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A quelques jours du 120e
Congrès des Notaires qui se tiendra à Bordeaux du 25 au 27 septembre et soumettra au vote une douzaine de propositions élaborées en faveur d’un
urbanisme durable, Marie-Hélène Péro, sa présidente, évoque une profession
moteur qui entend bien assouplir les contraintes actuelles pesant sur les
porteurs de projet.
JSS : Quelle est la
responsabilité, le rôle des notaires face aux défis environnementaux
actuels ?
Marie-Hélène Péro : Leur
quotidien évolue clairement au cœur des mutations actuelles de la
société : économiques, démographiques et bien sûr sociétales. Au-delà des
arrêts du Conseil d’Etat qui s’orientaient déjà en ce sens, nos confrères font
face à une demande urgente de leur clientèle de profiter d’un environnement de
vie sain et durable.
Qu’il s’agisse des
collectivités ou des particuliers, aucun projet ne peut plus s’envisager sans
avoir une connaissance précise de ses impacts sur l’environnement. Construire
ou réhabiliter des sites industriels sans se préoccuper de la pollution
éventuelle des sols est désormais impossible, tout comme la donation d’un bien potentiellement
concerné par le recul du trait de côte se révèle désormais plus complexe à
traiter.
Au-delà de la multitude de législations
qui viennent s’ajouter à notre droit, le notaire s’engage, dans son rôle de
conseil, d’information et d’accompagnement à délivrer à sa clientèle
l’accompagnement et l’information nécessaire, de manière à appréhender avec
sérénité les risques naturels et environnementaux à venir.
JSS : Le
congrès des Notaires sera l’occasion de présenter un rapport qui sera soumis à
l’appréciation et au vote des participants…
M-H. P. : Ce
rapport intitulé « Vers un urbanisme durable, accompagner les projets
aux défis environnementaux » et ses propositions sont le fruit de
l’émanation de l’analyse fournie par l’ensemble de l’équipe du 120e congrès.
C’est un travail de longue haleine proposant 12 mesures qui seront débattues, reposant
sur trois angles, lesquels alimenteront les commissions aux intitulés
éponymes : anticiper les défis environnementaux, convaincre les acteurs
d’un projet et s’interroger sur la manière dont on les réalise.
Ce rapport de 1000 pages offrira
un panel de formats très complet, en suggérant au choix une lecture papier, une
lecture facilitée et ergonomique, une lecture par mot clé, et enfin, la
possibilité de profiter d’une lecture par questionnement grâce à une IA
juridique, qui cite ses sources, en rapportant toujours le nom et la date du
rapport à laquelle elle a été établie !
JSS : L’anticipation
semble au cœur de la réflexion menée par vos équipes. Est-il possible de
connaître les grandes mesures proposées à ce titre, à quelques jours du
Congrès ?
M-H. P. : La
question de l’anticipation revêt plusieurs facettes, à commencer par la manière
dont nous pouvons appréhender au mieux le changement climatique pour minimiser
les risques. Sur ce point, nous formulons trois propositions. La première
s’attache à la problématique du recul du trait de côte, l’une des
principales conséquences du dérèglement climatique. Cette réalité, jusqu’à
présent, n’autorise les propriétaires menacés par l’érosion du littoral à aucun
droit ou indemnisation publique. Par principe, tout terrain gagné par la mer
devient propriété de l’Etat.
C’est dans ce contexte que
nous invoquons la possibilité de création d’un droit de propriété temporaire. On
offre ainsi la possibilité à la collectivité de reprendre la main sur ce bien
et qu’il soit intégré avec anticipation dans le domaine maritime, de sorte à ce
que la propriétaire ne soit pas complétement lésé.
« Nous demandons
l’instauration d’un véritable statut de l’arbre dans le Code civil »
- Marie-Hélène
Péro, présidente du 120e Congrès des notaires
Notre deuxième proposition
plaide pour une gestion plus collective des forêts, soumises notamment aux
risques d’incendies estivaux, en n’hésitant pas à mutualiser les compétences
des collectivités et des associations, sur le modèle des « biens
communs » d’autrefois.
Nos réflexions, d’un point de
vue purement environnemental, se sont enfin concentrées sur les arbres. En participant
au verdissement des villes, en étant partie intégrante du patrimoine naturel,
en luttant contre le réchauffement climatique et en participant au
« confort d’été », nous demandons l’instauration d’un véritable
statut de l’arbre dans le Code civil, afin de le protéger lui, mais aussi,
indirectement, les habitats qui l’entourent.
