Droits de douane américains : 3 leviers stratégiques pour les entreprises françaises face au contexte incertain

L’avenir proche des droits de douane américains reste hypothétique. Jean-Claude Beaujour, avocat au barreau de Paris, et Will Newman, avocat au barreau de New York, reviennent sur l’affaire V.O.S. Selections, Inc. C. Trump dont l’appel place les exportateurs français en situation d’attente.


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Jean-Claude Beaujourmardi 14 octobre5 min
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D.R.

L’arrêt sur les droits de douane V.O.S. Selections, Inc. c. Trump non définitif fige les entreprises étrangères

Plusieurs PME importatrices américaines, notamment dans les secteurs des vins et spiritueux, de l’aéronautique et du luxe, ont récemment saisi la justice américaine pour contester l’augmentation des droits de douane décidée par l’administration américaine, illustrant ainsi l’impact direct de l’augmentation de ces tarifs sur les chaînes d’export des entreprises françaises.

L’administration en place, on le sait, avait invoqué de multiples situations d’urgence pour tenter de justifier son pouvoir d’imposer des droits de douane en dehors de l’approbation du Congrès ; l’une des urgences résultant selon elle d’une disparité entre le niveau élevé des importations et celui des exportations américaines vers de nombreux pays.

Pour autant, la Cour fédérale américaine a jugé que l’administration actuelle ne pouvait unilatéralement imposer une augmentation des droits de douane sur quasiment tous les biens importés, soulignant l’absence de garde-fous du Congrès ainsi que la portée excessive de la décision présidentielle.

Cette étape majeure dans la contestation en justice des droits de douane devrait être de nature à rassurer l’export français. Mais subsiste une incertitude quant à la décision à venir de la Cour suprême, à majorité républicaine. Cet appel devrait inciter les entreprises concernées à rechercher des stratégies commerciales pertinentes et à envisager également des stratégies juridiques qui leur permettront d’être à l’abri des fluctuations des décisions gouvernementales.

Quelques recommandations aux entreprises françaises

Comme indiqué ci-dessus, l’enjeu économique et social pour les entreprises françaises est tel qu’elles ne peuvent pratiquer la navigation à vue, mais au contraire, être dans l’anticipation. On ne peut pas être suspendu aux décisions de la Cour suprême des États-Unis, voire à des changements de cap fiscal d’une administration pour définir la politique commerciale des entreprises françaises commerçant avec les États-Unis. 

La première des recommandations consiste à inciter les entreprises françaises qui viendraient à dénoncer les nouveaux droits de douane mis en place, directement ou par le biais d’organismes professionnels sectoriels, à se joindre aux recours judiciaires existants afin d’être certaines de bénéficier d’une décision qui suspendrait l’application de droits de douane jugés illégaux. Certes, le coût des procédures judiciaires aux États-Unis peut être prohibitif, ce qui freine bon nombre d’acteurs sur un marché donné. Cependant, participer à une action initiée permet d’en limiter le coût pour chaque partie engagée et bien entendu donne plus de poids aux actions entreprises.   

Cette piste revient à mobiliser les entreprises européennes quant à la défense de leurs intérêts sur le marché américain. Nous y sommes moins habitués en Europe, mais une ère s’ouvre et les entreprises doivent s’organiser en conséquence.

Enfin tout porte à croire que la menace de l’augmentation des droits de douane par l’administration américaine n’est pas un instrument ponctuel pour réduire le déficit commercial. La menace de l’augmentation des droits de douane risque d’être utilisée à l’avenir comme arme politique. Il faut que les entreprises européennes acceptent de s’y préparer en anticipant les surcoûts financiers. Nos entreprises doivent désormais élaborer une véritable stratégie à long terme pour faire face aux éventuelles augmentations des droits de douane : réduction des coûts pour atténuer la concurrence, possibilité lors de l’élaboration des contrats de renégocier des prix avec les fournisseurs pour réduire la valeur en douane en première intention. Ainsi, c’est dans toute la chaîne de valeur que devront être envisagées la renégociation, l’imprévision ou encore la force majeure dans un contexte de forte évolution de la législation douanière américaine.

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