Journée internationale des droits des femmes - Le barreau de Paris se mobilise


mercredi 28 mars 20186 min
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La veille de la Journée internationale des droits des femmes, le bâtonnier Marie-Aimée Peyron et le vice-bâtonnier Basile Ader ont présenté les actions entreprises par l’ordre des avocats au barreau de Paris pour mettre fin aux discriminations liées au genre dans la profession d’avocat. Maître Valence Borgia, membre du conseil de l’Ordre, a également présenté le rapport alarmant sur le harcèlement sexuel dans les cabinets d’avocats.



Dans leur programme de campagne, Marie-Aimée Peyron et Basile Ader l’avaient annoncé : la lutte contre les discriminations et les agissements sexistes seront une des priorités de leur mandat. Ainsi, lors du conseil de l’Ordre du 6 mars 2018, Valence Borgia, Solène Brugère, Maxime Eppler et Benjamin Pitcho, membres du conseil de l’Ordre, ont présenté un rapport préconisant la mise en place d’une politique volontariste de lutte contre le harcèlement et les violences sexuelles au sein du barreau. Dès le lendemain, le barreau de Paris a lancé une rafale d’initiatives, dont l’adoption de dix mesures pour lutter contre les inégalités au sein de la profession et le lancement d’une vaste campagne de sensibilisation sur les réseaux sociaux, pour mettre fin à ces pratiques.


 

Les femmes avocates discriminées


Depuis la prestation de serment de la première femme avocate en 1900, la profession s’est largement féminisée. Ainsi, sur 65 480 avocats en France, les femmes représentent de nos jours 55 % des effectifs totaux. Au barreau de Paris, elles sont par exemple 54 %. Cependant, malgré ces chiffres encourageants, au cours de leur carrière, seulement 32 % deviennent associées. De plus, « pour accéder aux postes d’associées au capital, et en charge de départements, c’est encore plus difficile, il existe un véritable plafond de verre », a expliqué Marie-Aimée Peyron. Plus incroyable : fonction et statut confondus, une avocate gagne en moyenne moitié moins qu’un avocat, et certaines d’entre elles sont parfois remerciées lors de l’annonce de leur grossesse. Concernant le harcèlement sexuel, selon le rapport présenté par Maître Valence Borgia, les jeunes collaboratrices et stagiaires sont les plus vulnérables. Ainsi, la plupart du temps, c’est dans les cabinets individuels que se produisent ces cas de violence, les jeunes femmes étant davantage isolées. En 2017, le Défenseur des droits a été saisi de huit cas de harcèlement, ont rappelé les intervenants. Ce qui démontre, en quelque sorte, que certaines victimes n’osent pas se plaindre directement au barreau. Pour Basile Ader, « ce qui n’est pas acceptable pour nous, c’est que les consœurs pensent qu’à l’Ordre, on ne va rien faire pour elles ». Or, le barreau de Paris est « un lieu de défense de la profession » a martelé Madame Peyron : « par les mesures de prévention, d’incitation, mais aussi par des engagements de sanctions, nous espérons endiguer la difficulté. »


 


Des mesures chocs pour endiguer le fléau


Face à ces chiffres assez alarmants, le barreau de Paris a donc décidé de se placer aux côtés des femmes, et de lancer un programme « d’incitation et de sensibilisation pour inverser la courbe », centré autour de dix actions « pour une politique de lutte transparente, claire et efficace au sein du barreau ». Des mesures qui peuvent être rangées en trois catégories : informer, prévenir et sanctionner.


 


Informer :


- Création d’un réfèrent harcèlement et égalité à l’École de Formation du Barreau, au sein de l’ordre des avocats de Paris et dans les cabinets qui le souhaitent. Ils auront pour missions de recueillir la parole des victimes et/ou témoins de manière confidentielle, apporter un réconfort et un soutien psychologique, rapporter au bâtonnier des faits allégués de harcèlement et de discrimination en vue de l’ouverture d’une enquête déontologique, assurer la transmission automatique des faits avérés à l’autorité de poursuite pour déclenchement d’une procédure disciplinaire ;


- Création de modules sur le harcèlement, les discriminations, les violences sexistes et sexuelles dans la formation continue et initiale des avocats ;


- Création d’un trophée égalité sur le modèle des trophées pro bono.


