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Réforme du Code du travail - Publication des ordonnances


jeudi 7 septembre 201716 min
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Le Premier ministre, Édouard Philippe, et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, ont présenté ensemble les cinq ordonnances contenant 36 mesures pour réformer le Code du travail. Pour le chef du gouvernement, il s’agit d’une « réforme ambitieuse » qui vise à « réparer le pays ». Cette refonte cible essentiellement les TPE-PME. Le Medef et la CPME semblent satisfaits, mais les autres syndicats, eux, sont plus divisés. Voici les points clés.


Lors de la publication des ordonnances à Matignon le 31 août dernier, le Premier ministre, Edouard Philippe, a justifié les mesures qui ont été prises : « Personne ne peut sérieusement soutenir que notre droit, et notre droit du travail en particulier, favorise aujourd’hui l’embauche ». Il a présenté cette première étape, qui vise essentiellement les TPE-PME, comme « permettant aux acteurs du dialogue social et économique d’avoir tous les leviers pour négocier des règles qui prennent mieux en compte les attentes des salariés comme les besoins des entreprises ».


Ces textes, qui seront adoptés en Conseil des ministres le 22 septembre prochain et entreront en vigueur immédiatement après, semblent satisfaire les syndicats de dirigeants. Ainsi, pour Pierre Gattaz, président du Medef, « les ordonnances contiennent des pistes intéressantes qu’il faut maintenant transformer en réalité ».


De son côté, l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) salue les avancées pour les TPE contenues dans les projets d’ordonnance. Même son de cloche pour la confédération des PME (CPME) qui estime « la réforme tant attendue au rendez-vous » et qui ajoute : « c’est un changement en profondeur qui prend en compte la réalité des petites entreprises en leur ouvrant des facultés de dialogue jusqu’à présent réservé, en pratique, aux seules grandes entreprises ». En revanche, le Syndicat de la magistrature dénonce des textes « qui vont à l’encontre des fondements d’un droit destiné originellement à tenter de rétablir un équilibre dans une relation de travail par essence inégale ».


1) La possibilité de négocier directement avec un élu du personnel sur tous les sujets pour les entreprises de moins de 50 salariés et dans celles de moins de 20 salariés qui n’ont pas d’élu du personnel, de négocier avec ses salariés.


Lorsqu’il n’y a pas de délégué syndical dans l’entreprise (c’est le cas de 96 % des PME), le représentant du personnel, élu par les salariés, pourra conclure un accord collectif sur tous les sujets pour bénéficier de toutes les souplesses offertes par la négociation. Ainsi, « toutes les entreprises de notre pays qui ont des salariés, quel que soit leur nombre, auront un accès direct et simple à la négociation, qui est au coeur de notre projet », indique le gouvernement.


Concernant les entreprises de moins de 20 salariés, l’employeur pourra les consulter pour décider collectivement des règles de vie au travail. C’est déjà le cas aujourd’hui pour la mise en place d’un plan d’intéressement ou la validation d’une décision de l’employeur (contreparties au travail dominical par exemple). « Les TPE bénéficieront ainsi des mêmes souplesses, des mêmes capacités d’adaptation du droit, que les grandes entreprises : rémunération, temps de travail, organisation du travail, tout cela pourra être directement négocié par le chef d’entreprise avec ses salariés », explique Matignon.


Le Medef regrette « que les ordonnances n’ouvrent pas la capacité d’un dialogue simple dans les entreprises entre 50 et 300 salariés ». Et précise qu’il sera donc « vigilant à ce que la fusion des instances existantes conduise bien à une optimisation des coûts liés au dialogue social et à plus de simplicité ».


La CPME, elle, évoque « une avancée majeure qui favorisera le dialogue social au sein de l’entreprise et permettra d’adapter l’organisation du travail à l’activité de l’entreprise ». Elle se réjouit également de l’obligation pour les branches professionnelles de prendre en compte, désormais, les TPE dans leurs accords, « évitant ainsi une forme de distorsion de concurrence entre grandes et petites entreprises d’un même secteur ». Un avis partagé par l’UNAPL qui parle d’une « mesure positive ». « Non seulement elles ont été confortées, mais surtout, à l’avenir, leurs accords devront prévoir des adaptations permettant leur application aux TPE. Ainsi, les spécificités de ces entreprises ne pourront plus être oubliées, ce qui constitue une avancée très attendue », précise l’organisation patronale.


2) La mise en place d’un barème d’indemnités prud’homales et l’augmentation des indemnités de licenciement


Dans le cas d’une procédure pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié obtiendra au maximum 20 mois de salaire après 30 ans d’ancienneté. Le plancher passera à 15 jours dans les TPE, un mois dans les autres entreprises et pourra augmenter jusqu’à 3 mois avec l’ancienneté, contre 6 à l’heure actuelle. Seules exceptions, les cas relevant de la discrimination, du harcèlement ou portant atteinte aux libertés fondamentales du salarié, où le juge pourra décider librement de la sanction qui s’impose. Pour le gouvernement cela permet « davantage de prévisibilité, d’équité et de protection en cas de litige avec l’employeur ».


