2023, une année « charnière » pour le Conseil supérieur de la magistrature ?


lundi 29 juillet 20245 min
Écouter l'article

L’année passée aura été particulièrement marquée par la hausse des plaintes des justiciables et par « le plus important mouvement de mutation de magistrats de l’histoire de l’institution judiciaire ».

Si le rapport annuel d’activité 2023 du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a marqué les esprits avec son édito signant son engagement en faveur de l’État de droit, le document de 134 pages dresse par ailleurs, comme à son habitude, les temps forts et chantiers ayant ponctué l’année passée, à commencer par un changement dans le binôme des présidents. A la suite du départ à la retraite de François Molins, alors coprésident du CSM, celui-ci a en effet laissé sa place Rémy Heitz, aux côtés de Christophe Soulard, en fonction depuis juillet 2022.

En propos introductifs, tous deux n’ont pas manqué de qualifier 2023 d’« année charnière », marquée par le renouvellement de la composition du Conseil, avec l’arrivée de nouveaux membres amenés à siéger au Conseil jusqu’à début 2027, qui, à peine nommés « ont dû traiter le plus important mouvement de mutation de magistrats de l’histoire de l’institution judiciaire », et se prononcer sur le projet de loi organique.

Des observations qui n’ont « trouvé que peu d’écho »

Le Conseil rappelle à ce titre que saisi en mars 2023 d’une demande d’observation sur l’avant-projet relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité de la magistrature – alors même que celui-ci était en cours d’examen devant le Conseil d’État –, il a rendu ses observations le mois suivant. Il s’agissait là des premiers travaux de réflexion menés par les nouveaux membres du Conseil, qui regrette d’ailleurs que ses observations « n’aient trouvé que peu d’écho, tant au Gouvernement qu’au Parlement ».

Au titre des observations en question, en matière d’accès au troisième grade, le CSM relevait notamment le fait que cet accès ne s’accompagne pas d’une mobilité « comme c’est le cas actuellement pour la nomination dans un emploi classé hors-hiérarchie », constituant une diminution des garanties apportées aux magistrats sur le déroulement de leur carrière.

Dans son rapport, le Conseil juge aujourd’hui « inopportune » la dispense de la condition d’exercice de deux fonctions au deuxième grade dans deux juridictions différentes pour l’accès au troisième grade, et attire l’attention sur la suppression du recrutement sur titres, les voies d’intégration directe dans le corps judiciaire et les concours complémentaires.

Une meilleure communication et une hausse des nominations

En raison du renouvellement des membres en février 2023, les dépenses liées à la communication de l’organe constitutionnel, notamment pour produire un bilan de la mandature, ont été augmentées, pointe le rapport. Ce dernier soulève dans le même temps les efforts du CSM pour rendre la communication avec les magistrats plus « lisible » et « transparente ».

Le Conseil a aussi poursuivi sa politique de communication directe à destination des magistrats, avec le partage du calendrier de ses travaux « dans un contexte d’importants mouvements de mutation au sein du corps », afin de de permettre aux personnes concernées de mieux anticiper les contraintes personnelles et professionnelles d’un déplacement professionnel.

Des mouvements de mutation qui ont entrainé une hausse des nominations en 2023. 2 674 avis du CSM sur des propositions de nomination du ministre de la Justice ont en effet été rendus : 1 893 examinées par la formation compétente à l’égard des magistrats du siège, et 781 par la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet. « Le nombre de propositions de nomination a vocation à augmenter structurellement dans les prochaines années compte tenu de l’importance des recrutements de magistrats annoncés [par le ministère de la Justice] » précise le rapport. Pour comparaison, en 2022, le Conseil avait rendu 2 162 avis sur proposition du garde des Sceaux.

Les nominations sur propositions du CSM sont pour leur part légèrement en baisse au regard de 2022, avec 69 propositions contre 75. La formation compétente a proposé 33 magistrats à des postes du siège de la Cour de cassation, 4 Premiers présidents de cours d’appel et président de tribunal supérieur d’appel, ainsi que 32 présidents de tribunaux judiciaires.

Une activité disciplinaire « soutenue » malgré une baisse des saisines

L’activité disciplinaire, qui avait connu une forte augmentation en 2021 et 2022 avec respectivement 19 et 11 saisines pour les deux formations disciplinaire du CSM, accuse une baisse pour 2023, mais reste toutefois « soutenue » avec 6 saisines, dont 5 concernent des magistrats du siège et 1 à l’égard d’un magistrat du parquet, détaille le rapport. Il est notamment précisé que si « les faits à l’origine des saisines disciplinaires relevaient majoritairement de la vie privée du magistrat » jusqu’en 2021, « les formations disciplinaires ont été davantage saisies de faits portant sur des insuffisances ou le comportement du magistrat dans son exercice professionnel ».

À l’instar de 2022, ce sont 9 décisions de sanction qui ont été rendues par le conseil de discipline des magistrats du siège l’année dernière, prononçant notamment une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux mois avec privation de la moitié du traitement à l’encontre d’une juge au tribunal judiciaire, ainsi que l’interdiction pour un vice-président chargé de l’application des peines d’être nommé ou désigné dans des fonctions de juge unique pendant une durée de cinq ans assortie du déplacement d’office. Une activité disciplinaire qui s’accentue d’ailleurs en 2024 avec déjà quatre décisions prononcées à date. Trois audiences sont notamment prévues pour la rentrée.

Les avis rendus par la formation du Conseil statuant en matière disciplinaire à l’égard des magistrats du parquet ont pour leur part été au nombre de deux en 2023, soit un de moins qu’en 2022. Le CSM a proposé au ministre de la Justice l’exclusion temporaire d’une substitute du procureur de la République pendant un an, ainsi qu’une sanction du déplacement d’office à l’encontre d’un vice-procureur de la République.

209 plaintes des justiciables supplémentaires en 2023

2023 aura été synonyme d’une « augmentation significative » des plaintes des justiciables, avec 489 plaintes enregistrées auprès du CSM, contre 280 en 2022, soit 209 plaintes supplémentaires.

Un accroissement qui a eu un impact sur le nombre de décisions rendues « car, si entre 300 et 350 décisions par an ont été rendues au cours de chacune des quatre années de la mandature précédente, 499 décisions ont été rendues pour la seule année 2023 ». 369 d’entre elles ont été déclarées irrecevables par la commission d’admission des requêtes et 130 ont été déclarées infondées.

Autre fait notable, le délai de traitement des dossiers en 2023 a été réduit à 68 jours en moyenne contre 116 jours en 2020 et 96 jours en 2022, souligne le rapport.

Et comme le rappelle ce dernier, la loi organique du 20 novembre 2023 est venue modifier certaines dispositions relatives au traitement des plaintes des justiciables, en prévoyant que la plainte peut également viser un magistrat faisant usage de sa qualité. Les membres des trois commissions en charge d’assurer le suivi des plaintes ont par ailleurs été intégralement renouvelés lors de l’arrivée de la nouvelle mandature.

Si le rapport ne le mentionne pas, ajoutons que le terme de « Conseil supérieur de la magistrature » désignant l’institution représentative des magistrats a célébré en 2023 sa 140e année d’existence. Le terme était apparu pour la première fois dans le vocabulaire judiciaire avec la loi du 30 août 1883 sur la réforme de l’organisation judiciaire.

Allison Vaslin

Partager l'article


0 Commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Abonnez-vous à la Newsletter !

Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.