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Agrivoltaïsme : tout savoir pour sécuriser son projet


mardi 22 février 202218 min
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Le temps de la défiance vis-à-vis du photovoltaïque sur les sols agricoles serait-il révolu ? Le 4 janvier 2022, le Sénat a adopté une résolution tendant au développement de l’agrivoltaïsme en France, incitant le gouvernement à lever les freins législatifs et réglementaires et à donner un nouvel essor à la filière (1). Le terme est désormais entré dans le langage courant chez les acteurs du solaire, bien qu’il ne soit toujours pas défini par la loi. Si l’on s’en tient à la définition retenue par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) dans ses procédures d’appels d’offres, l’agrivoltaïsme recouvre les « installations permettant de coupler de façon innovante une production photovoltaïque secondaire à une production agricole principale en permettant une synergie de fonctionnement démontrable ».

Depuis quelques années, se développent en effet en France plusieurs projets destinés à combiner production agricole et production d’énergie solaire sur le même espace, de sorte que celles-ci, a priori concurrentes dans l’utilisation de la surface et de l’énergie lumineuse, se complètent. Les bienfaits agronomiques et économiques revendiqués sont multiples. La présence des panneaux sur le terrain améliorerait ainsi les conditions pour les cultures en les protégeant contre les fortes chaleurs, en diminuant les besoins en eau l’été et en luttant contre la sécheresse, le gel, la grêle et certains prédateurs aériens, ainsi qu’en diminuant le risque de maladies qui prolifèrent en présence d’eau ; la production d’énergie augmenterait la valeur économique de l’exploitation agricole, créerait une source de revenus complémentaires, tout en sécurisant l’activité agricole sur la parcelle à long terme, dès lors que la rentabilité des structures agrivoltaïques est calculée sur des périodes de 20 à 30 ans. Plusieurs risques sont toutefois mis en avant, le premier écueil majeur étant naturellement le risque important de déprise agricole au profit d’installations électriques qui n’auraient d’agricole que le nom, mettant en péril la souveraineté alimentaire du pays. Certains acteurs craignent également, sur le plan agronomique, une diminution de l’ensoleillement pouvant entraîner une baisse des rendements, ainsi qu’une augmentation du temps de travail de l’agriculteur pour éviter d’abîmer les panneaux avec les engins agricoles.

La création en juin 2021 de l’association France Agrivoltaïsme, qui regroupe les différents acteurs de la filière, est une illustration de sa structuration progressive. Sur le plan législatif toutefois, la réglementation dédiée tarde à émerger, créant sans nul doute une insécurité juridique qui nuit au développement des projets agrivoltaïques.

Actuellement, les enjeux juridiques sont triples pour les porteurs de projets agrivoltaïques, aussi appelés « énergiculteurs » : il leur faut d’abord obtenir les autorisations nécessaires, notamment en démontrant la synergie entre la production agricole et la production solaire, mais également sécuriser le projet avec un montage contractuel fiable et durable, et enfin assurer la rentabilité du projet.

 

 

Les autorisations administratives : un projet photovoltaïque pas comme les autres

L’autorisation au titre de la législation sur l’urbanisme

Un projet agrivoltaïque est avant tout un projet photovoltaïque. Le régime d’autorisation d’urbanisme applicable à l’installation (sans formalité, déclaration préalable ou permis de construire) dépend ainsi, comme pour tout projet photovoltaïque, de trois facteurs : la localisation ou non en espace protégé, la puissance en kilowatt-crête, et la hauteur de l’installation (article R. 421-1 et suivants du Code de l’urbanisme). Toutefois, le classement en zone agricole d’une surface y restreint considérablement les possibilités de constructions nouvelles. Dès lors, la condition sine qua non posée par la jurisprudence pour valider des projets photovoltaïques situés en zone agricole est claire : le projet doit permettre le maintien de l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière significative sur le terrain d’implantation.

