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Pour 2025, la CNCC réaffirme son rôle auprès des entreprises


vendredi 17 janvier5 min
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Lors de la présentation des vœux de la profession, hier, le président Philippe Vincent a rappelé l’étendue du rôle de tiers de confiance campé par les commissaires aux comptes, et notamment « en cette période de trouble, pour interpeller [les entreprises] dès les premiers signaux faibles ».

Du bon sens et du courage. Comme une antienne, tels ont été les souhaits qui ont émaillé le discours de Philippe Vincent, nouveau président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), lors de la présentation des vœux de la profession, jeudi 16 janvier, à la Maison de la Chimie, à Paris.

Du bon sens et du courage, d’abord, au sujet de la simplification, cette « ritournelle familière qui [nous] touche de manière évidente » a-t-il souligné, non sans grincer quelque peu des dents. En mars dernier, face à la menace de nouveaux seuils de désignation des CAC que Bercy projetait d’intégrer au projet de loi de simplification de la vie économique, après deux relèvements déjà intervenus en 2019 et en février 2024, la profession avait vu rouge.

Si la mesure avait finalement été rapidement abandonnée, certainement en raison du branle-bas de combat qu’elle avait généré, elle laisse aujourd’hui des traces. « Simplifier n’est pas déréguler, cela demande un effort concerté, loin de solutions simplistes. Il n’est pas question de supprimer le cadre », a martelé Philippe Vincent.

Acteurs de l’amélioration de la CSRD

Du bon sens et du courage, ensuite, s’agissant de « l’entreprise herculéenne » dans laquelle les CAC se sont, en 2022, « engagés pour revendiquer leur part de responsabilité » : la lutte contre le réchauffement climatique.

A ce titre, le président de la CNCC a rappelé que la profession avait « soutenu » la fameuse CSRD. Entrée en vigueur le 1er janvier 2024, la directive européenne vise à renforcer les obligations de publication d'informations en matière de durabilité à l'égard des entreprises.

Mais bien que la profession y ait souscrit « par conviction, et car c’était la bonne chose à faire », a soutenu Philippe Vincent, l’homme à la tête de l’instance représentative des commissaires aux comptes a tout de même nuancé : « Pour autant, convenons que le texte de la directive, comme ceux du Pacte vert, est perfectible ».  

Raison pour laquelle le président souhaite continuer, en 2025, à faire remonter ses « incohérences et ses défauts » relevés par les entreprises et les auditeurs. Ce, dans la lignée d’un courrier adressé à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, destiné à apporter des « propositions d’amélioration concrètes ».

La directive impose en particulier la rédaction d’un reporting de durabilité. « Je ne voudrais qu’on ne perde pas de vue le sens de ce rapport : pour les entreprises, disposer d’un tableau de bord efficace. Soyons donc acteurs de leur réussite ». Pour cela, Vincent Philippe évoque plusieurs correctifs, notamment mettre en place des référentiels sectoriels se substituant au référentiel général quand ce dernier n’est pas pertinent, par exemple dans les secteurs de la banque et de l’assurance.

Accompagner les entreprises sur l’IA

Autre valeur au cœur des vœux formulés par le président de la CNCC : la confiance. Un mois après les 35e assises de la profession sur le thème « IA et confiance : quelles mutations pour l’audit », et à quelques jours du lancement, en février, du sommet français de l’IA, Philippe Vincent a évoqué le « formidable outil au service de la performance et de l'innovation » qu’est l’intelligence artificielle.

Pour rester compétitives, a-t-il assuré, les entreprises françaises doivent s’en saisir « en confiance et sécurité », et sur ce point, les commissaires aux comptes ont un rôle à jouer. « La CNCC est mobilisée pour soutenir ses clients dans le développement d’usages créateurs de valeurs, et pour prendre part aux enjeux de sécurité et de souveraineté. En 2025, nous serons parties prenantes des travaux dans ce domaine ».

L’entreprise, « nouveau lieu de confiance »

De la confiance, toujours, - voire « de l’optimisme » -, le président de la CNCC en a réclamé enfin vis-à-vis de la conjoncture, bien que cela soit « difficile au premier abord ». Le PIB devrait progresser d’à peine 0,2 % tandis que le marché de l’emploi pourrait se dégrader et que le nombre de faillites est en hausse de 20 %.

Invité à apporter son éclairage sur les risques économiques et politiques encourus par la France, Yann Algan, professeur à HEC et membre du Conseil d’analyse économique (CAE), a de son côté rappelé que le grand nombre de défaillances actuelles étaient liées à la fin du quoi qu’il en coûte et des soutiens gouvernementaux aux entreprises.

Par ailleurs, sans budget pour l’heure et avec dette qu’il a qualifiée d’« explosive », l’instabilité politique française « ne permet pas de prendre des mesures pour stimuler la croissance », a alerté le professeur. « Si on veut être crédibles, on ne peut pas réduire le déficit primaire de 4 à 0 %, sinon on coupe la croissance. On pourrait avoir une trajectoire de réduction de 0,5 point par an, mais pour annoncer cela aux acteurs économiques, il faut avoir une stabilité politique, ce dont on manque ».

Dans la situation actuelle d’essoufflement de l’Etat providence, Yann Algan augure que l’entreprise va prendre du galon, et notamment « devenir le nouveau lieu de confiance » - un mot décidément d’actualité. Pour retrouver des perspectives de croissance, les entreprises doivent toutefois « retrouver des marges de manœuvre », a-t-il affirmé.  

Et pour cela, les commissaires aux comptes ont une carte à jouer, a estimé l’économiste. « Les entreprises ont été maintenues sous perfusion, maintenant il faut tirer le signal d’alarme bien avant, procéder aux ajustements nécessaires, réinventer la gouvernance. Et là-dessus, elles peuvent compter sur les tiers de confiance, car comme l’a dit un Prix Nobel d’économie : la confiance est au cœur de la croissance ».

Un avis  partagé par le président de la CNCC : « En cette période de trouble, les commissaires aux comptes jouent un rôle essentiel, en amont de la procédure, pour interpeller dès les premiers signaux faibles », a-t-il pointé.

Bérengère Margaritelli

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