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Les bolides qui se sont s’élancés sur les routes du Tour de France ce samedi 6 juillet sont le résultat d’innovations continues depuis plus de 200 ans. Zoom arrière grâce aux archives de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).
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Si la formule 1 fait avancer la technologie automobile, il en est de même pour le vélo : les compétitions sportives, en particulier celles de haut niveau, ont toujours nécessité la mise en œuvre de matériels de plus en plus performants. La quête de vitesse, de légèreté et d’un freinage de qualité, reste encore le souci premier des concepteurs de deux-roues. Ainsi, tout au long de son évolution et selon ses diverses utilisations, le vélo a monopolisé des esprits et suscité des inventions destinées à améliorer ses performances ou à perfectionner les matériels déjà utilisés. Un petit tour dans les brevets d’invention conservés par l’Institut national de la propriété industrielle permet d’illustrer quelque 200 ans de créativité dans ce domaine. De la draisienne aux derniers bolides du Tour de France, le vélo est une succession d’innovations bien de chez nous !
L’histoire
retient généralement que la première forme moderne du vélo est la draisienne.
La laufmaschine, littéralement « machine à courir » en allemand, est imaginée
à la fin de l’année
1817, de l’autre côté du Rhin. Le baron Carl Drais, son inventeur, lui laisse
d’ailleurs son nom.
Mais la nouvelle de l’apparition de cette machine se propage rapidement.
Le 18 février 1818, en France, un certain Louis-Joseph Dineur en dépose
le brevet dit « d’importation ».
Elle est encore en bois et n’a ni pédales, ni chaîne de transmission, ni même
l’aspect d’un vélo tel qu’on le connaît aujourd’hui. On lui donne alors le nom
de vélocipède.
À partir de là, les brevets d’invention ou de perfectionnement ne tarissent
plus. Certains brevets déposés dans d’autres domaines techniques profitent
également à cette nouvelle machine, comme la chaîne à maillon d’André Gallé,
brevetée en 1829.La première
tentative de mouvoir un vélocipède à l’aide de cette chaîne sans fin a lieu en
1835.
Il faut pourtant attendre le milieu du 19e siècle pour que le vélocipède à pédale circulaire voie le jour. Sans elle, impossible d’obtenir le pédalage rotatif fluide que nous connaissons tous aujourd’hui. La paternité en revient à un pharmacien, philanthrope et homme politique alsacien, Jules Sourisseau, qui dépose son brevet d’invention en 1853. Auparavant, la pédale, simple planche en bois, est connue par les couturiers, les tourneurs ou les tisserands qui pèsent dessus de tout leur poids plu s qu’ils ne l’actionnent par leur force musculaire. La découverte de la manivelle de Sourisseau, dite « pédiforce », est une étape majeure dans le développement du vélo.
Le 19 août 1868, le centralien Charles Desnos dépose un brevet pour des « perfectionnements dans les appareils de locomotions dit vélocipède, désormais appelé bicycle ». Faisant le bilan des problèmes du vélocipède à pédales, il rend à chaque roue une fonction unique et ajoute deux vitesses à la roue motrice : l’une pour démarrer et gravir les côtes, l’autre pour rouler à grande vitesse.
En 1868 toujours, Clément Ader, qui deviendra plus tard le premier aviateur, imagine des roues à jantes garnies de caoutchouc permettant d’absorber les chocs. Il dépose un premier brevet pour un « perfectionnement apporté aux vélocipèdes ». Le contenu de sa demande est plus précis : « je sollicite un brevet d’invention qui consiste tout simplement en l’application d’une bande élastique, soit de caoutchouc, de gutta percha ou toute autre substance possédant le même principe d’élasticité, autour des roues des vélocipèdes formant ainsi un intermédiaire compressible entre le sol et le vélocipède ».
L’ancêtre du pneumatique actuel est né. Certains, comme les frères Michelin, n’auront de cesse de le faire évoluer.