JSS : La
politique relative au ZAN (Zéro Artificialisation Nette), qui fait l’objet de
débats animés, occupera une place particulière parmi les sujets traités lors du
grand rendez-vous annuel de la profession. S’agit-il de la remettre en
question ?
M-H. P. : Absolument
pas. Le ZAN fait partie d’une politique engagée depuis longtemps, via la loi Climat
et Résilience de 2021, qui entend réduire de moitié le rythme
d’artificialisation des sols jusqu’en 2031 par rapport à la décennie précédente
et l’arrêt total de l’artificialisation d’ici 2050. Plus anciennement, la loi
SRU (« Solidarité et renouvellement urbain ») inscrivait déjà la
maîtrise de l'étalement urbain dans le Code de l'urbanisme.
Nous ressentons néanmoins,
tant à l’intérieur de nos offices qu’à l’échelle médiatique, que les mécanismes
du ZAN suscitent une grande crispation de la part des collectivités ou des
porteurs de projets. C’est pourquoi nous appelons à plus de souplesse le
concernant, de sorte à le rendre plus.
La mesure que nous suggérons
repose sur la création d’une bourse d’échange des droits à artificialiser.
Concrètement, cela pourra donner l’opportunité à des collectivités qui n’ont
pas de nécessité à utiliser ces droits à en faire profiter d’autres, à proximité,
dans la limite de 20 %. L’idée étant justement de céder ces droits en
justifiant d’un intérêt général supérieur pour l’autre collectivité. Ce système
de réallocation des droits sera évidemment soumis à des délibérations. Cet
exemple illustre parfaitement notre état d’esprit : assouplir les
contraintes qui pèsent sur les porteurs de projet et adapter le droit à
l’impératif écologique, pour répondre tant aux objectifs de développement du
territoire qu’aux ambitions de la transition énergétique.
JSS : L’objectif de 2050
du ZAN passe aussi, selon votre rapport, par la nécessité de
« recycler » les villes, à commencer par les « entrées de
ville »…
M-H. P. : Il
est question ici de remettre en question la politique d’urbanisme des années
70, afin que les entrées de ville correspondent plus aux recherches
d’aujourd’hui et aux objectifs des territoires actuels. Je pense typiquement à
leur conception centrée sur un principe de mono-fonctionnalité. Nous plaidons
donc pour une conversion des entrées de ville commerciales en quartiers mixtes
et durables, à vocation multifonctionnelle.
De quelle manière ? En les
intégrant aux ORT (Opérations de Revitalisation de Territoire), en favorisant le
regroupement ou le découpage de commerces entre eux, dans le respect des
exploitations commerciales mais surtout… en incitant les commerçants à
participer ! Ici, comme dans l’ensemble des mesures que nous formulons,
nous insistons sur l’importance de passer d’un urbanisme de la construction à
un urbanisme de la transformation.
JSS : Dans
quel état d’esprit engagez-vous ce congrès ?
M-H. P. : Conquérant,
avec l’objectif de convaincre définitivement nos confrères et consœurs de
l’utilité, pour notre profession, de se saisir de ces nouveaux outils. Aujourd’hui,
plus personne ne veut vire en périphérie, on recherche des choses que l’on ne
cherchait pas avant. J’insiste également sur le fait que l’engagement en faveur
du développement durable et de l’urbanisme qui lui est inhérent ne concerne pas
seulement ceux qui font de l’immobilier ! Ces questions nous intéressent
aussi en tant que citoyens, car nous avons conscience de l’urgence qui
prédomine pour notre génération et celles à venir.
Pour terminer, je crois aussi
que notre congrès s’insère dans une multiplicité d’actions, parfois soutenues
par d’autres acteurs, comme les architectes ou encore les géomètres. C’est tous
ensemble et en combinant nos efforts que nous pourrons atteindre ces résultats.
JSS : Compte tenu du renouvellement
du gouvernement, les nouvelles orientations impacteront-elles les mesures que
vous proposez ?
M-H. P. : Quel
que soit le gouvernement en place et quelle que soit sa tendance politique, on
ne peut pas mettre de côté les priorités réclamées par la population, ni les
urgences des territoires. La question de l’environnement appartient à tous et
pas à un parti en particulier : il y a longtemps que ce domaine a dépassé
le débat politique ! Il s’agit avant tout d’un débat citoyen, à l’image de
l’objet de la Convention citoyenne pour le climat mise en place après le
mouvement Gilets Jaunes, dont les politiques doivent absolument se servir.
Propos recueillis par Laurène Secondé
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