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Les zones urbaines sont méthodiquement décrites sous forme de plans. Les cours et jardins n’échappent pas à ce référencement. Comment le système en vigueur a-t-il vu le jour ?
Adrienne Barthélemy,
architecte des bâtiments de France, est revenue sur la réglementation des cours
et des jardins, au titre du code de l’urbanisme et du patrimoine, lors d’une
conférence au muséum d'Orléans pour la Biodiversité et l'Environnement, le 5 décembre
2023. Elle illustre son propos d’exemples et de cartes graphiques, et revient sur
les points clés de l’évolution historique de cette matière.
Aujourd’hui, « une grande question nous est
posée », lance Adrienne Barthélemy : « comment peut-on repenser le végétal en ville ? » Tel est le fil rouge de l’exposé technique, juridique et historique, auquel nous
convie l’architecte. Également cheffe de l’unité départementale de
l'architecture et du patrimoine (UDAP) du Loir-et-Cher, elle précise : « Je vais me concentrer sur les intérieurs
d’îlots et non sur les grands espaces publics, avec un focus sur la
réglementation. »
Adrienne Barthélemy prend
pour point de départ la « loi Malraux » de 1962. À l’époque, le ministre
de la Culture met en place « des secteurs sauvegardés », en vue de
protéger le patrimoine historique et esthétique des villes. C’est par exemple
pour préserver le Marais insalubre d’après-guerre qu’André
Malraux crée le premier des secteurs sauvegardés. Ce quartier de Paris était
constitué avant tout d’hôtels particuliers, conçus entre cour et jardin. C’est-à-dire
avec deux dominantes, l’une minérale et l’autre végétale.
Un secteur sauvegardé va
alors de pair avec la création d’un plan graphique nommé plan de sauvegarde et
de mise en valeur (PSMV). « Ce
document a valeur d’un document d’urbanisme, la même valeur qu’un plan local d’urbanisme, ou qu’un plan d’occupation des sols (POS), dans
les années 60 », précise Adrienne Barthélemy. Sur une carte communale – très
similaire au POS – sont
délimitées de manière sommaire des zones urbanisées, dites U, et des zones
naturelles, dites N.
« J’ai pris conscience que le plan de sauvegarde et de mise en valeur était très en avance », assure l'architecte des bâtiments de France. Ce document identifiait déjà « des espaces libres à dominante végétale ou jardins, à conserver, améliorer ou créer ; des espaces libres à dominante minérale ou cours, à conserver, restaurer ou créer ; et puis des arbres remarquables à conserver ».
À titre d’exemple, le PSMV de
Richelieu et celui de Blois, conçus dans les années 70, distinguent le minéral et le
végétal. « Le PSMV identifie des
espaces boisés classés, espaces considérés non constructibles. Et c’est grâce à
cela, qu’on arrive à recréer des jardins, à ramener du végétal. »
Adrienne Barthélémy pointe sur le
plan de Blois des îlots entièrement bâtis, sans aucun espace libre. « On n’est pas loin de la misère. Il y
a une telle densité que forcément c’est invivable dans un îlot. La seule façon
de faire est de recréer des cours et des jardins à l'intérieur. »
Et c’est bien là le projet du
plan de sauvegarde et de mise en valeur : redonner des espaces libres non
bâtis ! L’architecte rappelle l’idée originelle de Malraux : « L'insalubrité naît d’une surdensification des
bâtiments, qui était du grand n’importe quoi. Des verrues, des choses pas
honnêtes qui font que la vie à l’intérieur de l’îlot devient insupportable. »
Le PSMV donne le pouvoir à un
architecte des bâtiments de France d’imposer une démolition, dès lors qu’il y a
des projets derrière.
Depuis, les règles qui
régissent les conditions d’aménagement et d’utilisation des sols ont évolué avec la création du plan local d’urbanisme (PLU) et du plan local d’urbanisme intercommunal
(PLUi), qui ont progressivement remplacé le POS et le PSMV à partir de la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) de 2000.
L’architecte cite les
articles L 151-
Adrienne Barthélemy illustre
son propos avec le PLUi de l’agglomération blésoise. Le document n’est plus
seulement découpé en zones urbaines et naturelles, mais montre également des projets. Il s’intéresse
à l’intérieur des îlots : aux mares, aux sources, aux arbres remarquables… « Les plans de sauvegarde et de mise
en valeur faisaient déjà du projet urbain. Ils allaient loin dans l’inventaire,
dans ce que devaient devenir les sols, les lieux… Beaucoup de choses testées dans
les PSMV ont été introduites dans les PLU. »
Et le PLUi a un atout
supplémentaire, grâce à sa légende : « Elle
est définie par le lieu, explique la conférencière. C'est-à-dire, que ce sont les caractéristiques
du lieu qui permettent de
faire telle ou telle légende. Le
code de l’urbanisme dit uniquement que le règlement peut identifier et
localiser les éléments du paysage. C’est très souple. On fait ce qu’on veut, on identifie ce qu’on veut. C’est à mon sens une
grande force ! »
La loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, en 2016, est venue réformer les
secteurs sauvegardés. Elle les a fondus au sein de l’entité « sites patrimoniaux
remarquables » (SPR), avec les zones de protection du patrimoine architectural,
urbain et paysager (ZPPAUP) et les aires de valorisation de l'architecture et
du patrimoine (AVAP).
Mais, demeure ancrée dans la
légende de ces documents, la dichotomie entre végétal et minéral, et l’idée
qu’une cour est minérale, et un jardin végétal. « Or, ce côté binaire minéral / végétal aujourd’hui me semble compliqué,
s’inquiète l’architecte. Il faudrait
sûrement le nuancer. »
Des zones grises existent.
Une cour pavée transformée avec des joints enherbés, est-elle encore à
dominante minérale ? « On est
dans un moment particulier où l’on a une obligation de faire bouger des choses. Nous allons peut-être vers une évolution à venir de la réglementation, qui apparaît parfois
aujourd’hui un peu en décalage. »
Maricygne di Matteo
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