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Alors que l’ensemble des
prisons françaises sont exposées aux risques climatiques et environnementaux,
et principalement au risque caniculaire, l’association Notre Affaire à Tous préconise
notamment d’améliorer le système d’alerte du plan canicule pour une application
efficace des dispositifs de protection contre la chaleur dans ces
établissements.
Si « la crise
climatique est un incubateur d’inégalités », dans les lieux de
privation de liberté, c’est la « double peine ». C’est ce que
pointe l’association qui défend une vision du droit en faveur de la justice Notre
Affaire à Tous, dans un rapport publié en juin portant sur les risques
climatiques et environnementaux dans les prisons françaises.
Au-delà des conditions indignes
de détention dénoncées à de multiples reprises par les professionnels du droit
et l’Observatoire international des Prisons (OIP) notamment, le réchauffement
climatique et ses risques pourraient bien rendre ces conditions encore plus
difficiles, aussi bien pour les personnes détenues que pour le personnel
pénitentiaire.
En effet, d’après le rapport,
aucune des 188 prisons de l’Hexagone ne semble échapper aux risques climatiques
et environnementaux. 15 établissements cumulent même les huit facteurs
aggravants étudiés à l’occasion de ce rapport, parmi lesquels la vétusté des
bâtiments, les problèmes d’accès à l’électricité ou encore la surpopulation
chronique.
Et la création de nouvelles
prisons ne devrait pas endiguer le phénomène, estime le groupe de travail, dans
la mesure où ces nouveaux et futurs établissements, dont la construction est prévue
plus loin des villes et sur des parcelles naturelles et fertiles, à l’instar de
la celle de Noiseau dans le Val-de-Marne, seront
elles aussi exposées à ces risques. D’autant que « cet isolement pose
question en cas de besoin d’évacuation », avec « un impact
tant sur la sécurité des personnes que sur les conditions de travail du
personnel pénitentiaire et sur l’exercice de leurs droits par les prisonniers
[et prisonnières] ».
100 % des prisons
concernées par les risques caniculaires
Au titre des risques
climatiques, les vagues de chaleur et canicules constituent les principaux
risques et concernent 100 % des prisons françaises et ses quelque 76 000
personnes détenues, révèle le rapport, avec des risques moyens à forts. Les
« études scientifiques sont formelles : même dans le cas d’un
scénario optimiste, les périodes caniculaires vont augmenter sur l’ensemble du
globe, y compris en France hexagonale et ultramarine », à l’heure où
le pays enregistre déjà des records de température.
À Tarascon, un pic à 43°C a
par exemple été enregistré en 2019, et un autre à 40,1°C à Aix-en-Provence. Par
ailleurs, selon les projections Météo France, les températures moyennes
pourraient être de +7°C par rapport aux températures de référence en
Provence-Alpes-Côte-d’Azur. « Les établissements situés dans cette
région seront donc particulièrement concernés par des températures élevées et
des vagues de chaleur régulières et soutenues » alerte le rapport, et
ce, alors que les personnes détenues « étouffent » dans leur
cellule partagée et suroccupée.
Néanmoins, si tous les
établissements pénitentiaires sont concernés par le risque caniculaire, « ils
ne le sont pas tous au même degré », nuance le rapport. Le centre de
détention de Saint-Pierre-et-Miquelon, situé dans l’Atlantique Nord, à
proximité du Canada, serait par exemple touché dans une moindre mesure,
subissant peu de vagues de chaleur contrairement aux régions du sud, à l’image
d’autres établissements plus au nord.
Mais certains établissement
doivent également faire face à d’autres risques, à l’instar des risques
d’inondations, puisque les crues, qui peuvent parfois survenir très rapidement,
mettent en danger la vie des personnes détenues, estime le rapport. L’évacuation
peut alors s’avérer problématique en cas de crue très intense ou de feu de
forêt notamment, autre risque significatif pour 12 % des 188
établissements pénitentiaires.
Le droit à la santé des
personnes détenues n’est pas respecté
Des risques qui ne sont pas
sans conséquences sur la santé des personnes détenues et qui posent la question
du respect du droit à la santé. Comme le rappelle Notre Affaire à Tous, ces
personnes « sont davantage exposées aux risques que représente le
changement climatique par rapport au reste de la population », étant
« souvent soumis[es] à de mauvaises conditions, à la surpopulation, au
risque de pénurie de nourriture et d’eau et avec peu de moyens pour faire face
à des événements météorologiques de plus en plus extrêmes », pointait
en 2023 l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime.
