Salon international de l’agriculture - Propriété des données en agriculture


mardi 27 mars 20184 min
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Le numérique impacte tous les secteurs économiques. Le « smart farming » s’appuie sur l’innovation faite de : détecteur, analyse, géolocalisation, etc. Cette démarche mutualise des données de variables agronomiques, exploite des bases de données valorisées sur des plateformes et des applications dédiées. Cette agriculture rentable, écologique et performante pose le problème de la propriété des informations recueillies sur les exploitations. D’autant plus que leur récupération par des acteurs externes serait susceptible de créer des liens de dépendance de leurs pourvoyeurs vis-à-vis de services informatiques. Alors, face au risque d’appropriation des données issues des fermes, on peut, comme aux États-Unis, les commercialiser directement, ou alors, comme en France, les proposer sur un réseau, contre une garantie de transparence.



L’association de coordination technique agricole (ACTA) réunit l’ensemble des instituts de recherche appliquée en agronomie, organisés par filière pour travailler sur des sujets globaux. L’ACTA défend l’idée que le numérique doit œuvrer au service du progrès des filières agricoles, des activités de recherche agronomes et des innovations des bureaux d’études techniques. Toute ferme est une source massive de mesures précises qualifiées dans le temps, à une haute cadence. Capteurs sur les animaux, imagerie de satellite et de drone, concept de production moderne et connecté, le volume d’informations rassemblées et le nombre de sources s’intensifient. Quel usage appliquer à toutes ses données ? Quelle transparence respecter ? Qui alimenter avec ?


En 2015, l’ACTA a imaginé deux scénarios opposés. Dans un cas, les data d’un producteur restent la propriété du système d’information qui les analyse. L’exploitant ne dispose pas des relevés effectués sur son propre site. Plus il utilise les solutions proposées par le fournisseur qui étudie ses données, plus il s’asservit, dépendant de son partenaire. Dans l’autre cas, toutes les données sont ouvertes. L’agriculteur choisit ou refuse librement les applications numériques qui lui sont soumises.


Pour se diriger vers ce second modèle, un livre blanc a été rédigé en 2015/2016. Il formule dix recommandations, regroupées autour de trois axes : fluidifier les données ; rassurer les gens ; innover :


- établir un inventaire de la Data, car nul ne connaît l’ensemble des données agricoles présentes, accessibles aujourd’hui ;


- favoriser l’interopérabilité entre les informations, sans dégradation lors du passage d’un système à l’autre ;


- mutualiser les systèmes d’information. Actuellement, pour la même grandeur, on note énormément de logiciels disponibles sur le marché ;


- établir des principes et des modes pratiques. Une charte permet l’accès, l’utilisation et la valorisation des données agricoles, ainsi qu’une transparence des services. Elle est à l’initiative de la FNSEA et défend les agriculteurs face aux CGU type proposée par l’industrie du numérique ;


- garantir la maîtrise des données, établir une chaîne de confiance. L’agriculteur a besoin d’être rassuré par rapport à son pouvoir sur ses propres données ;


- encourager l’ouverture des données entre entreprises ;


- placer les agriculteurs au centre de la création des services ;


- tester les applications dans les conditions réelles des exploitations ;


- ouvrir des partenariats ;


- accroître les compétences pour améliorer la valorisation des données.


Un bon logiciel porte de la valeur ajoutée à la donnée brute collectée. L’interopérabilité évite les ressaisies. La mise en commun des valeurs issues de plusieurs entreprises permet de se comparer, de se situer sur un marché. Les croisements de données laissent envisager l’apparition d’analyses chargées de sens qui n’ont pas encore été identifiées jusqu’à présent. Demain, les sociétés de conseil agricole vont affiner leur prestation et passer de préconisations agronomiques à d’autres, d’ordre stratégique.


Actuellement, moins de la moitié des agriculteurs sont informatisés pour le suivi de leur activité, alors que c’est la profession la plus équipée en smartphone de France. De plus en plus de capteurs sont dédiés aux animaux, et la majorité des initiatives innovantes voient le jour pilotée par un fermier. Les exploitants s’emparent bien du sujet avant les acteurs issus d’autres milieux qui auront peut-être une attitude plus mercantile.


Le métier de paysan devient un métier de manager qui, fort d’une remontée de mesures et de modèles objectifs, sur un bureau chargé d’écrans, décide. Il se transforme également peu à peu en technicien pour maintenir les outils contemporains qui réduisent la pénibilité du travail. Ainsi, l’apparition des automates de traite a mis fin à un levé aux aurores quotidien, 365 jours par an. Ces machines et d’autres, dont l’image moderne dépoussière l’idée archaïque de la ferme, demandent cependant des investissements importants, délicats à obtenir pour la jeune génération.


Il faut bien différencier plateforme de données et de connaissances. L’une permet de faire des choix à la lumière de chiffres pertinents, quand l’autre diffuse et transmet un savoir-faire. L’usage que l’agriculteur fera de chacune lui laissera toujours sa liberté, son pouvoir de décision. Il doit néanmoins se former et s’impliquer. Le numérique s’impose, entrant dans tous les domaines et dans la vie de chacun. Accompagner sa progression intelligente semble prudent pour ne pas risquer d’en devenir la victime.


C2M


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