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Le statut de travailleur détaché a été créé par une directive européenne de 1996. Le gouvernement français souhaite la modifier pour renforcer la lutte contre la fraude au détachement ; or, de nombreuses tentatives allant dans ce sens, de la part d’autres pays, ont déjà échoué. Emmanuel Macron entame une tournée européenne pour essayer de convaincre ses partenaires.
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En juillet dernier, une enquête de la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) de Provence-Alpes-Côte d’Azur a mis au jour « un système collectif et organisé de fraude au détachement, de travail dissimulé, de prêt illicite de main-d’œuvre et de marchandage qui perdure depuis plusieurs années ». Près de 200 travailleurs étrangers seraient concernés. Le gouvernement souhaite mettre fin à l’utilisation illicite du statut de travailleur détaché – encadré par une directive européenne de 1996– dont l’idée de départ était de permettre aux sociétés européennes d’assurer l’exécution d’un contrat dans un pays tiers grâce au savoir-faire de leurs propres ressortissants. Rapidement, le dispositif est accusé d’encourager le « dumping social » et la concurrence déloyale entre salariés locaux et travailleurs détachés, puisque, selon le texte, l’employeur d’un travailleur envoyé en détachement dans un pays de l’UE acquitte les cotisations dans son État d’origine et selon les règles en vigueur dans celui-ci. Ce, même si un « socle de droits fondamentaux a été mis en place » pour aligner les coûts et éviter la concurrence déloyale. Pourtant, la fraude, elle, perdure et les tentatives de lutter contre elle sont devenues, au fil des années, un véritable serpent de me
« Mieux lutter contre la fraude »
C’est sans doute la raison pour laquelle Emmanuel Macron a décidé d’effectuer une tournée officielle auprès de ses homologues autrichien, slovaque, tchèque, roumain et bulgare afin de discuter de la directive de 1996 et exposer les mesures souhaitées par la France pour la durcir. Actuellement, une série de propositions présentées par la Commission européenne en mars 2016 ont déjà été discutées au Conseil européen, mais le gouvernement français estime « qu’elles n’apportent pas de solution satisfaisante pour mieux lutter contre la fraude et les contournements, et notamment contre les entreprises "boîtes aux lettres" ».
Paris veut ainsi limiter à douze mois sur une période de deux ans la durée du détachement. Le travailleur détaché ne pourrait plus bénéficier du statut de détaché après ce laps de temps. Le texte actuellement discuté évoque, quant à lui, vingt-quatre mois. La France souhaite également que les indemnités de « transport, d’hébergements et de repas » soient intégrées dans le revenu du travailleur afin d’éviter le contournement le plus classique de la directive de 1996. Une autre mesure voulue par le pouvoir exécutif cible plus précisément les sociétés « boîtes aux lettres ». Aujourd’hui, le formulaire « A1 », attestant de la législation nationale de Sécurité sociale applicable au travailleur, peut être émis pendant ou même après la prestation. L’État français veut en faire une condition préalable du détachement. Enfin, une demande concerne la création d’une plateforme européenne de coordination gérée par la Commission dont le but serait de faciliter le partage d’informations sur les sociétés frauduleuses pour les inspecteurs du travail.
La France : deuxième pays d’accueil
Adoptée en 1996 au sein d’une Union européenne qui comptait alors 15 membres, la directive relative au détachement des travailleurs a vu sa mise en œuvre bouleversée par les élargissements de 2004 et 2007 puis par la crise économique et financière. La multiplication des cas de fraude au détachement a conduit l’Union européenne à adopter en mai 2014, au terme de plus de deux ans de débats au Conseil, une directive d’exécution destinée à compléter le dispositif initial, en facilitant et en renforçant les contrôles. Le 8 mars 2016, moins de deux ans après, la Commission européenne a présenté une nouvelle proposition de directive sur ce sujet. Cette révision ciblée est censée prévenir les risques de concurrence déloyale et de fraude dans un contexte marqué par un recours de plus en plus important au détachement. En effet, leur nombre a augmenté de près de 45 % entre 2010 et 2014, passant ainsi de 1,3 million de personnes concernées à 1,9 million. Seuls 600 000 travailleurs étaient concernés par le détachement en 2007.
Parmi les pays d’envoi, cinq enregistrent une forte augmentation des départs : Bulgarie, Grèce, Slovaquie et Slovénie. L’Allemagne (410?000?travailleurs détachés, soit 1?% de la main-d’œuvre locale), la France (190?850) et la Belgique (159?750) sont les trois principaux pays de destination.
Victor Bretonnier
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