Le rapporteur public, Monsieur Dutheillet de Lamothe, résume cette position ainsi sous l’arrêt rendu par le Conseil d’État du 12 juillet 2019 (n° 390716) : « La seule limite nous semble que la vocation du bâtiment doit rester la réalisation d’une activité agricole réelle, avérée. La construction de fermes photovoltaïques n’est pas autorisée en zone A, et il ne s’agit pas de contourner cette interdiction en les déguisant à travers des cultures prétextes ».

La jurisprudence a ainsi considéré qu’était compromise la destination agricole du terrain pour un parc photovoltaïque projeté sur un terrain qui avait vocation à faire disparaître les cultures céréalières et à implanter une jachère mellifère et l’installation de ruches, dès lors que l’activité ne pouvait être regardée comme correspondant aux activités ayant vocation à se développer dans la zone considérée, et alors même que les terres agricoles seraient de qualité médiocre par rapport à d’autres terres de la commune (CE, 1re chambre, 31 juillet 2019, n° 418739, Sté Photosol) ; mais aussi pour une centrale photovoltaïque au sol projetée sur un terrain cultivé avec une valeur agronomique avérée, dès lors que le projet prévoyait l’intégration d’une activité agricole consistant en l’élevage d’ovins avec le maintien en friche de la parcelle mais que la société ne démontrait pas pouvoir développer effectivement cette activité d’élevage (CAA Bordeaux, 4 février 2016, n° 14BX03376 ; v. également CAA Marseille, 21 avril 2016, n° 15MA00872), ou encore pour un projet de centrale photovoltaïque sur un terrain agricole inexploité depuis 50 ans et dont la valeur agronomique était faible à très faible, dès lors que le projet ni ne prévoyait le développement d’une activité agricole, pastorale ou forestière, ni ne précisait les dispositions prises pour permettre, le cas échéant, le développement d’une telle activité (CAA Marseille, 9e chambre, 11 décembre 2018, n° 17MA04500).

Il semble néanmoins qu’il n’est pas obligatoire que l’activité agricole précédente soit maintenue dans la même spécialité (CAA Bordeaux, 4 février 2016, n° 14BX03376 ; CAA Bordeaux, 15 mars 2018, n° 16BX02223 ; CAA Bordeaux, 9 mai 2019, n° 17BX01715). À titre d’illustration, le juge administratif a validé un projet de ferme photovoltaïque de 13 000 panneaux solaires et quatre cabanons dans le cadre d’une exploitation agricole de géraniums pour la production d’huiles essentielles, implanté sur un terrain anciennement dédié à la culture de canne à sucre qui connaissait des problèmes de rentabilité, alors que la conjonction de la nouvelle culture et de la ferme photovoltaïque allait assurer la pérennité de l’exploitation (CAA Bordeaux, 4 octobre 2012, n° 11BX01853).

De même, la jurisprudence accepte un projet de parc photovoltaïque édifié en hauteur sur un terrain d’une valeur agricole moyenne, dont un dixième seulement était exploité par un agriculteur qui avait émis le souhait de mettre fin à cette activité, et dont le reste était consacré à l’élevage ou en friche ; le projet prévoyait de mettre la totalité des terrains d’assiette en pâture pour des troupeaux d’ovins (TA Poitiers, 4e chambre, 29 mars 2017, n° 1402935).

Encore, a été jugé compatible avec la destination agricole du terrain un projet de centrale photovoltaïque se situant sur des prairies d’élevage, dont l’activité agricole sera maintenue avec la poursuite d’un élevage d’alpagas et l’installation d’une activité apicole en créant des prairies mellifères sur une partie des terrains, et dont la propriétaire du terrain était déjà éleveuse de bovins et d’alpagas. Par ailleurs, le projet avait pris en compte les caractéristiques de l’élevage existant en surélevant la hauteur minimale sous les panneaux (CAA Bordeaux, 1re chambre, 15?mars 2018, n° 16BX02223, 16BX02224, 16BX02256).

