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CHRONIQUE. En fin d’audience, un jeune homme comparaît pour avoir survolé, avec un drone, la maison d’arrêt de Fresnes, dans le but de remettre des téléphones à des détenus. Interpellé en flagrant délit, il est jugé 18 mois plus tard et admet n’avoir pas mesuré la gravité des faits.

Requis afin d’intervenir à proximité de la maison d’arrêt de Fresnes, les services de police du commissariat de l’Haÿ-les-Roses, se mettent en route à 4h15 du matin pour débusquer un individu accroupi dans les buissons, télépilotant un drone chargé de livrer des téléphones portables derrière les hauts murs de l’imposante et lugubre bâtisse. Cet individu, c’est Duncan, 24 ans à l’époque. À ces pieds, un drone sur le point de décoller pour sa deuxième livraison.
22 survols de prison en 2022, 600 survols en 2023 ; la livraison d’objets divers aux personnes détenues se fait de plus en plus par les airs, puisque les proches des détenus sont de plus en plus fouillés au parloir et que corrompre un surveillant n’est pas donné à tout le monde. Voilà pourquoi Duncan a été chargé de livrer quatre téléphones, à raison de deux par colis, contre une rémunération de 400 euros par colis. C’est ce qu’il reconnaît immédiatement en garde à vue.
Duncan n’est a priori membre d’aucun réseau. Il appréhende un peu sur son banc, accompagné de sa mère et de sa sœur, en attendant son tour. A la barre, il est d’une franchise simple et totale. « J’ai été recruté sur Snapchat, j’ai accepté car j’avais des problèmes financiers ». Un homme lui a donné rendez-vous sur un parking, lui remettant un téléphone pour être contacté. Il devait passer le chercher à l’issue de l’opération et, une fois prévenu par les détenus par le biais des téléphones livrés, le payer pour ses services. Duncan n’a rien touché.
« Vous avez déclaré en garde à vue, dit la juge assesseur qui rapporte le dossier, ‘pour moi, y’avait pas mort d’homme’, et vous avez été déféré en comparution immédiate. Vous êtes passé devant le juge des libertés et de la détention. Il y a eu des réquisitions de détention provisoire. Est-ce que vous avez réfléchi depuis ?
-Oui. En fait, je ne me rendais pas compte de la gravité.
-Qu’est-ce que vous en avez compris ?
-J’ai livré deux téléphones, ça aurait pu servir à un meurtre ou quelque chose de grave.
-C’est exactement ça, ça permet à des détenus de continuer leurs activités délictuelles. »
Le président du tribunal demande s’il a l’habitude de piloter des drones. Duncan répond que oui, mais « pas des drones comme ça.
-Comment vous expliquez qu’on vous a contacté ? Qui et comment ces personnes ont su que vous pilotiez des drones ?
-J’ai des vidéos sur Youtube de moi qui pilote des drones dans la forêt. J’ai pas plus d’explications.
-Vous comprenez que le tribunal peut s’interroger. Ça vous a pas semblé un peu aventureux ?
-Si, je trouvais ça bizarre, mais j’étais en difficulté financière, j’ai pas refusé.
-Si on vous avait proposé de faire un cambriolage ?
-Non parce que je sais que c’est pas bien, mais le drone ça m’a pas semblé si grave.
-Vous aviez bien conscience que c’était interdit ?
-Oui. »
Six mois de prison avec sursis sont requis par le procureur. « J’ai gaffé, je regrette vraiment d’avoir fait ça pour rien », se défend Duncan, qui est venu sans avocat. Après une courte suspension, le tribunal le condamne à la peine demandée.
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