charge de travail des tribunaux et contribuer à l’efficacité de la justice ».

Sur la question de la prévention du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme, les notaires, « collaborateurs essentiels des administrations publiques », ont également un rôle clé à jouer. Ils ont notamment vu leurs obligations de diligence davantage renforcées avec la 4e Directive AML (UE) 2015/849, et la 5e Directive AML (UE) 2018/843. Un nouvelle corde à leur arc qui, d’après le CNUE, fait du notariat un « pilier essentiel des systèmes judiciaires des États, notamment dans une situation d'urgence comme la crise du COVID-19, mais aussi un pionnier dans le domaine des nouvelles technologies ».

L’utilisation des TIC s’est très largement généralisée chez les notaires

Si les notaires n’ont pas attendu le covid pour utiliser et/ou mettre en place des plateformes numériques pour l’exercice de leurs fonctions et simplifier les échanges entre eux ou avec leurs clients, à l’instar de l’Autriche, de la Belgique ou de la France qui ont développé la possibilité pour leurs clients de communiquer avec les notaires par voie numérique, cette pratique s’est toutefois largement démocratisée en 2020.

D’après les données recueillies par la CEPEJ, sur les 46 États membres et 3 États observateurs, 40 utilisent les technologies de l’information et de la communication (TIC) dans leurs relations avec d’autres notaires (visioconférence, système d’échange de documents), et 28 les utilisent dans leurs relations avec leurs clients et dans leurs relations avec l’État (tribunaux, chambres de commerce autorités fiscales…) dont l’Arménie, la Bulgarie, la France, la Hongrie ou encore l’Espagne.

L’étude opère notamment un focus sur l’utilisation des outils TIC des notaires dans leurs relations avec les clients, et révèle que le système le plus couramment utilisé dans ce cadre est celui de l’archivage numérique, avec 26 États membres et un État observateur qui utilisent cet outil.

Le système de visioconférence est le second outil numérique le plus utilisé par les notaires avec 23 États membres l’utilisant, suivi de l’identification numérique (19 États) et de l’acte électronique (17).

Par ailleurs, dans certains États, la possibilité de créer une société à responsabilité limitée en ligne a été introduite, comme c’est le cas en Italie et en Espagne. Le notariat allemand a pour sa part mis au point « une procédure très innovante et sécurisée pour la constitution en ligne de sociétés à responsabilité limitée et les inscriptions en ligne au registre du commerce, en utilisant un système de vidéoconférence sécurisé développé et hébergé par le notariat », détaille le CNUE, qui ajoute que plusieurs notariats ont la possibilité de modifier les registres informatisés (registres fonciers, du commerce, de l’état civil etc.). C’est le cas d’Andorre, de la Belgique et de la République tchèque qui peuvent modifier les registres du commerce et d’état civil, et de la Géorgie qui elle peut modifier les registres fonciers et du commerce.

Les registres des successions/du droit de la famille et d'autres non mentionnés peuvent quant à eux être modifiés dans un nombre beaucoup plus important d'États tels que la Lettonie, la Roumanie, ou l’Irlande du nord. Le notariat autrichien, également compétent pour cette mission, peut également gérer le Registre central des testaments et le Registre central de représentation/Registre des procurations avec le notariat allemand. En France, le Registre des testaments ou le Registre des certificats successoraux européens peuvent être gérés par les notaires français, qui revêtent, comme les notaires européens, de multiples casquettes, aussi bien à l’échelle nationale qu’européenne.

Allison Vaslin


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