De la même manière, et pour prendre un dernier exemple, a été validé un projet de parc photovoltaïque en hauteur permettant le réaménagement de 9 hectares de terrains inexploités et le pâturage des ovins sur 24 hectares, sur un terrain dont la valeur agricole est considérée comme moyenne à très limitée et sur lequel existait déjà une activité pastorale. Par ailleurs, le gain de surface en prairie, de l’ordre de 60 %, va permettre de porter la capacité d’accueil à 720 bêtes, et le bilan de la surface agricole utile sera même positif avec une herbe de meilleure qualité qui y sera semée. De plus, l’agriculteur qui exploitait la culture de céréales sur une portion du site prenait sa retraite sans trouver de repreneur pour son activité (CAA Bordeaux, 1re chambre, 9 mai 2019, n°17 BX01715).

Les porteurs de projets agrivoltaïques doivent donc impérativement sécuriser cet aspect dans leur dossier de demande de permis ou de déclaration préalable et justifier le véritable maintien d’une activité agricole sur la surface. Soulignons par ailleurs que le plan local d’urbanisme peut prévoir des dispositions plus restrictives, qui interdisent spécifiquement les projets photovoltaïques sur certaines zones. Si tel est le cas, le projet ne pourra avoir lieu sans une mise en compatibilité du PLU.

 

 





Les procédures au titre de la législation sur l’environnement

Comme pour tout projet de production d’électricité photovoltaïque, les projets d’agrivoltaïsme peuvent être soumis à la procédure d’évaluation environnementale prévue aux articles L. 122-1 et R. 122-2 du Code de l’environnement.

Pour rappel, l’évaluation environnementale est un processus constitué de l’élaboration d’une étude d’impact par le maître d’ouvrage du projet, de la réalisation des consultations prévues, notamment la consultation de l’autorité environnementale, qui rend un avis sur le projet et sur le rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement, et la consultation du public et de l’examen par l’autorité autorisant le projet des informations contenues dans le rapport d’évaluation et reçues dans le cadre des consultations. Cette procédure concerne uniquement les installations photovoltaïques dont la puissance est supérieure à 250 kWc. Les installations au sol font l’objet d’une évaluation environnementale systématique, tandis que les installations sur serres et ombrières font l’objet d’une procédure d’examen au cas par cas, c’est-à-dire que l’autorité administrative se prononcera sur l’opportunité d’une telle démarche. Soulignons que si un défrichement est nécessaire pour mettre à bien le projet photovoltaïque, l’autorisation de défrichement constitue un préalable obligatoire pour les autres autorisations administratives et l’évaluation environnementale doit avoir lieu dès ce stade (art. L. 431-7 du Code forestier).

Dans le cas des projets agrivoltaïques, l’étude d’impact pourra contenir une étude préalable agricole permettant d’évaluer l’intérêt agricole de la zone et d’estimer les incidences du projet sur l’activité agricole, avec, le cas échéant, la mise en place de mesures de compensation collective pour soutenir l’activité agricole du territoire (art. L. 112-1-3 du Code rural et de la pêche maritime). De plus, si les installations ont une incidence avérée sur l’eau et les milieux aquatiques, elles doivent faire l’objet d’une autorisation ou d’une déclaration en vertu de la loi sur l’eau qui prévoit une nomenclature d’Installations, Ouvrages, Travaux et Activités (IOTA) (art. L. 214-1 et R. 214-1 du Code de l’environnement), dans le cadre de la procédure d’autorisation environnementale prévue par l’article L. 181-1 du Code de l’environnement. Pour déterminer si le projet entre dans l’une de ces catégories, une étude hydraulique devra être menée au sein de l’étude d’impact.

Une vigilance particulière doit également être apportée à l’étude faune-flore réalisée pendant l’évaluation environnementale. Si elle révèle la présence d’impacts sur des espèces animales ou végétales protégées, le porteur de projet doit déposer une demande de dérogation à la législation « espèces protégées », prévue par l’article L. 411-2 du Code de l’environnement. L’élaboration de l’étude d’impact – et plus largement le suivi de la procédure d’évaluation environnementale – doit donc faire l’objet d’une attention toute particulière de la part des porteurs de projets agrivoltaïques.

