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Les indicateurs de santé, notamment mentale, des entrepreneurs, virent de plus en plus au rouge. Plusieurs structures proposent de leur venir en aide, alors que 82 % des dirigeants assurent souffrir de troubles psychiques et psychologiques.

« Il y a un biais d’optimisme en entrepreneuriat », reconnaît Olivier Torres, professeur à l’université de Montpellier et président de l’Observatoire Amarok, structure dédiée à la santé des travailleurs non-salariés, dans le cadre d’une table ronde consacrée à la santé des entrepreneurs durant la quatrième édition des Assises du Rebond, organisées par le Portail du Rebond, qui se sont tenues au ministère de l’Économie lundi 27 octobre. Ce biais d’optimisme, couplé à un tabou de l’échec, pousse certains entrepreneurs à travailler plus que ce que leur corps en est capable.
Olivier Torres témoigne de la phrase qu’il a le plus entendue de la part des chefs d’entreprise, hommes comme femmes : « Je n’ai pas le temps d’être malade », voire même « pas le droit d’être malade ». Un déni qui mène à un renoncement aux soins alarmant. Dans son baromètre annuel pour 2025, la Fondation MMA des entrepreneurs du futur a constaté une forte chute de la santé globale, avec 82 % des dirigeants assurant souffrir de troubles psychiques et psychologiques, soit 11 points de plus en un an. Plus inquiétant, un dirigeant sur trois a renoncé à consulter un médecin cette année, les deux-tiers par manque de temps. 11 % des chefs d’entreprise assurent par ailleurs ne jamais avoir consulté de médecin. Pourtant, « la santé du dirigeant est le premier capital immatériel », assure Olivier Torres.
Pour lutter contre ces souffrances, l’association APESA, qui fournit une aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance, fonctionne avec un réseau de 6 000 « sentinelles » qui détectent les situations de souffrance et préviennent l’un des psychologues du réseau, qui intervient dans les 24 heures. Une à cinq séances seront proposées.
« Toutes les qualités de l’entrepreneur se retournent contre lui », explique Joëlle Lellouche, présidente d’APESA Paris. Pour détecter une défaillance de santé, l’intervention des sentinelles commence par la simple question : « Comment vas-tu ? ». « Avec ces quelques mots, on va faire comprendre aux entrepreneurs qu’ils ne vont pas bien », assure Joëlle Lellouche.
Parmi les sentinelles formées – un parcours obligatoire –, on trouve des juges et greffiers des tribunaux de commerce et d’autres juridictions, des mandataires et administrateurs judiciaires, des avocats, des experts-comptables, des conseillers de chambres de commerce et d’industrie et de chambres des métiers, et d’autres acteurs en contact régulier avec les chefs d’entreprise. L’entourage de l’entrepreneur, comme son conjoint ou sa conjointe, peut également devenir sentinelle et demander un accompagnement.
Jean-Marie Estève, entrepreneur et vice-président de l’Observatoire Amarok, fait remarquer que le formulaire en ligne d’autodiagnostic de l’état de santé mentale fourni par l’Observatoire est particulièrement consulté quatre jours dans l’année, les 15 janvier, 15 avril, 15 juillet et 15 octobre, soit… le jour des échéances fiscales, notamment la déclaration de la TVA. Ces jours-là, le nombre de visites sur le formulaire peut être multiplié par trois.
Si en temps normal 56 % des formulaires remplis étaient positifs, une inversion récente a eu lieu, avec des bilans penchant plus vers le négatif. Si la balance est négative, un second test est effectué. En fonction du score, un accompagnement psychologique est proposé, et accepté par environ un dirigeant sur deux.
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La Fondation MMA des entrepreneurs du futur, tente elle aussi d’accompagner les entrepreneurs pour soulager leur mal-être : « On leur dit qu’ils ont de nombreuses qualités mais qu’ils ont le droit d’être vulnérables, explique Sylvie Bonello, déléguée générale de la Fondation MMA des entrepreneurs du futur. On lie le leadership à l’invulnérabilité. Mais j’ai l’impression que les choses ont tendance à évoluer. »
La structure travaille en partenariat avec des organismes comme 60 000 rebonds, qui accompagne les entrepreneurs ayant perdu leur entreprise vers un nouveau projet personnel et professionnel, et a réalisé une tournée avec les tribunaux de commerce et les tribunaux des activités économiques. Objectif : traiter simultanément la santé de l’entrepreneur et la santé de l’entreprise, et éviter une double catastrophe.
Serge Papin veut « raviver l’esprit d’entreprendre, coûte que coûte »![]() C’est à l’occasion des Assises du Rebond que le ministre des PME, du Commerce, de l’Artisanat, du Tourisme et du Pouvoir d’achat, Sege Papin, a tenu son premier discours à Bercy. « Qui mieux qu’un ministre du gouvernement Lecornu II peut parler du rebond ? Je vous le demande ! », a-t-il plaisanté devant la centaine de personnes dans le public. Le nouveau ministre a assuré vouloir « raviver l’esprit d’entreprendre, coûte que coûte. Il y aura des revers, des accidents de parcours, nous le savons. Mais ce n’est pas une fin en soi ». Pour lui, ces assises viennent rappeler la diversité des parcours entrepreneuriaux : « Derrière tous les méandres de l’entrepreneuriat se cachent souvent un apprentissage et une expérience précieuse. » L’événement permet aussi, selon le ministre, de « souligner le rôle central de l’accompagnement associatif, ce maillon indispensable entre la détresse d’un entrepreneur et le retour à la confiance ». L’ancien PDG du groupement coopératif Système U a témoigné des difficultés qu’il a dû gérer : « Dans ces moments-là, c’est l’entraide et la solidarité qui font la différence. » Abordant le sujet des défaillances d’entreprises, qui atteignent un niveau record, Serge Papin a assuré que « chaque entreprise qui vacille, affaiblit une partie du tissu économique local ». Pour tenter d’inverser la tendance, le ministre a proposé de « garantir à ceux qui osent entreprendre un filet de sécurité, une main tendue pour repartir », en favorisant une meilleure promotion des dispositifs existants auprès des entrepreneurs et des chefs d’entreprise. |
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