« L’architecture
vétuste et inadaptée aux vagues de chaleur des prisons associée à la
surpopulation carcérale exposent les [personnes] détenues à des problèmes
sanitaires : ils “suffoquent”, confinés dans leur cellule de 9 m² 22h
sur 24 » est-il détaillé. Même chose lors des périodes de grand froid,
la vétusté des bâtiments - autre facteur aggravant des risques climatiques - ne
garantissant pas une isolation adéquate au confort et à des conditions de
détentions dignes.
Par ailleurs, en raison de la
localisation de certains établissements pénitentiaires, les personnes qui y
sont détenues sont également exposées à des risques environnementaux pouvant
avoir des conséquences sur leur santé dues à certaines activités. D’après le
rapport, 7 établissements sur 10 sont ainsi situés sur des sols potentiellement
pollués pouvant gravement affecter la santé de 47 937 personnes détenues ainsi
que du personnel pénitentiaire. Ces derniers peuvent alors développer certains
cancers voire le saturnisme, cette maladie d’intoxication par le plomb, selon
un rapport de Santé Publique France de 2019.
Le trafic aérien - et la
pollution qui en découle - est également un risque susceptible d’influer sur la
santé des personnes incarcérées, la pollution de l’air faisant des dizaines de
milliers de morts chaque année selon Santé France Publique. Ces pollutions sont
à même d’entrainer des problèmes respiratoires comme des crises d’asthme, des
otites, un vieillissement prématuré des yeux, une exacerbation de troubles
cardio-vasculaires, entre autres complications.
En France, 41 établissements
sont ainsi concernés par ces risques, soit près de 29 000 personnes
détenues. Côté pollution industrielle, 18 établissements sont plus exposés que
les autres, dont sept situés à proximité directe d’une usine classée SEVESO,
autrement dit des sites identifiés comme à risque « du fait de la
production, de l’utilisation ou du stockage de certaines substances
dangereuses ». Les risques d’explosion, d’incendies et d’émanations
toxiques notamment peuvent mettre en péril la vie de ces personnes.
Améliorer les connaissances
sur le lien entre changement climatique et droits fondamentaux des détenus
Avec comme principale
recommandation celle de revoir l’enfermement massif face aux conséquences du
changement climatique, puisqu’il n’est « ni compatible avec le respect
des droits humains, ni compatible avec la nécessaire adaptation de notre
société », le groupe de travail propose 17 pistes d’action pour
« répondre rapidement et spécifiquement aux enjeux climatiques et
environnementaux auxquels font face les prisons françaises ».
La toute première
préconisation consiste à identifier les établissements les plus vulnérables aux
risques climatiques et environnementaux, et ce afin de prioriser leur
fermeture, réfection ou aménagement.
À lire aussi : À quoi ressemble la première structure d’accompagnement
vers la sortie inaugurée par Éric Dupond-Moretti à Noisy-le-Grand ?
Le rapport recommande de
s’assurer de la prise en compte de tous les établissements pénitentiaires dans
les différents plans d’urgence ORSEC (Organisation de la Réponse de Sécurité
Civile) de gestion de crise afin de prévenir au mieux toute catastrophe « grave
et soudaine », et recommande d’éviter l’implantation de nouveaux
établissements en zone inondable notamment.
Est également pointée
l’importance d’améliorer l’état des connaissances sur le lien entre changement
climatique et droits fondamentaux des personnes détenues, et d’étudier comment
mieux protéger ces droits, mais aussi de prendre en compte les pathologies et
troubles physiologiques et psychiques associés aux changements climatiques.
La 11e
recommandation portant sur les actions à mettre en place pour adapter les
prisons aux impacts des canicules – principal risque – se décline en une
quinzaine de préconisations, parmi lesquelles adapter les bâtiments actuels à
l’enjeu climatique, améliorer le système d’alerte du plan canicule pour une
application efficace des dispositifs de protection contre la chaleur, garantir
l’accès aux douches, à l’eau potable et à un réfrigérateur en cas de canicule,
mais aussi adapter les horaires de promenades, les conditions d’accueil des
familles et les conditions de travail du personnel pénitentiaire (aménagement
des horaires, adaptation des tenues pour le personnel…).
Pour Notre Affaire à Tous, il
est urgent d’agir, à l’heure où « la Justice climatique ne peut pas
s’envisager sans Justice sociale ».
Allison
Vaslin
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