 

 

Les autorisations au titre de la législation sur l’énergie

En ce qui concerne tout d’abord la production d’électricité, les installations de puissance inférieure à 50 MW ne sont plus soumises à autorisation d’exploiter de la Direction Générale de l’Énergie et du Climat (DGEC) du ministère de la Transition Écologique et Solidaire, et sont réputées autorisées. Aucune démarche administrative n’est donc à réaliser sur ce point.

En ce qui concerne ensuite le raccordement au réseau, une demande de raccordement doit être effectuée auprès d’Enedis si la puissance de l’installation est inférieure à 12 MWc, ou auprès de RTE si la puissance de l’installation est supérieure ou égale à 12 MWc. Le producteur devra choisir l’option de raccordement qu’il souhaite avoir : injection de la totalité de la production, injection du surplus (autoconsommation partielle) ou autoconsommation totale. Notons également que le porteur de projet d’une installation de plus de 250 kVA doit payer une quote-part définie dans le S3REnR (Schéma Régional de Raccordement au Réseau Électrique des Énergies Renouvelables) (art. D. 342-22 du Code de l’énergie).

 

 

Le montage contractuel : un engagement sur le long terme

Les relations contractuelles entre le propriétaire du terrain et le producteur d’énergie

La maîtrise foncière du terrain agricole par l’exploitant de la centrale photovoltaïque est essentielle. Dans cette optique, deux types de contrats entre le propriétaire et l’exploitant de la centrale sont alternativement utilisés.

Le premier type de contrat qui peut être utilisé est le bail emphytéotique. Prévu par les articles L. 451-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime, il y a deux caractéristiques principales : l’exploitant dispose d’un véritable droit de propriété sur l’installation pendant la durée du bail, ainsi que d’un droit réel de jouissance du terrain ; et le contrat présente une durée impérativement fixée à plus de 18 ans et moins de 99 ans. Dans cette hypothèse, le preneur dispose d’une liberté d’affectation totale et peut ainsi opérer toutes les transformations aux bâtiments et tous les changements de destination à condition que les modifications entreprises ne diminuent pas la valeur du fonds. Le bailleur ne peut ainsi imposer aucune contrainte au preneur dans la réalisation de l’installation photovoltaïque. Le preneur est tenu par une obligation générale de conservation et d’entretien du bien loué, toutes les réparations sont à sa charge et il répond des incendies. En contrepartie, il verse au propriétaire une somme d’argent, et l’installation revient dans le patrimoine du propriétaire du terrain en fin de contrat. Le retour gratuit de la centrale dans le patrimoine du propriétaire en fin de bail constitue toutefois un revenu imposable. Celui-ci est calculé sur la base de la valeur vénale du bâtiment et de sa centrale au moment du transfert de propriété. Notons également que ce contrat ne peut être remis en cause, durant les 18 premières années, que dans l’hypothèse d’une résiliation judiciaire du bail fondée sur les dispositions de l’article L. 451-5 du Code rural et de la pêche maritime, qui permettent d’y mettre un terme de manière anticipée en cas de non-paiement des loyers pendant deux années consécutives et/ou de détériorations graves du fonds.

