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Le mercredi 17 novembre 2021, la
Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie pour les sols qui
prévoit l’adoption d’une directive-cadre en 2023. L’objectif poursuivi par la
Commission est « d’augmenter la teneur en carbone des sols dans les
terres agricoles, à lutter contre la désertification, à restaurer les terres et
les sols dégradés, et à faire en sorte que, pour 2050, tous les écosystèmes des
sols soient en bon état (1) ». Cette volonté de protéger
les sols en règlementant leur utilisation n’est pas récente, mais elle s’est
heurtée à de nombreux obstacles qui font aujourd’hui des sols « l’Arlésienne
du droit de l’environnement (2) », et en particulier du droit
de l’environnement européen.
Après avoir souligné l’importance du sujet dans la lutte
contre le dérèglement climatique, l’adaptation au dérèglement climatique, et
rappelé les raisons pour lesquelles, jusqu’à présent, les tentatives
réglementaires ont échoué au niveau communautaire, les contours du futur texte
seront présentés.
Les sols, sujet majeur et pourtant « parents
pauvres » du droit européen de l’environnement
Lors de l’adoption, le 17 juin 2021, par la Commission
des affaires européennes de la proposition de résolution, les rapporteurs
Gisèle Jourda et Cyril Pellevat avaient souligné qu’à la différence de l’air (3) ou de l’eau (4),
les sols sont « les grands oubliés du droit européen » alors
que ces derniers revêtent une importance fondamentale pour la lutte contre le
changement climatique, la préservation de la santé humaine et de la
biodiversité, ou encore la protection des eaux et de la nature (5). Ces objectifs ne font que s’ajouter à la
nécessité d’une bonne qualité des sols pour l’agriculture et donc la santé
humaine, ainsi qu’à la nécessité de réduire massivement la masse des sols
contaminés. Cette contamination présente non seulement un risque majeur pour
les eaux souterraines et la migration dépollution, mais gèle aussi des milliers
d’hectares qui sont en friche au moment même où la lutte contre l’artificialité
des sols devient un impératif.
Un premier point mérite d’être souligné : les sols
sont le plus grand réservoir terrestre de carbone. Ils contiennent environ
2 500 gigatonnes de carbone, ce qui équivaut à environ 25 % de
l’équivalent carbone résultant de l’utilisation mondiale des combustibles
fossiles chaque année. Or, à défaut d’une protection efficiente, les sols
cultivés ont perdu en quelques années entre 50 et 70 % de leur stock de
carbone (6). Les sols plantés de forêts et
de prairies absorbent chaque année 80 millions de tonnes de carbone à l’échelle
européenne.
En outre, les sols, en plus d’abriter environ 25 %
de la biodiversité mondiale, sont une ressource non renouvelable. C’est pour
cela qu’il convient de limiter leur érosion et la destruction de leurs strates.
L’érosion impacte environ 25 % des terres agricoles de l’Union, ce qui
fait de leur préservation un objectif environnemental et socio-économique
majeur. Chaque année, c’est environ 1 milliard de tonnes de sol qui sont
détruites par l’effet de l’érosion. L’artificialisation des sols ainsi que leur
gestion intensive nuisent gravement à la biodiversité (7).
L’intensification de l’agriculture et l’utilisation
abusive de pesticides ont très largement contaminé les sols européens. Selon
les chiffres de l’Agence européenne pour l’environnement, sur les quelque
3 millions de sites européens pollués, seuls 340 000 d’entre eux peuvent
faire l’objet d’une dépollution.
Les dernières études soulignent qu’entre 60 et 70 % des sols dans l’Union européenne sont en mauvaise santé à cause de l’érosion, de la salinisation, des sécheresses, des tempêtes, de la désertification, de la pollution, du déclin de biodiversité et de la matière organique, ou encore du tassement (8). Cela représente un coût de 50 milliards d’euros par an pour l’Union européenne.
Cette dernière a donc échoué à respecter ses engagements
internationaux et européens pour la protection des terres et des sols, à savoir
la fin de l’augmentation nette de la surface des terres occupées d’ici 2050, la
réduction de l’érosion, la lutte contre la désertification, la restauration des
sols dégradés, ainsi que la gestion durable des terres par l’Union (objectif
qui aurait dû être atteint en 2020).
Enfin, l’absence de directive et la dégradation des sols
qui en résulte coûte environ 38 milliards d’euros par an aux États membres, et
cela ne pourra que s’aggraver (9). L’état
désastreux des sols européens est le fruit de l’incapacité des États membres à
adopter un véritable cadre juridique européen contraignant, au même titre que
pour l’air et l’eau.
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