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En dehors des chroniqueurs médiatiques, généralement plus journalistes qu’économistes, il n’existe qu’un nombre restreint d’universitaires enclins à débattre des idées économiques « disruptives » auprès du grand public, et donc à fournir ce « service public » de lutte contre l’inculture économique.
Dans ce vaste champ ou les idées reçues rivalisent avec les tabous du politiquement correct, le thème des inégalités croissantes associé à celui de la pauvreté dans le monde est devenu un sujet de discussions passionnées, voire d’angoisse, sur toute la planète : un point critique, menaçant d’entraîner dans les prochaines décennies, des révolutions sociales de grande ampleur.
Mais comme le démontre certains auteurs, – Gilles Dufrénot est de ceux-là –, il n’y a aucune fatalité à cette issue tragique, car « les pauvres » pourraient aussi « métamorphoser » le capitalisme, le transcender grâce aux opportunités et potentialités du « nouveau monde ».
« Il faut en effet abandonner cette idée que pour lutter efficacement contre la pauvreté et l’inégalité, il suffirait de considérer les pauvres comme des personnes à assister ».
En réalité les pauvres sont devenus des acteurs économiques et ce mouvement s’accélère. Ils ont depuis longtemps (grâce à Luther et à sa réforme protestante permettant l’essor de la productivité et des richesses) « dégagé du temps » pour aller à l’école et se former, et c’est cette plus grande inclusion sociale qui doit leur permettre de prendre leur destin en main : l’ascenseur social, le rêve américain, l’aspiration à devenir riche sont autant de motivations pour accompagner et utiliser une certaine modernité du capitalisme qui est en marche.
Ces politiques de lutte contre la pauvreté restent encore aujourd’hui trop confinées à trouver de l’argent et à le redistribuer aux pauvres : si elles restent utiles, elles sont insuffisantes.
C’est d’ailleurs la thèse avancée par le gouvernement qui préconise de s’attaquer plutôt aux racines de la pauvreté (éducation, formation, inclusion sociale), car si l’efficacité dans ce domaine tenait exclusivement au volume des prestations sociales, la France serait championne du monde avec ses 15 % dans la part mondiale (contre ses 1 % de la population et 3 % du PIB).
Aussi, pour permettre au capitalisme de se « transcender » et sortir de cette impasse, « l’économie collaborative » pourrait permettre, grâce au numérique et à Internet, par la dissociation du droit de propriété et le droit d’usage, de bousculer la subordination technologique.
En s’appuyant ainsi sur des innovations « frugales », décentralisées, au plus près des besoins et des acteurs, avec des avancées inclusives, calibrées sur le besoin des entreprises et des consommateurs et utilisant des matériaux disponibles localement.
La seule dénonciation des inégalités et des injustices sociales ne suffit plus, l’assistance non plus, il faut encourager les métamorphoses du capitalisme : « nous sommes passés du terrain exclusivement moral à celui de l’économie » et ce sont les « pauvres » eux-mêmes qui peuvent se prendre en main en modifiant le modèle dominant de la consommation, des échanges, de l’innovation et de la production.
Ce rapport nouveau des pauvres au capitalisme porte l’espérance d’inverser son histoire funeste « de force motrice de la montée de la pauvreté et des inégalités » pour en faire un allié dans cette éternelle quête d’un avenir meilleur.
Il est donc possible d’imaginer une évolution positive du capitalisme sans le passage obligé par les chemins révolutionnaires que certains irresponsables appellent de leurs vœux ou par les thèses marxistes, chères à Monsieur Piketty.
Et ceci peut être tout simplement en faisant confiance au génie des hommes et, ce qui est nouveau, à celui des « pauvres » plus qu’à leur folie.
à propos de l’auteur
Gilles Dufrénot est professeur d’économie à l’Université d’Aix-Marseille et chercheur associé au CEPII. Il a été distingué pour le Prix Collectif Turgot 2010 : Après la crise, les politiques économiques dans le Monde chez économica.
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