Le second type de contrat qui peut être conclu entre le propriétaire et l’exploitant de la centrale est un bail à construction, prévu par les articles L. 251-1 du Code de la construction et de l’habitation. Son régime juridique est proche de celui du bail emphytéotique, dès lors qu’il confère au preneur un droit réel sur le fonds, en vertu duquel ce dernier disposera d’un droit d’usage et de jouissance très étendu, et qu’il doit être prévu pour une durée comprise entre 18 et 99 ans. Toutefois, au contraire du bail emphytéotique, il pèse à la charge du preneur à bail à construction une obligation de construction sur le fonds pris à bail et de conservation de cette dernière en bon état d’entretien pendant toute la durée du bail. Ainsi, doit être requalifié en bail à construction le bail emphytéotique imposant au preneur une obligation de construire (CA Paris, 24 févr. 2005 : Constr.-Urb. 2005, n° 136, obs. Sizaire). De plus, le bailleur à construction peut contrôler la destination du terrain au moyen de l’insertion dans le contrat de bail d’une clause précisant l’usage auquel le terrain à édifier est destiné, et imposer au preneur des restrictions à son activité, notamment en soumettant toute nouvelle construction à autorisation et en refusant de consentir au preneur la possibilité d’acquérir des servitudes actives au profit du fonds, ce qui permet d’encadrer davantage l’activité de l’exploitant. À la fin prévue du bail, quelle que soit sa qualification, plusieurs solutions peuvent être envisagées : le bail peut être prolongé ou le propriétaire récupère le fonds, et dans ce cas, les installations photovoltaïques peuvent être démontées, selon les conditions prévues à cet effet dans le contrat, ou le propriétaire conserve la centrale pour continuer lui-même la production d’électricité.

 

 

Les relations contractuelles entre le producteur d’énergie et l’exploitant agricole

Pour assurer la synergie entre les deux activités, le producteur d’énergie, titulaire d’un bail lui conférant un droit réel sur le terrain, devra conclure un contrat conférant un droit d’occupation à l’exploitant agricole sur le terrain. Ce contrat doit identifier les risques et définir précisément leurs obligations respectives. Concrètement, les obligations de l’exploitant agricole devront être définies afin de garantir la coexistence des deux activités, en prévoyant par exemple les modalités de mécanisation de l’exploitation destinées à préserver au maximum la centrale photovoltaïque ou encore l’éventuelle formation de l’exploitant, en particulier aux risques incendies de la centrale. Réciproquement, le contrat doit prévoir les modalités de remboursement par le producteur d’énergie des possibles dégradations causées à l’exploitation agricole lors d’interventions sur les panneaux photovoltaïques.

Deux grands types de contrats peuvent être ici adoptés, mais force est de constater que les structures contractuelles existantes présentent encore des lacunes quant à leur adaptation à un projet agrivoltaïque.

Le contrat peut d’abord prendre la forme d’un bail rural, prévu aux articles L. 411-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime. D’une durée minimale de neuf ans, il est également possible d’opter pour un bail long terme d’une durée de 25 ans. Le bail rural présente toutefois un inconvénient majeur dans le cadre des projets agrivoltaïques : il a vocation à transférer l’intégralité de la jouissance du bien au preneur (ici, l’exploitant agricole), ce qui peut sembler incompatible avec l’exercice de deux activités concomitantes, agricole et de production d’énergie.

Dès lors, un autre type de contrat peut être envisagé : le prêt à usage ou « commodat », prévu au titre de l’article 1875 du Code civil. Ce contrat permet à une personne de mettre à disposition un bien à une autre qui peut s’en servir et lui rendre à la fin du contrat. Sa durée est librement fixée par les parties et son contenu est moins encadré que celui du bail rural. Néanmoins, le principe essentiel du prêt à usage tient à sa gratuité : si l’exploitant agricole était tenu à une contrepartie, le contrat pourrait être requalifié en bail rural, par exemple. La gratuité du prêt est donc un élément important à prendre en compte, en particulier au regard du calcul de la rentabilité du projet. Par ailleurs, peu important le type de contrat choisi, la problématique de l’assurance des éventuels dommages causés aux cultures et à la centrale photovoltaïque doit également impérativement être pensée en amont avec les assureurs des deux parties.

 

 

Le financement : le calcul du juste équilibre

La vente de l’électricité

Deux grands types de contrats de vente d’électricité peuvent être distingués pour les projets agrivoltaïques.

Le premier concerne la majorité des projets et recouvre la vente à tarif d’achat réglementé et les appels d’offres.

