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Lors de la présentation des vœux de la profession, hier, le président Philippe Vincent a rappelé l’étendue du rôle de tiers de confiance campé par les commissaires aux comptes, et notamment « en cette période de trouble, pour interpeller [les entreprises] dès les premiers signaux faibles ».
Du bon sens et du courage. Comme
une antienne, tels ont été les souhaits qui ont émaillé le discours de Philippe
Vincent, nouveau président de la Compagnie nationale
des commissaires aux comptes (CNCC), lors de la présentation des vœux
de la profession, jeudi 16 janvier, à la Maison de la Chimie, à Paris.
Du bon sens et du courage, d’abord,
au sujet de la simplification, cette « ritournelle familière qui [nous]
touche de manière évidente » a-t-il souligné, non sans grincer quelque peu des
dents. En mars dernier, face à la menace de nouveaux seuils de
désignation des CAC que Bercy projetait d’intégrer au projet de loi
de simplification de la vie économique, après deux relèvements déjà intervenus
en 2019 et en février 2024, la profession avait vu rouge.
Si la mesure avait finalement
été rapidement abandonnée, certainement en raison du branle-bas de combat qu’elle
avait généré, elle laisse aujourd’hui des traces. « Simplifier n’est
pas déréguler, cela demande un effort concerté, loin de solutions simplistes.
Il n’est pas question de supprimer le cadre », a martelé Philippe
Vincent.
Acteurs de l’amélioration de
la CSRD
Du bon sens et du courage,
ensuite, s’agissant de « l’entreprise herculéenne » dans
laquelle les CAC se sont, en 2022, « engagés pour revendiquer leur part
de responsabilité » : la lutte contre le réchauffement climatique.
A ce titre, le président de
la CNCC a rappelé que la profession avait « soutenu » la
fameuse CSRD. Entrée en vigueur le 1er janvier 2024, la directive européenne
vise à renforcer les obligations de publication d'informations en matière de
durabilité à l'égard des entreprises.
Mais bien que la profession y
ait souscrit « par conviction, et car c’était la bonne chose à faire »,
a soutenu Philippe Vincent, l’homme à la tête de l’instance représentative des
commissaires aux comptes a tout de même nuancé : « Pour autant,
convenons que le texte de la directive, comme ceux du Pacte vert, est
perfectible ».
À lire aussi : Au Medef, la CSRD en question
Raison pour laquelle le
président souhaite continuer, en 2025, à faire remonter ses « incohérences
et ses défauts » relevés par les entreprises et les auditeurs. Ce, dans
la lignée d’un courrier adressé à la présidente de la Commission européenne, Ursula
von der Leyen, destiné à apporter des « propositions d’amélioration concrètes ».
La directive impose en
particulier la rédaction d’un reporting de durabilité. « Je ne voudrais
qu’on ne perde pas de vue le sens de ce rapport : pour les entreprises,
disposer d’un tableau de bord efficace. Soyons donc acteurs de leur réussite ».
Pour cela, Vincent Philippe évoque plusieurs correctifs, notamment mettre en
place des référentiels sectoriels se substituant au référentiel général quand ce
dernier n’est pas pertinent, par exemple dans les secteurs de la banque et de l’assurance.
Accompagner les entreprises
sur l’IA
Autre valeur au cœur des vœux
formulés par le président de la CNCC : la confiance. Un mois après les 35e
assises de la profession sur le thème « IA et confiance : quelles
mutations pour l’audit », et à quelques jours du lancement, en
février, du sommet français de l’IA, Philippe Vincent a évoqué le « formidable
outil au service de la performance et de l'innovation » qu’est l’intelligence
artificielle.
Pour rester compétitives, a-t-il
assuré, les entreprises françaises doivent s’en saisir « en confiance
et sécurité », et sur ce point, les commissaires aux comptes ont un
rôle à jouer. « La CNCC est mobilisée pour soutenir ses clients dans le
développement d’usages créateurs de valeurs, et pour prendre part aux enjeux de
sécurité et de souveraineté. En 2025, nous serons parties prenantes des travaux
dans ce domaine ».
L’entreprise, « nouveau
lieu de confiance »
De la confiance, toujours, -
voire « de l’optimisme » -, le président de la CNCC en a réclamé enfin vis-à-vis de la conjoncture, bien que cela soit « difficile au
premier abord ». Le PIB devrait progresser d’à peine 0,2 % tandis que le
marché de l’emploi pourrait se dégrader et que le nombre de faillites est en hausse
de 20 %.
Invité à apporter son
éclairage sur les risques économiques et politiques encourus par la France, Yann
Algan, professeur à HEC et membre du Conseil d’analyse économique (CAE), a de
son côté rappelé que le grand nombre de défaillances actuelles étaient liées à la
fin du quoi qu’il en coûte et des soutiens gouvernementaux aux entreprises.
Par ailleurs, sans budget
pour l’heure et avec dette qu’il a qualifiée d’« explosive »,
l’instabilité politique française « ne permet pas de prendre des mesures
pour stimuler la croissance », a alerté le professeur. « Si on
veut être crédibles, on ne peut pas réduire le déficit primaire de 4 à 0 %, sinon
on coupe la croissance. On pourrait avoir une trajectoire de réduction de 0,5 point
par an, mais pour annoncer cela aux acteurs économiques, il faut avoir une stabilité
politique, ce dont on manque ».
Dans la situation actuelle d’essoufflement
de l’Etat providence, Yann Algan augure que l’entreprise va prendre du galon,
et notamment « devenir le nouveau lieu de confiance » - un mot
décidément d’actualité. Pour retrouver des perspectives de croissance, les entreprises
doivent toutefois « retrouver des marges de manœuvre », a-t-il
affirmé.
Et pour cela, les
commissaires aux comptes ont une carte à jouer, a estimé l’économiste. « Les
entreprises ont été maintenues sous perfusion, maintenant il faut tirer le signal
d’alarme bien avant, procéder aux ajustements nécessaires, réinventer la
gouvernance. Et là-dessus, elles peuvent compter sur les tiers de confiance, car
comme l’a dit un Prix Nobel d’économie : la confiance est au cœur de la
croissance ».
Un avis partagé par le président de la CNCC : « En
cette période de trouble, les commissaires aux comptes jouent un rôle essentiel,
en amont de la procédure, pour interpeller dès les premiers signaux faibles »,
a-t-il pointé.
Bérengère
Margaritelli
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