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Pour leur 113e congrès, les notaires se sont donné rendez-vous à Lille du 17 au 20 septembre prochain. Comme chaque année avant la grand-messe, un rapport a été rendu, fruit d’un travail de deux années. Ce texte de 1 200 pages, dont le thème est « notaire au cœur des mutations de la société : #famille, #solidarités, #numérique », expose des problématiques théoriques et pratiques relevées par la profession. Les pistes d’amélioration seront débattues en assemblée plénière lors du congrès. Une source d’inspiration pour les pouvoirs publics.
Qu’est-ce que l’identité numérique ? Que deviennent les contenus numériques après le décès des utilisateurs ? La révolution digitale pose de nombreuses questions sur « le rapport de nos clients au numérique », mais aussi sur « ce que le numérique modifie dans notre mission d’officier public ». « Ce seront les deux angles de réflexion », poursuit Bernard Delorme, le rapporteur général du congrès. La problématique de l’environnement numérique a été confiée à la troisième commission, présidée par Mathieu Fontaine et composée également de Didier Froger et Sylvain Juillet. Pour eux « aujourd’hui, nous n’en sommes qu’aux prémices de l’utilisation massive de la donnée numérique ». L’équipe a effectué un travail préparatoire important avec l’aide du spécialiste des nouvelles technologies au Conseil supérieur du notariat (CSN), Didier Froger. Après avoir retracé entièrement l’histoire du numérique – des premiers concepts philosophiques qui ont permis la codification, jusqu’à la révolution actuelle – les membres de la commission se sont projetés dans les années à venir pour envisager les évolutions numériques qui vont modifier la façon de travailler des notaires. Ils ont par exemple tenté de définir l’identité numérique et se sont penchés sur ses problématiques. Les enjeux de transmission et les risques de conflits possibles entre héritiers au sujet de contenus numériques ont aussi été abordés. Les Français passent en moyenne 1h16 par jour sur les réseaux sociaux et 85 % d’entre eux sont internautes (le chiffre monte à 95 % chez les 18-24 ans), le sujet revêt donc une importance particulière.
Lorsqu’on évoque le numérique, le sujet de l'ubérisation, arrive tôt ou tard. Pour les auteurs de la troisième commission, ce n’est pas un problème : « le modèle des plateformes est fondé sur une logique de prêt-à-porter qui est incompatible avec les prestations sur mesure des notaires. Elles ne remplaceront pas la compétence, le conseil et la relation humaine. C’est un peu la même chose avec la blockchain ».
La nouvelle famille est plurielle
Même s’il s’agit de la plus importante, la mutation digitale n’est pas la seule. La famille aussi est concernée. C’est justement le thème confié à la commission une, constituée de Benoit Delessale, le président, et Johanne Lotz et Nathalie Gessey, les deux rapporteurs. La composition de la famille s’est diversifiée : elle peut être constituée autour d’un couple marié ou non, avec ou sans enfant ; ou d’un enfant avec un ou deux parents ; elle peut être également homoparentale. Elle est donc plurielle, voici le constat de départ des auteurs. Cette situation génère des questions spécifiques : quel avenir pour le Pacs ; comment adopter l’enfant de l’autre ? ; comment appliquer le divorce sans juge ? Ou encore avant de refaire sa vie, comment bien se séparer ?
Cette dernière question est abordée par cette commission. « Une séparation mal réglée peut durablement affecter la nouvelle famille », précisent les auteurs. Mes modes alternatifs de règlement des conflits ont vocation à éviter ces effets néfastes, mais ils sont largement méconnus. De plus, après la récente réforme du divorce par consentement mutuel en vigueur depuis le 1er janvier 2017, la commission famille se demande si « ce divorce sans juge aide à « purger » efficacement la rupture de toute source de conflit ». Les enfants sont au centre des mutations familiales. Aujourd’hui, ils sont 1,5 million à vivre en famille recomposée, soit un sur dix. Le rapport va donc s’intéresser à la figure du beau-parent qui reste encore, en France, « hors du droit », en dépit de son rôle dans l’éducation au quotidien et de son possible souhait de transmission successorale à cet enfant.
Le congrès se déroulera en pleine actualité sociétale, notamment sur la GPA. Mais Bernard Delorme prévient : « Les notaires ne formuleront pas de vœu sur les techniques de procréation médicalement assistée, mais nous laisserons place à un échange par vidéos interposées entre le professeur René Frydman, obstétricien et père du premier « bébé-éprouvette », et le professeur Fenouillet ». Le rapporteur général veut se « défier de tout regard moralisateur sur ces questions » et préfère « s’attacher aux difficultés juridiques rencontrées par les couples concernés par ces situations ».
En 2050, le tiers de la population aura plus de 60 ans
Le dernier volet du triptyque concerne la solidarité. Actuellement la France compte 12 millions de personnes âgées de plus de 65 ans. En 2050, plus du tiers de la population de l’hexagone aura dépassé 60 ans. Une mutation aux multiples conséquences : dans le domaine de l’urbanisme, de l’immobilier, des transports, mais aussi des solidarités intergénérationnelles. Comment optimiser son logement à la retraite ? Comment se faire représenter en toute sécurité ? Quelles sont nos obligations envers nos aînés ? Voici les questions auxquelles la deuxième commission a tenté de répondre.
Selon l’institut Montaigne, le revenu médian des seniors est d’environ 1 600 euros par mois. Ce pose alors un problème de ressources. La solution se trouve potentiellement dans le domicile de ces personnes. Pour les trois membres de la commission, Franck Vancleemput, Ludivine Fabre et Édouard Grimond, cette possibilité mérite d’être développée. L’autre enjeu lorsqu’on évoque les personnes âgées, est celui de l’autonomie. Aujourd’hui, seuls 6 % des logements sont adaptés, malgré les différentes aides publiques existantes. Dans le cas où le maintien à domicile devient impossible, la deuxième commission invite à s’interroger sur le meilleur logement collectif correspondant à la dépendance concernée.
Le rapport du 113e congrès dresse un bilan du droit applicable à ces différents sujets. Mais loin de se borner à présenter des constats, les commissions soumettront au vote de leurs confrères, lors de l’événement une série de pistes d’amélioration. Les vœux ainsi votés seront rendus publics et feront peut-être l’objet d’une loi comme cela a déjà été le cas à plusieurs reprises par le passé.
Victor Bretonnier
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