D’une part, certaines installations sont concernées par le dispositif de soutien de l’État qui consiste à mettre en place des tarifs d’achats réglementés et soumis à obligation d’achat, procédure aussi appelée « guichet ouvert ». La vente de l’électricité s’effectue alors via un contrat d’achat avec EDF Obligation d’Achat (EDF OA) sur la base d’un tarif d’achat réglementé qui est gelé dès la signature du contrat pour une durée de 20 ans. Le contrat est automatiquement conclu sur simple demande. Ce dispositif concerne les installations dont la puissance est inférieure à 500 kWc, depuis l’arrêté tarifaire du 6 octobre 2021 (2).

D’autre part, les installations agrivoltaïques innovantes de puissance comprise entre 100 kWc et 3 MW peuvent candidater à des appels d’offres dédiés. Les lauréats perçoivent une rémunération en fonction de la prime proposée par les candidats faisant l’objet de la procédure compétitive pour l’ensemble de l’électricité produite. Dans ce cadre, ce sont les candidats qui proposent un prix d’achat en euros/MWh, qui doit toutefois être compris dans un intervalle spécifié dans le cahier des charges de l’appel d’offres. Ce dispositif est régi par les articles L. 311-10 et suivants du Code de l’énergie. Les lauréats sont proposés par la CRE et désignés par la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC). En ce qui concerne spécifiquement les projets agrivoltaïques, la CRE exige la production d’un mémoire technique sur la synergie de la production d’électricité avec l’usage agricole. De plus, les critères de l’appel d’offres de la CRE exigent que la totalité de l’électricité soit réinjectée sur le réseau. Si le producteur souhaite répondre à l’appel d’offres, l’autoconsommation n’est donc pas possible.

D’autres projets, en nombre moins important, sont également envisagés en privilégiant un autre grand type de contrat de vente d’électricité, dit « de gré à gré » ou en Power Purchase Agreement (PPA). Ce contrat est un contrat de droit privé entre un producteur d’électricité et un ou plusieurs consommateurs. Lorsque l’installation n’entre pas dans les critères pour bénéficier de l’obligation d’achat ou de l’appel d’offres de la CRE, ce contrat peut être une option intéressante. Il existe plusieurs types de PPA : le PPA direct est un contrat par lequel le producteur d’énergie vend la totalité de sa production d’électricité à un seul consommateur (généralement une entreprise), tandis que le PPA indirect est un contrat par lequel le producteur d’énergie vend l’électricité via un intermédiaire, à des consommateurs qui s’engagent eux-mêmes à acheter toute la production à un tarif convenu pendant un durée convenue via ce même intermédiaire. L’avantage pour l’acheteur tient à la possibilité pour lui d’acheter de l’énergie d’origine renouvelable, et de ne pas dépendre de la fluctuation des prix du marché, ce qui peut représenter un enjeu majeur pour des consommateurs industriels très énergivores. Un PPA n’offre cependant pas la même garantie d’un contrat d’obligation d’achat puisque l’acheteur peut ne pas avoir la capacité de continuer à acheter la production d’électricité pendant la même période de 20 ans. Ce risque supplémentaire entraîne une difficulté de financement des projets dont l’électricité va être achetée par le biais d’un PPA. Il est alors conseillé de recourir à un appel d’offres de la CRE pour obtenir un complément de rémunération.

 







 

La fiscalité

Il est certes parfois difficile de s’y retrouver au sein de la réglementation fiscale ; pourtant la fiscalité constitue assurément l’un des leviers devant être étudié par le porteur de projet pour mesurer la rentabilité de son projet. Les projets agrivoltaïques relèvent, à quelques subtilités près, des mêmes conditions fiscales que les projets photovoltaïques classiques.

Tout d’abord, conformément aux dispositions de l’article 1519 F du Code général des impôts (CGI), les centrales de production d’électricité d’origine photovoltaïque ou hydraulique sont soumises à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER). Cette imposition est due par l’exploitant, c’est-à-dire l’entreprise qui exploite la centrale. Si une entreprise exploite plusieurs centrales, l’IFER est dû pour chacune de ces centrales. Cette taxe est applicable, pour la filière photovoltaïque, aux centrales dont la puissance électrique installée, au sens des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du Code de l’énergie, est supérieure ou égale à 100 kilowatts, sauf en cas d’autoconsommation totale. Il s’agit d’un montant fixe par kW de puissance électrique installée, revalorisé chaque année. La puissance électrique installée se définit comme la somme des puissances des installations effectivement injectées au point de livraison sur les réseaux publics d’électricité par l’exploitant producteur d’électricité, à laquelle s’ajoute la puissance consommée en propre par ce producteur.

