Les avocats conseillent les agriculteurs


lundi 11 avril 20225 min
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Le Conseil national des barreaux était présent au Salon de l’agriculture du 26 février au 6 mars derniers. Une permanence était tenue par des avocats, pour permettre aux agriculteurs de venir se faire conseiller sur les lois en vigueur et les procédures à suivre, notamment en cas de poursuites menées par l’administration. Nouveauté cette année : des mini-conférences étaient également organisées sur des sujets précis chaque jour.

 





Le Conseil national des barreaux tenait un stand au sein du pavillon 4 du parc des expositions Paris Expo - Porte de Versailles pour le Salon international de l’agriculture, entre le 26 février et le 6 mars derniers. L’occasion pour les agriculteurs, comme en 2020 pour la première implantation du CNB dans le salon, de venir prendre des conseils auprès des avocats présents.

Car beaucoup de questions peuvent se poser pour les directeurs d’exploitation, notamment au titre de la conjoncture internationale, comme les suites de la crise du covid. « Ces derniers temps, on a eu beaucoup de questions liées à la crise sanitaire, comme des ruptures de contrat, des livraisons pas livrées à temps, ou la fermeture prolongée de coopératives », a affirmé Thibaut Combe Laboissière, avocat au barreau de Paris, présent pour la première fois au stand du salon. « Il y a aussi une problématique de réglementation liée aux produits que l’on peut utiliser ou non dans le cadre de la protection de l’environnement. »

Durant cette permanence, beaucoup de questions spécifiques au métier d’agriculteur ont été posées, comme sur le choix entre plusieurs régimes fiscaux dérogatoires. Cela concerne le plus souvent la partie conseil, en amont d’une opération, pour permettre à l’entrepreneur d’optimiser fiscalement sa situation. « Il y a tout un travail de collecte d’informations et de pédagogie qui est extrêmement important, car le droit fiscal est complexe et il faut le rendre simple vis-à-vis de gens qui ont souvent très peu de temps pour se concentrer parce qu’ils sont pris par leur activité professionnelle, leur vie privée ou d’autres choses. Donc il faut pouvoir être percutant et donner les bonnes informations », a indiqué l’avocat spécialiste en droit fiscal Frédéric Dal Vecchio.

 


 

Des préoccupations similaires aux autres professions

D’autres questions plus intemporelles et universelles ont également été posées aux avocats présents. « Il y a beaucoup de questions sur la création et la transmission des exploitations, soit à des personnes tierces, soit à des personnes de la même famille », a ainsi rapporté Frédéric Dal Vecchio. Cette dernière question revient également souvent chez les autres professions, selon l’avocat : « On retrouve cela dans toute l’économie française, dans l’industrie ou les PME, avec les expatriés qui veulent transmettre leurs biens à leurs descendants. La question de la transmission est vraiment une préoccupation bien française. » « C’est un enjeu important aujourd’hui et il faut être bien conseillé », a abondé Thibaut Combe Laboissière. Autre type de demande qui revient régulièrement : les conseils face à un contrôle fiscal.

L’avocat Frédéric Dal Vecchio a par ailleurs remarqué une augmentation de la culture pénale chez les Français. « Dans toute la population française et notamment chez les agriculteurs, il y a une montée en puissance des connaissances, grâce vraisemblablement à Internet qui permet aux personnes de s’interroger, se poser des questions et trouver des premiers des éléments de réponse. » Mais les professionnels du droit restent bien utiles pour valider les choix des agriculteurs en prenant le temps de vérifier chaque dossier et valider les éléments un par un : « il faut être sûr que l’on ait un dossier qui soit le plus complet et le plus défendable possible en vue d’un futur contrôle. Toutes les opérations où on a des régimes fiscaux dérogatoires sont susceptibles d’être soumises à la critique de l’administration. Avocat, en particulier en droit fiscal, c’est un travail d’anticipation. Plus on est en amont, plus on sécurise les opérations, et mieux ça se passe. »

 


 

Le droit pénal en agriculture

Cette permanence a également permis l'organisation de conférences tout le temps du salon. Celle du mardi 1er mars, animée par les avocats Nathalie Tourette et Matthieu Chirez, mettait la lumière sur la différence de traitement pénal dans les décisions rendues par des tribunaux correctionnels entre deux agriculteurs dans une situation pourtant similaire. « Face à cette inégalité de traitement, il faut essayer d’apporter des solutions », a expliqué Matthieu Chirez. Face à un contrôle de l’administration, plusieurs problèmes peuvent survenir. « On peut comprendre la finalité de ces contrôles, mais les agriculteurs peuvent se retrouver un peu seuls dans ces situations, qui peuvent aboutir à des sanctions de plus en plus importantes, notamment en cas de récidive », a souligné Nathalie Tourette. L’une des causes de cette forte répression : « le consommateur veut s’assurer d’avoir un produit sain », ce qui aboutit à une réglementation de plus en plus complexe.

 





 



La composition pénale pour assurer une continuité économique

L’avocate a souhaité donner à la dizaine d’agriculteurs présents à cette mini-conférence des alternatives aux condamnations et aux poursuites. « Il y a possibilité de transiger avec l’administration avant que des sanctions soient engagées par le procureur de la République. » Et même si le procureur a déjà été saisi, il est tout à fait possible d’essayer de négocier avec lui d’après les avocats. « Ce type de négociation va se développer de plus en plus », a assuré Nathalie Tourette. C’est même encouragé par le ministère de la Justice. Via une circulaire de 2020, le garde des Sceaux propose aux procureurs de chaque juridiction de privilégier la procédure alternative nommée composition pénale, qui aura l’avantage d’assurer la continuité économique de l’entreprise. « Jusqu’en 2019, un agriculteur pris dans une procédure pénale était jugé devant un tribunal correctionnel et encourait une interdiction d’exercer. Maintenant, on demande au procureur d’être reçu et on s’inscrit dans une négociation. » Une procédure gagnant-gagnant, a estimé Matthieu Chirez : « D’un côté, cela permet à la Justice d’augmenter ses résultats, de l’autre, cela a le mérite d’éviter au justiciable toute sorte de mauvaise publicité ». Mais il faut posséder une culture du droit pour pouvoir négocier avec les autorités de poursuite, et ainsi aboutir à une solution pragmatique. « Souvent, c’est par négligence qu’il y a possibilité de se retrouver devant un tribunal. Il ne faut pas avoir peur de reconnaître au moins une partie de l’infraction, une part d’erreur. Ce sont des procédures négociées, il faut que chacun fasse un pas vers l’autre. »

 

Alexis Duvauchelle

 

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