 


Prévenir


- Lancement d’une campagne globale de sensibilisation et de recensement autour des faits de discrimination, agissements sexistes et violences sexuelles ;


- Lancement d’une campagne de sensibilisation plus ciblée à l’attention des élèves-avocats particulièrement visés par les faits de harcèlement sexuel, compte tenu, notamment, de la précarité de leur statut et de leur plus faible expérience du milieu professionnel ;


- Création d’un réseau de « cabinets refuges » pour les élèves-avocats.


 


Sanctionner


- Inscription du principe d’égalité dans le règlement intérieur du barreau de Paris ;


- Renforcement des prérogatives de la commission harcèlement/discrimination ;


- Suspension des conventions de stage avec les cabinets condamnés disciplinairement à raison de faits de violence et/ou de harcèlements sexuels ;


- Transmission systématique à l’autorité de poursuite des dossiers de harcèlement sexuel et instruction et jugement par des membres du conseil de l’Ordre formés à ces questions.


 


Une série d’autres mesures a également été adoptée par le barreau pour célébrer cette Journée internationale des droits des femmes. Ainsi, lors du conseil de l’Ordre, le barreau de Paris a créé une charte sur les bonnes pratiques que les cabinets d’avocats sont invités à signer. Le bâtonnier et le vice-bâtonnier ont également obtenu, lors d’une séance exceptionnelle, que « l’égalité » soit désormais inscrite dans le règlement intérieur. « Nous souhaitons aussi, lors des entretiens d’évaluation des associés, inciter les cabinets à indiquer ce qu’ils font en faveur de l’égalité et de la diversité », a ajouté Maître Peyron.


En outre, pour les cabinets les plus modestes, le conseil de l’Ordre a décidé d’avancer de la trésorerie dès lors qu’une femme part en congé maternité, de manière à ce que ces structures ne se retrouvent pas en difficulté lors d’un départ en congé maternité. « Nous avons aussi mis en place un bataillon d’avocats remplaçants pour aider les cabinets d’avocats quand une jeune femme annonce sa grossesse », a précisé Marie-Aimée Peyron.


De même, les 6 juin, 24 et 25 novembre, au sein du bus de la solidarité, des permanences juridiques gratuites seront assurées bénévolement par des avocats parisiens, pour répondre aux questions des femmes victimes de harcèlement, discriminations, violences, etc. Un kit à destination des victimes de harcèlement est également à l’étude au sein du barreau.


Le barreau de Paris va aussi organiser, sur une année, en partenariat avec la Fondation des femmes, la prise en charge de 365 dossiers par des avocats bénévoles.


Enfin, le conseil de l’Ordre prévoit d’interdire aux cabinets identifiés comme potentiellement dangereux, la possibilité de signer des conventions de stage. Pour permettre aux élèves-avocates de valider leur stage de six mois, le barreau va lister des cabinets référents, afin que celles qui sont harcelées au sein du leur puissent y trouver refuge. Le barreau de Paris aura également la possibilité d’ouvrir, par la suite, des enquêtes de déontologie à l’encontre de ces cabinets, et éventuellement de distribuer des sanctions. « L’idée, c’est d’être exemplaire chez nous concernant les violences sexistes », a expliqué Maître Valence Borgia.


Lors de cette matinée de présentation des actions du barreau en faveur de l’égalité femmes-hommes, Marie-Aimée Peyron et Basile Ader ont dévoilé la campagne, photo et vidéo, intitulée « Harcèlement, discriminations, inégalités professionnelles. Tolérance zéro » (voir photo en Une), lancée pour l’occasion par le barreau de Paris. Cette dernière est destinée à être diffusée sur les réseaux sociaux et vise à sensibiliser le monde des avocats, et l’opinion publique en générale, sur les questions d’inégalités sociales, de discrimination, de harcèlement et de violences sexistes. Une vaste opération de communication qui contient des phrases choc comme : « ça fait quoi d’être déshabillé du regard ? », « le droit de cuissage c’est dans quel Code ? », « pourquoi travailler plus pour gagner moins ? », et dont l’objectif est de faire évoluer, au plus vite, les mentalités.


 


Maria-Angélica Bailly


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