Le Syndicat de la magistrature, lui, y voit une attaque au juge prud’homal : « c’est sur le front des licenciements que se situe l’attaque la plus manifeste à son office. Non seulement les délais pour saisir la juridiction sont raccourcis (le délai de recours passera de 24 mois aujourd’hui à 12), ses facultés d’appréciation du motif économique du licenciement limité, mais le principe même de son intervention, qui consiste à évaluer la juste et entière réparation du préjudice du salarié en cas de licenciement fautif, est atteint.


Pire encore, en matière de licenciement économique, ces dommages et intérêts ne pourront plus se cumuler au-delà du plafond avec certaines indemnités. Le manquement par l’employeur à des obligations essentielles – de consulter les représentants du personnel, en matière de priorité à la réembauche, ou de constitution d’un comité d’entreprise – viendra se fondre dans les dommages et intérêts plafonnés. Et, en tout état de cause, le juge sera incité à « tenir compte » des indemnités légales de licenciement, qui sont "dues par tout employeur" ».


Pour compenser, les ordonnances prévoient que les indemnités légales de licenciement augmenteront de 25 %. Concrètement, un salarié qui gagnait en moyenne 2 000 euros par mois et qui se retrouve licencié après 10 années d’ancienneté, verra son indemnité légale passer de 4 000 euros à 5 000 euros.


Le Medef ne considère pas cette augmentation comme « un signal pertinent pour les entreprises », mais salue « la mise en place d’un plafond concernant les dommages et intérêts prud’homaux ». Si la CPME regrette aussi l’augmentation de l’indemnité légale de licenciement, la confédération reconnaît que « la mise en place d’un barème des indemnités réparatrices de préjudice en cas de condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse apportera de la visibilité à l’employeur désormais capable d’appréhender son risque maximal ». Pour l’UNAPL, cette mesure, « tenant compte de la taille de l’entreprise », aura pour effet de permettre de juger les procédures éventuelles « sur des questions de fond plutôt que sur les procédures elles-mêmes ».


3) La fusion des trois instances d’information et de consultation en une seule, le Comité social et économique (CSE), pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés.

 

Le Comité social et économique (CSE) fusionnera, dans les entreprises de plus de 50 salariés, les fonctions actuelles des délégués du personnel, du comité d’entreprise, et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Il en conservera la personnalité morale, ainsi que toutes les compétences et les prérogatives, y compris sur les aspects sécurité et conditions de travail, la capacité de demander des expertises, déclencher des enquêtes et faire des recours judiciaires si nécessaire. Concrètement, aujourd’hui, pour certains sujets, l’entreprise doit consulter les quatre, de façon séparée.


Un déménagement, par exemple, c’est à la fois un sujet qui a des implications économiques, sociales, de sécurité et de bien-être au travail. Avec une instance unique, salariés et employeurs discuteront au même endroit de tous sujets relatifs à l’entreprise, ce qui sera plus efficace. « Pour les entreprises, c’est moins de complexité et pour les partenaires sociaux, c’est plus de poids dans la négociation et un statut renforcé d’interlocuteur privilégié, même dans les plus petites entreprises », indique le gouvernement.


Afin d’associer le personnel aux actions de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail, une commission « hygiène, sécurité et conditions de travail » sera obligatoire dans toutes les entreprises à risque (nucléaire, ou classée Seveso), ainsi que pour toutes les autres atteignant au moins 300 salariés.

 

4) Pour l’entreprise qui veut lancer un plan social, le périmètre d’appréciation du motif économique sera fixé au niveau national, comme dans la grande majorité des pays européens.


La solidarité de toutes les filiales du monde avec la filiale française en difficulté compte parmi les règles qui pénalisent la France dans les comparaisons internationales et qui détournent les investisseurs.


Lorsqu’une entreprise connaît des difficultés économiques dans son secteur et sur le territoire national, elle pourra engager des licenciements qui seront appréciés sur le seul périmètre national, comme c’est le cas chez nos partenaires européens et internationaux. Cette règle simple sera de nature à conforter les entreprises françaises ou étrangères implantées en France – et à en convaincre d’autres d’investir dans l’Hexagone, et ainsi de développer de l’emploi. Matignon rassure : « Le juge pourra continuer à contrôler les éventuels abus de droit, y compris la création de difficultés artificielles pour justifier les licenciements. Si la filiale française est rentable, il n’y a aucune raison de la fermer ».



Victor Bretonnier

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