Protection des sols : où en est le droit européen ?


vendredi 18 février 20223 min
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Le mercredi 17 novembre 2021, la Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie pour les sols qui prévoit l’adoption d’une directive-cadre en 2023. L’objectif poursuivi par la Commission est « d’augmenter la teneur en carbone des sols dans les terres agricoles, à lutter contre la désertification, à restaurer les terres et les sols dégradés, et à faire en sorte que, pour 2050, tous les écosystèmes des sols soient en bon état (1) ». Cette volonté de protéger les sols en règlementant leur utilisation n’est pas récente, mais elle s’est heurtée à de nombreux obstacles qui font aujourd’hui des sols « l’Arlésienne du droit de l’environnement (2) », et en particulier du droit de l’environnement européen.

Après avoir souligné l’importance du sujet dans la lutte contre le dérèglement climatique, l’adaptation au dérèglement climatique, et rappelé les raisons pour lesquelles, jusqu’à présent, les tentatives réglementaires ont échoué au niveau communautaire, les contours du futur texte seront présentés.

 

 

Les sols, sujet majeur et pourtant « parents pauvres » du droit européen de l’environnement

Lors de l’adoption, le 17 juin 2021, par la Commission des affaires européennes de la proposition de résolution, les rapporteurs Gisèle Jourda et Cyril Pellevat avaient souligné qu’à la différence de l’air (3) ou de l’eau (4), les sols sont « les grands oubliés du droit européen » alors que ces derniers revêtent une importance fondamentale pour la lutte contre le changement climatique, la préservation de la santé humaine et de la biodiversité, ou encore la protection des eaux et de la nature (5). Ces objectifs ne font que s’ajouter à la nécessité d’une bonne qualité des sols pour l’agriculture et donc la santé humaine, ainsi qu’à la nécessité de réduire massivement la masse des sols contaminés. Cette contamination présente non seulement un risque majeur pour les eaux souterraines et la migration dépollution, mais gèle aussi des milliers d’hectares qui sont en friche au moment même où la lutte contre l’artificialité des sols devient un impératif.

Un premier point mérite d’être souligné : les sols sont le plus grand réservoir terrestre de carbone. Ils contiennent environ 2 500 gigatonnes de carbone, ce qui équivaut à environ 25 % de l’équivalent carbone résultant de l’utilisation mondiale des combustibles fossiles chaque année. Or, à défaut d’une protection efficiente, les sols cultivés ont perdu en quelques années entre 50 et 70 % de leur stock de carbone (6). Les sols plantés de forêts et de prairies absorbent chaque année 80 millions de tonnes de carbone à l’échelle européenne.

En outre, les sols, en plus d’abriter environ 25 % de la biodiversité mondiale, sont une ressource non renouvelable. C’est pour cela qu’il convient de limiter leur érosion et la destruction de leurs strates. L’érosion impacte environ 25 % des terres agricoles de l’Union, ce qui fait de leur préservation un objectif environnemental et socio-économique majeur. Chaque année, c’est environ 1 milliard de tonnes de sol qui sont détruites par l’effet de l’érosion. L’artificialisation des sols ainsi que leur gestion intensive nuisent gravement à la biodiversité (7).

L’intensification de l’agriculture et l’utilisation abusive de pesticides ont très largement contaminé les sols européens. Selon les chiffres de l’Agence européenne pour l’environnement, sur les quelque 3 millions de sites européens pollués, seuls 340 000 d’entre eux peuvent faire l’objet d’une dépollution.

Les dernières études soulignent qu’entre 60 et 70 % des sols dans l’Union européenne sont en mauvaise santé à cause de l’érosion, de la salinisation, des sécheresses, des tempêtes, de la désertification, de la pollution, du déclin de biodiversité et de la matière organique, ou encore du tassement (8). Cela représente un coût de 50 milliards d’euros par an pour l’Union européenne.

Cette dernière a donc échoué à respecter ses engagements internationaux et européens pour la protection des terres et des sols, à savoir la fin de l’augmentation nette de la surface des terres occupées d’ici 2050, la réduction de l’érosion, la lutte contre la désertification, la restauration des sols dégradés, ainsi que la gestion durable des terres par l’Union (objectif qui aurait dû être atteint en 2020).

Enfin, l’absence de directive et la dégradation des sols qui en résulte coûte environ 38 milliards d’euros par an aux États membres, et cela ne pourra que s’aggraver (9). L’état désastreux des sols européens est le fruit de l’incapacité des États membres à adopter un véritable cadre juridique européen contraignant, au même titre que pour l’air et l’eau.

 

 


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