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Xavier Bariani, Président de la Chambre Départementale des Huissiers de Justice des Yvelines - De l’indépendance de la Justice


mardi 5 avril 20164 min
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Xavier Bariani, Président de la Chambre Départementale des Huissiers de Justice 78 recevait le 18 mars dernier ses confrères  à dîner ainsi que quelques membres éminents du palais et du barreau. Le cadre magnifique de l'abbaye des Vaux de Cernay datant du XIIe siècle, classée monument historique, se situe en pleine vallée de Chevreuse. Au cours de cette soirée formidable, l’hôte a exprimé son émotion suite aux attentats de 2015 et sa conviction de l’impérieuse nécessité de légiférer en harmonie avec un idéal réfléchi.

 


"Ici rassemblés, incarnation au sens étymologique du terme de l’état de droit, nous avons le devoir de nous interroger, la lucidité de douter, le besoin d’espérer.

Hiver et automne 2015, par deux fois, au cours des derniers mois, sur le territoire national, la mort a fait dans notre existence une éruption intolérable, insupportable, fauchant des vies sans arrêter le temps. Celui qui est laissé appartient à leurs proches, dont la souffrance n’aura pas de fin.

Il appartient aussi aux survivants que nous sommes.

Comment réagir ?

Quelle doit être la réponse d’un état de droit ?

Quelle contradiction peut-on apporter à un groupe qui n’est en réalité qu’une puissance commerciale multiforme, dont le noir étendard ne témoigne que d’un illusionnisme religieux.

 

Prenons garde !


La tentation est là, mais ne transformons pas notre justice en un instrument de vengeance (…).

Alors, il faut oser douter de certains choix effectués en réponse, non à des attentats, mais à, en définitive, des « meurtres de masse ».

Il faut aussi oser regretter que dans « état d’urgence » urgence puisse rimer avec vengeance.

Dans l’art du « vivre bien », Aristote préconisait : une hiérarchie des normes organisées, et des juges indépendants.

Il définissait ainsi l’état de droit.

En démocratie, lorsque le pouvoir appartient au peuple, la justice est un marqueur extrêmement fiable de l’état des libertés et de la séparation des pouvoirs.

Les dispositions sécuritaires prises sans doute sous la dictature de l’émotion, une émotion organisée notamment avec impudeur par les outils de communication, relèvent certes de la raison d’état mais m’apparaissent incompatibles avec notre idéal de justice d’autant qu’il a été remarqué que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.

(…)

 

S’il y a urgence aujourd’hui, c’est celle de garantir l’effectivité des droits et de la citoyenneté.

S’il y a urgence aujourd’hui, c’est celle de défendre l’humain face à la mise au pas de la justice (…).

Il y a aussi sans doute urgence à rappeler que l’éthique démocratique doit se substituer à la politique de la peur même si, je le sais, entre la sécurité et la liberté, l’équilibre est par nature délicat, d’autant que la sécurité est une composante de cette liberté.

S’il y a urgence aujourd’hui, c’est celle de penser, d’échanger, de convaincre et d’agir pour un avenir plus humain, plus juste et plus solidaire.

La justice, notre justice, qui n’est, nous le savons, qu’une utopie, certains ont dit une idée, ne doit pas pour autant devenir l’instrument du pouvoir ou être utilisée comme, selon la formule élégante d’un célèbre Avocat dont le patronyme présumait de sa clairvoyance, la justice ne doit pas être utilisée comme une variable d’ajustement du pouvoir politique.

 

Le Professeur Loïc Cadiet dans une récente chronique indiquait qu’il est nécessaire de veiller « à ce que le souci légitime des pouvoirs publics d’assurer la sécurité de la population ne transforme pas l’exception au droit en droit d’exception au détriment des libertés fondamentales ».

Dans un tout autre domaine que celui précédemment évoqué et où naturellement l’air est davantage respirable, force a été également de constater qu’au gré d’une loi tout aussi opportuniste qu’improvisée, il a été cherché querelle aux gens de justice répudiant sans état d’âme les loyaux serviteurs de Thémis. Pauvre Thémis !

Sans doute, n’y-a-t-il de mémoire politique que sur fond d’oubli.

(…)

Ils n’ont sans doute pas compris que le droit n’est pas un produit marchand, que l’authenticité de l’acte est hors commerce.

La mise en œuvre de la loi par des professionnels compétents et disciplinés exige l’environnement de structures réglementées.

Ces règles, aujourd’hui bafouées, n’avaient nullement vocation à assurer la pérennité des professions concernées, mais bien celle de protéger le justiciable et de garantir sa liberté en l’autorisant à solliciter des professionnels la possibilité de faire : tout ce que les lois permettent, s’il fallait faire référence à Montesquieu.

 

Nos interrogations, nos doutes sont porteurs d’espoir


Rappelons-nous que l’Empire Romain doit sa chute à sa démesure. Rappelons-nous que, dans notre constitution de la Vème République, l’article 64 installe lumineusement l’autorité judiciaire en la dissociant du pouvoir politique.

(...)



Retrouvez la suite de cet article et plus dans le Journal Spécial des Sociétés n° 26 du 2 avril 2016


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