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Métavers : un encadrement juridique en construction


mercredi 15 juin 20228 min
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15/06/2022 16:33:54 1 1 3015 10 0 25241 2832 2918 Experts-comptables et greffiers, partenaires au service des entreprises

Lorsqu’il s’agit d’accompagner les entrepreneurs, greffiers et experts-comptables sont essentiels. En s’appuyant sur des outils numériques de plus en plus performants, chaque profession agit dans son rôle de prévention et dans la lutte contre le blanchiment.

On ne le dira jamais assez : en ce qui concerne les services alloués aux entreprises, greffier et expert-comptable sont complémentaires. C’est justement pour mettre en avant ce binôme que le 21 avril dernier, « Au cœur de la profession », l’émission du Conseil national de l’ordre des experts-comptables (CNOEC), accueillait Thomas Denfer, président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC), et Jean-Luc Flabeau, vice-président de l’Ordre des experts-comptables.

Une complémentarité entre les deux professions qui s’est matérialisée en 2021 par la signature d’une convention, organisée autour de trois axes majeurs : continuer à progresser sur l’anticipation des difficultés de prévention auprès des entreprises en difficulté, assurer une meilleure transparence de la vie des entreprises, et continuer à accentuer la lutte contre le blanchiment, « sujet sociétal important » , souligne Jean-Luc Flabeau.

Les CIP et la prévention des entreprises en difficulté

Développés depuis plus de dix ans, les centres d’information sur la prévention (CIP) sont des plateformes d’accueil et d’écoute des chefs d’entreprise, présentes sur tout le territoire. Les experts-comptables, aux côtés des avocats, des greffiers, ou encore d’anciens juges du tribunal de commerce, conseillent et accompagnent, de façon bénévole, les dirigeants d’entreprise en difficulté. Pour Jean-Luc Flabeau, la première étape de la prévention consiste à « combattre le déni du chef d’entreprise » en difficulté : « c’est le travail de plusieurs années, de plusieurs dizaines d’années voire de toute une vie, et il a du mal à analyser les difficultés de son entreprise », constate l’expert-comptable et commissaire aux comptes. Une fois ce déni dépassé, il sera ensuite question d’effectuer un audit, mené par plusieurs professions.

Dans les CIP, au cours des « Entretiens du jeudi » menés anonymement et confidentiellement, un expert-comptable, un avocat et un juge consulaire accueillent le dirigeant. Le but : dédramatiser la situation. « Le tribunal de commerce fait peur », remarque Jean-Luc Flabeau, il faut dans ce contexte expliquer au dirigeant que « le tribunal est aussi là pour protéger le chef d’entreprise ». Car dans ces démarches, il y a un volet judiciaire, certes, mais il y a aussi tout un volet amiable, rappelle-t-il.

Face aux difficultés des entreprises, et toujours dans un souci de prévention, l’Ordre des experts-comptables a débuté un partenariat avec l’université de la Sorbonne sur un cursus diplômant de redressement des entreprises.

Le numérique pour un meilleur accompagnement du chef d’entreprise en difficulté

Pour faciliter ces démarches, le digital, en complément de l’humain, vise à améliorer l’accompagnement du dirigeant. Il faut dire que les greffiers des tribunaux de commerce sont précurseurs en termes de technologie. « Notre profession est empreinte d’une vraie capacité d’innovation et d’une culture numérique », se félicite Thomas Denfer. Infogreffe a par exemple fêté l’année dernière ses 35 ans, « c’est la première legal tech française qui survit aux années », se réjouit le représentant des greffiers. Innovante, la profession se dote ainsi d’outils qui apparaissent bien utiles pour l’entrepreneur en difficulté. « À travers les outils numériques, dans un complément d’information vers le chef d’entreprise, pour l’aider à se saisir de sa propre situation, la profession a mis en place un indicateur de performance, accessible uniquement au chef d’entreprise, pour connaître la tendance de son entreprise », explique Thomas Denfer. Ainsi, via un algorithme qui utilise l’information existante certifiée par les greffiers, le dirigeant peut de façon autonome réaliser son propre audit et disposer d’un état des lieux de la situation de son entreprise à l’instant T.

