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Le
tribunal de Commerce de Paris a fait sa rentrée mardi 18 janvier. Le président
Paul-Louis Netter a pu dresser un bilan de l’année 2021. Une année contrastée
pour la juridiction selon ses dires, avec différents protocoles sanitaires
imposés au cours de l’année, et une reprise de presque tous les types de
dossiers en comparaison avec 2020.
Une fois n’est pas coutume, l’audience solennelle de
rentrée du tribunal de commerce de Paris s’est tenue, comme l’an dernier, en
petit comité, restrictions sanitaires obligent, puisque seuls les membres du
parquet, du greffe, les huissiers et les juges étaient présents pour une
audience solennelle d’installation, sans public.
C’est le président du tribunal de commerce de Paris,
Paul-Louis Netter, qui a ouvert l’audience, souhaitant en premier lieu la
bienvenue à Laure Beccuau, nouvelle procureure de la République de Paris –
première femme à ce poste ! – nommée en octobre dernier et présente dans
la salle.
Une année au rythme des protocoles
sanitaires
L’année 2021 s’est avérée quelque
peu mouvementée du fait des différents protocoles sanitaires, en particulier
concernant la possibilité ou non pour les membres du tribunal de se retrouver
autour d’une table après une audience, « impossible, puis possible de
loin, puis possible tout court », a affirmé le président. Selon les
périodes de l’année, différents régimes se sont succédé pour la tenue des audiences :
la visio-conférence fut autorisée puis interdite, l’audience à juge unique
permise puis supprimée.
Le tribunal a néanmoins poursuivi
ses fonctions judiciaires, avec, sur l’année, une reprise de presque tous les
types d’affaires de contentieux, après une faible année 2020. Au niveau des
litiges de fond, ce sont 8 678 nouvelles affaires qui ont été introduites,
un chiffre en progression logique de 23 % par rapport à 2020. Mais ce
chiffre est également en hausse de 12 % par rapport à 2019. Les ordonnances
de référés ont quant à elles représenté 4 194 affaires traitées par les
180 juges du tribunal de commerce, en-deçà des chiffres de 2019 mais en hausse
de 16 % sur un an. Même tendance pour les ordonnances d’injonction de
payer, en progression de 12 % comparé à 2020.
Seule exception à
l’augmentation post-covid du nombre d’affaires traitées par le tribunal :
le nombre de procédures collectives a continué de chuter, avec une réduction de
16 % sur un an, et de presque 46 % par rapport à 2016, « un
niveau inconnu jusque-là, a précisé le président du tribunal. Cela
paraît relever d’une véritable tendance de fond. » Une tendance
confirmée au niveau national par Stephen Almaseanu, vice-procureur au parquet
de Paris : « avec moins de 30 000 procédures collectives ouvertes
en France en 2021, il est clair que la France n'avait pas connu depuis
longtemps un aussi faible nombre de défaillances ». La raison
principale : les entreprises « ont reçu des aides et font l'objet
de bienveillance de la part des services de l'État, qui ne les ont pas
assignées en cas d'absence de paiement ». Et la baisse risque de se
poursuivre jusqu’à la fin du 1er semestre 2022, d’après le président
citant des observateurs. Dans le détail, pour le TC de Paris, sur un total de
2 079 procédures, 40 concernaient des sauvegardes, 197 des redressements
et 1 842 des liquidations judiciaires.
Le nombre de jugements prononcés
par la chambre de contentieux du traitement des difficultés des entreprises est
quant à lui en progression significative sur deux ans, avec 660 jugements de
sanction. Cette hausse s’explique par un rattrapage du retard pris en 2020, lié
à l’absence d’audiences de sanctions en visioconférence. Pour renforcer
l’effectivité de ces jugements, le président du tribunal, la procureure de la
République de Paris et le directeur des Affaires civiles et du Sceau attendent
des précisions de la part de la Chancellerie sur la voie à suivre pour
permettre de renforcer l’effectivité des décisions du tribunal en facilitant la
prise de sûreté sur les biens appartenant au débiteur poursuivi. « Un
droit moderne des procédures collectives doit mettre l'accent, d'une part, sur
la prévention, le sauvetage et le droit au rebond pour la très grande majorité
des chefs d'entreprises et, d'autre part, sur la sanction des quelques
personnes malhonnêtes ou excessivement dangereuses pour le commerce, qu’il
convient d’exclure de mécanismes ne devant profiter qu’à des débiteurs honnêtes
et diligents », a affirmé Stephen Almaseanu, ajoutant que le parquet
commercial poursuit les dirigeants, de droit comme de fait, dans 15 à 18 %
des affaires de liquidation, la chambre des sanctions suivant dans la très
grande majorité des cas l’avis du parquet dans les dossiers qui lui sont
soumis, en condamnant les personnes poursuivies à des peines de faillite
personnelle ou d'interdiction de gérer.
Autre fait intéressant : les
procédures préventives ouvertes à Paris ont concerné plus de salariés que les
procédures de traitement, après cessation des paiements. « Il me semble
que c'est un événement historique, qui n'est nullement lié à la pandémie, mais
est la marque d'une évolution constante de notre matière : son centre de
gravité est désormais du côté de la prévention, et notamment de la
conciliation, la cessation des paiements marquant le plus souvent la fin des
espoirs plutôt que le redressement », a assuré le vice-procureur.
2022 « doit
rester porteuse d’ambitions »
« Le défi de l’année 2021 semble avoir été relevé à la juste mesure de cette période troublée pour cause de virus », s’est félicitée la procureure de la République de Paris. Pour 2022, 20 nouveaux juges ont été élus au tribunal de commerce de Paris, pour une durée de deux ans. « Impartialité, compétence, discipline, confidentialité et humanité », telles sont les exigences qui les porteront dans l’exercice de leur métier, selon la procureure de la République de Paris. L’année qui s’ouvre est une année de changement, avec l’entrée en vigueur de la loi du 22 décembre 2021 sur la confiance dans l’institution judiciaire. Celle-ci
offre la possibilité d’utiliser des moyens audiovisuels modernes dans le cadre d’audiences, en dehors des procédures pénales, et à la demande d’une partie et sur décision du juge. Ce qui va nécessiter l’équipement de quelques salles du tribunal pour tenir ce type de réunion. Le traitement des difficultés des entreprises et le droit des sûretés ont pour leur part été affectés par la transposition en septembre 2021 de la Directive sur la solvabilité des entreprises. « Certes la révolution aurait pu être d’une plus grande ampleur, néanmoins nos juridictions auront à apprivoiser ces textes et définir les contours de concepts nouveaux », a assuré Paul-Louis Netter, qui regrette que le tribunal ait été « dépossédé de [sa] compétence s’attachant au traitement des conséquences du devoir de vigilance qui s’impose aux plus grandes entreprises ». Laure Beccuau a terminé son discours en souhaitant que l’année 2022 reste « porteuse d’ambitions ». « Dans le strict domaine commercial, il s’agira de soutenir nos entreprises en difficulté, de préserver l’ordre public économique par la prévention, puis par l’accompagnement que peuvent construire les procédures collectives et aussi par les sanctions commerciales lorsque cela s’impose. »
Alexis
Duvauchelle
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