Ensuite, les investissements liés à l’installation sont soumis à la TVA, au régime auquel est soumis le porteur du projet. La vente d’énergie est elle aussi soumise à la TVA, puis si cette vente génère des bénéfices, ils seront imposés à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Les installations photovoltaïques raccordées au réseau d’une puissance inférieure ou égale à 3 KWc peuvent bénéficier d’un taux de TVA à 10 % ; elles peuvent également se voir exonérer de l’impôt sur le revenu (ISR) si elles ne sont pas affectées à l’exercice d’une activité professionnelle.

Par ailleurs, les projets agrivoltaïques peuvent également être redevables de la contribution économique territoriale (CET), composée de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) et la cotisation foncière des entreprises (CFE). La CFE est une taxe qui porte sur les locaux de l’entreprise, c’est-à-dire les biens loués ou possédés par l’entreprise qu’elle utilise pour son activité et qui ont une valeur foncière. Elle est perçue par les communes. Si l’entreprise a des locaux dans plusieurs communes, elle sera redevable de la CFE dans chacune d’entre elles. En pratique, ce sont les systèmes support des panneaux photovoltaïques et les locaux techniques dédiés aux systèmes photovoltaïques, les panneaux photovoltaïques eux-mêmes étant exonérés de taxe foncière (art. 1382 12° du Code général des impôts). Toutefois, la valeur locative des biens passibles de taxe foncière utilisés pour l’activité de production d’électricité étant très faible, voire, dans la plupart des cas, nulle, le producteur photovoltaïque est imposé à la CFE sur la base minimum prévue à l’article 1647 D du Code général des impôts. La CVAE est déclarée à partir d’un chiffre d’affaires annuel de 152 000 euros (art. 1586 ter du Code général des impôts) et due à partir de 500 000 euros si l’activité est imposable à la CFE.

Un dernier mot sur la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Celle-ci s’applique aux panneaux photovoltaïques au sol, en ce qui concerne les locaux techniques tels que les postes électriques et le terrain d’assise sur lequel est installée une ferme photovoltaïque si le terrain n’est pas cultivé au sens de « terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel » (art. 1381 5° du Code général des impôts) (3). Dans le cas d’un projet agrivoltaïque dont le terrain est exploité à des fins de cultures, l’on peut donc imaginer que le terrain d’assise de la centrale ne serait pas assujetti à la TFPB. Le montant de la taxe foncière est calculé à partir de la valeur locative cadastrale de la construction ou du terrain d’assise, à laquelle est appliquée un abattement de 50 % (art. 1388 du Code général des impôts) puis les taux des collectivités.

 

 

En dépit d’une réglementation parfois inadaptée, les projets agrivoltaïques s’intègrent petit à petit dans le paysage français à l’aide des outils juridiques classiques. Les porteurs de projet doivent toutefois être attentifs aux prochaines évolutions réglementaires, en espérant que la résolution sénatoriale du 4 janvier 2022 soit suivie d’effet et donne un coup d’accélérateur à la filière tout en sécurisant davantage producteurs d’énergie et agriculteurs.


1) Résolution tendant au développement de lagrivoltaïsme en France, n° 64, 4 janvier 2022, Sénat. 

2) Arrêté du 6 octobre 2021 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière utilisant l’énergie solaire photovoltaïque, d’une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kilowatts telles que visées au 3° de l’article D. 314-15 du Code de l’énergie et situées en métropole continentale.

3) BOI-IF-TFB-10-10-40, §85. 


Arielle Guillaumot,

Avocate à la Cour,

Cabinet Huglo Lepage Avocats

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