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La juridiction a estimé que la préfecture n’avait pas pu démontrer la nécessité et la bonne proportionnalité de l’usage des drones pour couvrir les manifestations du 10 septembre dans le département.
Par deux décisions rendues le 10 et le 12 septembre, le tribunal administratif de Versailles a précisé les conditions dans lesquelles doit être autorisée la captation d’images par des caméras installées sur des hélicoptères et drones pour le maintien de l’ordre public.
Les deux décisions concernent deux arrêtés pris par la future ex-préfète de l’Essonne, Frédérique Camilleri. Le premier arrêté, attaqué par l’association Vigie Liberté, concernait la captation, l’enregistrement et la transmission d’images au moyen de drones sur la partie de son territoire relevant de la compétence de la direction interdépartementale de la police nationale, le 10 septembre dernier entre 5h et 23h, dans le cadre des manifestations du mouvement « Bloquons tout ».
L’association requérante dénonçait une atteinte grave et manifestement illégale portée à une liberté fondamentale, une rédaction abstraite de l’arrêté qui, « en l’absence d’éléments factuels, ne justifie pas la nécessité stricte et absolue de la mesure de police », ainsi qu’un manque de précision sur les secteurs concernés par cet arrêté préfectoral. En défense, le représentant de la préfète assurait que « compte tenu de la nature disparate et éclatée des mouvements, il était impossible de prévoir des secteurs spécifiques de surveillance par drones ».
Dans sa décision, le TA de Versailles a rappelé que « les atteintes portées, pour des exigences d’ordre public, à l’exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées ». La juridiction a aussi invoqué une décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 2022, qui impose aux préfets de s’assurer qu’aucun autre moyen portant moins atteinte au droit au respect de la vie privée n’est utilisable, ou que l’utilisation de ces autres moyens serait susceptible d’entraîner des menaces graves pour l’intégrité physique des agents de police.
Des conditions qui n’ont visiblement pas été prouvées par la préfecture, qui « ne fait état, ni dans son arrêté, ni dans son mémoire en défense, ni encore à la barre, d’aucune circonstance précise quant aux risques de troubles graves à l’ordre public spécifiques à son territoire qu’elle entend prévenir », s’étant simplement contentée de présenter à la juridiction des captures d’écran de posts publiés sur les réseaux sociaux et un extrait d’article de presse, rapporte le tribunal.
Durant l’audience, qui s’est déroulée le jour des manifestations, le représentant du préfet a indiqué que des blocages et des manifestations non autorisées étaient constatés dès le matin. « Ses allégations ne sont cependant corroborées par aucune pièce et ne permettent pas d’établir que ces premiers évènements seraient tels que le recours à l’usage de drones serait proportionné à la nécessité de sécuriser les biens, les personnes et les rassemblements », a jugé le TA, qui a en toute logique suspendu l’exécution de l’arrêté.
Le deuxième arrêté concernait également la captation d’images par quatre drones et un hélicoptère du 10 au 15 septembre, mais cette fois sur un périmètre bien plus restreint, à l’occasion de la 90e fête de l’Humanité, organisée sur l’ancienne base aérienne de Brétigny-sur-Orge. Cet arrêté était attaqué par le Syndicat des avocats et le Syndicat de la magistrature qui y voyaient entre autres une atteinte au droit au respect de la vie privée, notamment en raison de la participation de nombreuses personnes à un événement à caractère politique. Elles estimaient également que la probabilité de la survenance de troubles graves à l’ordre public n’était pas avérée du fait « qu’au cours des 89 précédentes éditions, aucun incident majeur n’a été recensé ni aucun trouble grave à l’ordre public médiatisé ».
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La préfecture a elle rappelé qu’une telle captation est déjà réalisée depuis l’édition 2022 de la fête de l’Humanité, « sans qu’aucun recours juridictionnel n’ait été réalisé », et que les forces de sécurité ne disposaient pas de moyens moins intrusifs que les drones. « La conservation des images est limitée à une durée de sept jours, nulle autre personne que le chef du service en charge des drones ne peut avoir accès aux enregistrements, sauf sur réquisitions judiciaires ; ces dispositifs ne peuvent procéder à la captation du son, ne disposent pas de dispositifs de reconnaissance faciale et ne sont pas interconnectés ou mis en relation avec d’autres traitements à caractère personnel », a également assuré la représentante de l’État en Essonne.
Le TA a cette fois considéré que « l’utilisation de ces cinq caméras permettra, compte-tenu de l’ampleur de la zone, d’une cinquantaine d’hectares, de sécuriser les cent mille festivaliers attendus chaque jour ». La zone de surveillance est d’ailleurs jugée « strictement limitée au périmètre des zones où sont susceptibles de se commettre les atteintes que l’usage des caméras aéroportées vise à prévenir et il ne résulte pas de l’instruction que ces deux périmètres seraient trop larges ». Des conditions qui ne sont pas « de nature à dissuader un certain nombre de festivaliers de se rendre à la fête de l’Humanité », a estimé la juridiction versaillaise.
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