La
draisienne et les perfectionnements du vélocipède : quelques exemples de
brevets d’invention
issus du fonds patrimonial conservé par l’INPI
À partir des années 1880, la chaîne sans fin s’impose comme le mode de transmission du mouvement à la roue arrière motrice et en 1886, Peugeot est le premier à équiper ses bicycles de deux vitesses, mais sans mécanisme faisant passer la chaîne d’un pignon à l’autre. D’autres transforment le pédalier en véritable boite de vitesse à plusieurs rapports, toutefois la bicyclette s’alourdit. Certains inventent des systèmes plus simples, comme le fait de monter deux pignons aux nombres de dents différents sur l’axe de la roue. Mais il faut alors que le cycliste s’arrête, démonte sa roue et la retourne pour changer de pignon ! Opération peu pratique, surtout lorsque l’on fait la course ! Le premier à imaginer un dérailleur est Jean Loubeyre, qui dépose un brevet en 1895 pour une « bicyclette à changement de vitesse en marche ». Le dérailleur permet le déplacement latéral de la chaîne pour en changer le développement : une simple fourchette à ressorts actionnée par une manette via une tringle, faisait dérailler la chaîne latéralement sur un pignon ou l’autre et vice versa.
À la fin du 19e siècle, la bicyclette a pratiquement pris les formes qu’on lui connaît aujourd’hui. Le 20e siècle sera le temps des perfectionnements, et la bicyclette l’emporte sur tous ses prédécesseurs, draisienne, bicycle ou encore grand-bi. En 1912, le changement de vitesse breveté par Loubeyre est modernisé par Jean-Baptiste Panel et Louis Bouiller, deux associés de Saint-Étienne, qui déposent un nouveau brevet en 1912. Ce système perdure et donne naissance aux dérailleurs actuels, qui fonctionnent encore sur ce même principe.
En 1936, grâce aux premiers congés payés, les touristes prennent la route, en auto, à moto mais surtout à vélo. À partir de la Seconde Guerre mondiale, et jusque dans les années 1950, le vélo restera, par nécessité, le moyen de locomotion privilégié de millions de personnes. Dès lors, l’usage du vélo se diversifie. En 1974, le vélo quitte la route pour devenir tout-terrain. Le cadre suspendu voit le jour aux États-Unis lorsque des amateurs de sensations fortes bricolent des vélos pour dévaler les sentiers de montagnes californiens. L’engouement du public pour la pratique du vélo en terrain accidenté se développe rapidement, mais les machines résistent mal et les innovations techniques deviennent nécessaires. C’est Yamaha qui dépose en 1974 un brevet correspondant à un « vélo avec un cadre suspendu sur les roues avant et arrière d’une manière qui permet aux roues d’absorber des chocs importants ». Cette innovation préfigure le VTT, dont la production industrielle se développe à partir des années 80. Au même moment, l’entreprise française Look, spécialisée depuis de nombreuses années dans la fabrication de fixations de skis, se tourne vers le cyclisme et les courses. Les premiers brevets sont déposés pour solidariser le pied du cycliste à la pédale grâce à un insert fixé sous la chaussure. Bernard Hinault remporte le Tour de France en 1985, en partie grâce à ce dispositif.
Plus tard, les matériaux composites, développés d’abord pour l’aéronautique dans les années 1960, combinent des matières plastiques et des matériaux non métalliques, comme la fibre de carbone ou la fibre de verre. Leur légèreté et leur flexibilité, associées à d’autres propriétés mécaniques, les rendent très intéressants pour l’industrie du vélo. Quoiqu’à l’époque onéreux, ils sont adoptés dès 1990 pour fabriquer certains éléments telles que les roues des machines de courses, développées par la société Corima. D’autres modifications, comme le changement de vitesse au guidon ou le dérailleur électrique, ont ensuite de grosses incidences. Depuis une vingtaine d’années, le matériel utilisé en compétition sportive subit une très forte évolution, avec par exemple la mise au point de système de transmission sans chaîne et sans dérailleurs. Certain de ces systèmes sont présentés comme étant les plus efficaces au monde, en ayant des rendements exceptionnels : près de 99 % de l’énergie générée par le coureur serait effectivement transférée à la roue.
Au vu de ces derniers progrès, on pourrait croire que le vélo est aujourd’hui un objet abouti, que tout a été imaginé et inventé. Pourtant, chaque année, à l’occasion de grandes compétitions comme le Tour de France, le public découvre de nouvelles innovations qui rendent le vélo encore plus performant. Les archives conservées par l’INPI témoignent de ces évolutions, depuis le premier brevet de la draisienne déposé en 1818. Un passage obligé pour qui veut réécrire l’histoire du véhicule aujourd’hui le plus utilisé au monde.
Steeve Gallizia,
Responsable de la valorisation des archives patrimoniales de l’INPI
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