Un fois que l’entrepreneur s’est saisi de cette information, que faire ? Pour le greffier, il faut l’orienter. Et dans un souci de complémentarité, Thomas Denfer l’assure : « nous avons tendance à l’orienter vers un expert-comptable », professionnel du chiffre et du conseil, pour recevoir un accompagnement adapté à sa situation.

Rebondissant sur cette peur du tribunal évoquée plus haut par l’expert-comptable, le président du CNGTC le reconnaît lui aussi : malgré ce travail de prévention, franchir physiquement les portes d’un tribunal peut terrifier. « L’intérêt d’avoir des outils numériques en complément de ce qui existe en présentiel », précise Thomas Denfer, c’est aussi de permettre au dirigeant de « franchir cette porte en ligne » via le Tribunal digital. Cet espace dématérialisé, véritable porte d’accès en ligne aux 141 tribunaux de commerce français, rend la justice commerciale accessible à tous, à tout moment, et permet par exemple à l’entrepreneur d’utiliser les mécanismes de prévention des difficultés directement en ligne, de saisir le président du tribunal ou encore de réaliser une demande de rendez-vous. Une voie parallèle moins traumatisante, reconnaît Thomas Denfer.

Dans le prolongement, les experts-comptables développent eux aussi des outils numériques. Il y a par exemple Business Story prévention, un dispositif de pré-diagnostic des difficultés des entreprises, conçu par le CNOEC et mis à la disposition de l’ensemble des cabinets d’expertise-comptable.

Quand il s’agit de prévention, « le plus important, c’est la fraicheur de l’information », pointe Jean-Luc Flabeau. Mut but est de travailler avec les données les plus récentes permettant d’avoir une vision actuelle de la situation de l’entreprise et potentiellement d’anticiper les actions, l’Ordre travaille actuellement sur de nouveaux outils plus prédictifs, basés sur la data, offrant ainsi la possibilité de croiser un maximum d’informations. Un dispositif qui fait assurément écho à l’une des missions premières des greffiers, à savoir la sécurisation juridique de l’économie, à travers la tenue de différents registres de publicité légale, et la mise à disposition du public d’une information fraiche et certifiée.


Thomas Denfer et Jean-Luc Flabeau, sur le plateau d' "Au cœur de la profession", le 21 avril 2022

Pour la dématérialisation des procédures et formalités

Outre leur mission de prévention et d’accompagnement des entreprises en difficulté, les 232 greffiers sont aussi présents pour faciliter la vie du chef d’entreprise, que ce soit lors de la création de l’entreprise, sa modification, ou même sa fermeture, quand cela est nécessaire. Pour cela, depuis dix ans, des services dématérialisés, permettent à lentrepreneur de réaliser ses formalités en ligne. En 2021, Infogreffe a ainsi reçu 2 millions de formalités en ligne, vérifiées ensuite par les greffes.

Pour Jean-Luc Flabeau, le principal avantage d’Infogreffe réside dans le fait qu’il s’agit de la seule plateforme qui regroupe les informations d’un grand nombre de TPE PME, pour qui le défi de la digitalisation est le plus complexe.

Afin de faciliter la vie des entrepreneurs, les deux instances sont en lien pour envisager des améliorations numériques, notamment en ce qui concerne le dépôt des fichiers. D’autres projets de services additionnels sont également en cours de réflexion, toujours dans le but d’aider les chefs d’entreprise dans leurs démarches du quotidien.

La lutte contre le blanchiment, « un vrai sujet sociétal »

En 2021, Infogreffe a reçu 750 000 dépôts des comptes en ligne, en grande partie déposés par des experts-comptables. Et même si certaines entreprises rechignent parfois, selon les deux intervenants, à le faire, cette obligation s’inscrit dans la culture à la française, qui défend une transparence économique qui profite à l’écosystème dans sa globalité, certifie Thomas Denfer.

Cette lutte contre la fraude et le blanchiment est « dans l’ADN des greffiers », précise-t-il. « Cela reste des phénomènes sociaux sur lesquels on se doit de s’investir », complète le président du CNGTC, notamment en cette période, où la crise sanitaire s’est vu être le témoin d’une vague de fraudes. « Même si nous disposons de dispositifs assez efficaces pour lutter contre les fraudes, c’est l’expertise croisée avec des professionnels qui nous permettent d’améliorer ce que l’on propose », considère Thomas Denfer.

Pour répondre à ce fléau, Guillaume Valette-Valla, directeur de Tracfin, et Thomas Denfer ont d’ailleurs renouvelé, le 9 mai dernier, le partenariat entre les deux institutions engagées dès 2015. Un renouvellement qui intervient après l’ordonnance numéro 2020-115 du 12 février 2020 marquant l’assujettissement des greffiers des tribunaux de commerce aux obligations de LCB-FT au titre de l’article L. 561-2, 19° du Code monétaire et financier.

Même chose du côté des experts-comptables, auxquels Tracfin impose des devoirs, qui peuvent aussi parfois s’avérer être des contraintes pour les entreprises, nuance Jean-Luc Flabeau. A son sens, cette lutte constitue « un vrai sujet sociétal » : l’important est de « mettre le curseur au bon niveau », commente-t-il.

Infogreffe toujours plus innovant pour faciliter la vie des entrepreneurs

Guillaume Fénelon, directeur d’Infogreffe, revient quant à lui sur les nouveautés proposées par le GIE Infogreffe.

Il évoque notamment le partenariat passé avec la licorne Qoton, qui permet désormais aux créateurs d’entreprise de déposer leur capital en ligne. Grâce à ce nouveau service intégré au parcours de création de l’entreprise d’Infogreffe, le certificat d’obtention de dépôt peut être délivré en moins de 72 h, se réjouit le directeur.

Guillaume Fénelon présente également KYC (pour know your customer), un nouveau service de surveillance, d’information authentique et de preuve pour lutter contre la fraude et le blanchiment. Celui-ci permet aux assujettis, aux exigences en matière de LCB-FT (selon les articles L. 561 et suivants du Code monétaire et financier, notamment les banques et établissements de crédit, les compagnies d’assurance, mais aussi les notaires, les huissiers, les avocats ou encore les experts-comptables) de mieux connaître leurs clients, prospects ou même partenaires, sur la base de documents officiels certifiés par les greffiers des tribunaux de commerce. Ce service leur offre également la possibilité de disposer, en temps réel, de l’ensemble du dossier de leurs clients (Kbis, compte annuel, registre des BE), explique le directeur d’Infogreffe, et ce dès le début de leur collaboration, mais aussi tout au long de leur relation.

Infogreffe a également donné naissance à Monjuridique.fr, solution développée pendant le confinement qui regroupe l’ensemble des registres légaux dématérialisés.

Enfin, le dernier outil proposé par Infogreffe, encore en cours de finalisation, est né d’un constat : les entreprises ont régulièrement des difficultés à accéder à l’ensemble des aides publiques existantes. Pour pallier ce manque d’informations, Infogreffe proposera prochainement une base de données recensant l’ensemble de ces aides. Plus de 3 500 aides seront référencées sur cette plateforme. Un outil utile pour le créateur d’entreprise, qui pourra ainsi facilement connaître les aides auxquelles il est éligible, mais utile aussi aux experts-comptables, leur permettant d’obtenir un rapport sur l’ensemble des aides auxquelles peuvent souscrire leurs clients.

Un ensemble d’outils numériques indispensables, commente Jean-Luc Flabeau, notamment en cette période de sortie de crise, où les professionnels vont devoir faire preuve d’une vigilance accrue. En effet, avec la fin du « quoi qu’il en coûte » et la situation internationale dominée par la guerre en Ukraine, les entreprises françaises rencontrent aujourd’hui des difficultés de recrutement et d’approvisionnement. Aussi, suite à la chute du nombre de défaillances (de 55 000 par an, on est passé à 28 000 défaillances en 2021), un risque de rebond reste à craindre. Les professionnels ont assurément besoin de toutes ces connexions, aidées par la digitalisation, pour accompagner au mieux les entreprises.

Constance Périn

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