Article précédent

Présent lors du Salon de l’Agriculture le 1er mars dernier, Florent Guhl, directeur de l’Agence Bio, a dévoilé les résultats d’un baromètre consacré à la consommation et à la perception du bio en France. Si l’année 2018 a compté 17 % de nouveaux consommateurs, quelques freins importants demeurent, au premier rang desquels un prix parfois dissuasif.
Le bio fait-il toujours autant d’émules ? À l’occasion du Salon de l’Agriculture, Florent Guhl, directeur de l’Agence Française pour la promotion de l’agriculture biologique (Agence Bio), a présenté les résultats d’un grand sondage réalisé auprès de 2 000 Français, d’octobre à novembre 2018, sur la consommation et la perception du bio. But de ce baromètre : « aider et orienter les professionnels du secteur, les pouvoirs publics, les citoyens, dans le développement des filières, pour une meilleure adéquation entre l’offre et la demande », précise l’étude.
Premier constat : « Le marché des produits biologiques progresse, avec des habitudes et des modes de consommation qui tendent à changer radicalement », observe le baromètre. Si la part de consommateurs de produits alimentaires biologiques semble avoir atteint un « seuil de maturité » – « ce n’est pas le cas en dehors de l’alimentaire, probablement plus actif en matières d’innovations. Les achats bio autres qu’alimentaires (entretien ménager, cosmétiques et hygiène, produits de jardinage, et le textile) sont en forte progression, mettant en avant l’intérêt croissant des Français pour une consommation responsable et engagée, plus globale. Parmi ces produits, les cosmétiques et l’hygiène bio sont les achats en plus forte progression (57 % en 2018 vs 45 % en 2017) ».
De façon générale, le bio a toujours la cote, notamment en Île-de-France, en PACA et en Bretagne, régions où la fréquence moyenne de consommation est la plus élevée. Globalement, en 2018, plus de 9 Français sur 10 déclarent avoir consommé des produits biologiques, et 71 % en consomment régulièrement (au moins une fois par mois). C’est un tout petit peu moins qu’en 2017 et 2016, mais bien davantage qu’il y a cinq ans (49 %), et presque deux fois plus qu’il y a 15 ans ! Fait prégnant : 2018 a vu apparaître 17 % de « nouveaux consommateurs », une « progression significative », parmi lesquels les 18-24 ans sont largement représentés, a indiqué Florent Guhl.
69 % consomment bio pour leur santé
Les raisons de cet engouement ? Si dans de
nombreux pays, la qualité des produits est citée comme raison première à la
consommation de produits bio, a commenté Florent Guhl, en France, pour
l’écrasante majorité des consommateurs (69 %), c’est la préservation de la
santé qui entre en ligne de compte en premier. « Plus on prend de
l’âge, plus on s’en préoccupe », a affirmé le directeur de l’Agence
Bio. Le goût et la qualité des produits restent toutefois un critère important
pour un grand nombre de Français. Moins important chez les plus jeunes, cela
dit, « plus préoccupés et plus sensibles aux raisons éthiques et/ou
sociales, et au respect du bien-être animal »,
a souligné Florent Guhl. L’étude précise quant à elle que les 18-24 ans
sont en effet « davantage sensibilisés à la consommation responsable et
plus largement à l’environnement durable et l’écologie, qui impactent
inévitablement leurs habitudes d’achat ».
Cette consommation du bio s’inscrit dans une tendance plus générale, puisque plus de la moitié des Français interrogés disent avoir changé de comportement alimentaire et culinaire récemment, notamment pour réduire ou éviter le gaspillage alimentaire, consommer plus de produits frais, favoriser les produits locaux et les circuits courts, cuisiner davantage ou encore éviter les plats préparés.
Mais si plus de 80 % des Français achètent principalement en grande et moyenne surface leurs produits bio, ils affichent un souhait largement partagé : en trouver davantage chez les artisans et commerçants, et plus particulièrement les boulangers, les primeurs et les bouchers. « Cela les inciterait en tout cas, selon eux, à consommer davantage bio », a assuré Florent Guhl.
Des produits « totalement bio » ?
Quels sont, à l’inverse, les freins à la consommation ? Il est intéressant de relever que 62 % des Français avouent avoir un « doute » sur le fait que les produits proposés soient « totalement bio ». Est également déploré, en lien avec le chiffre précédent, le manque d’informations fournies quant aux produits en question, ce qui explique la note « très moyenne », selon Florent Guhl, de 6,2/10 en la matière, indiquant une « confiance mitigée des Français ». En effet, ces derniers déclarent ne pas avoir assez d’informations sur l’origine du produit, sur la réglementation en agriculture biologique, mais aussi sur le contrôle de ces produits.
Le directeur de l’Agence Bio a reconnu comprendre ces préoccupations, mais a assuré qu’il n’y avait « pas de bio à deux vitesses » : « En France, il existe quatre réseaux majeurs : la grande distribution, les magasins bio, la vente directe et la restauration à domicile. Pour ces quatre réseaux, il y a exactement le même contrôle, la même exigence de résultat. »
Sur le contrôle, Florent Guhl a également tenu à rassurer quant aux produits d’importation. « Il y a un contrôle sur place, un contrôle à l’importation. Certes, elles auront peut-être moins de goût que les tomates de saison, mais les tomates d’Espagne ou du Maroc que vous trouvez au mois février ont toutes subi des contrôles rigoureux, et ça, c’est certain ! »
Quant aux autres démarches « qui ressemblent au bio », telles que le zéro pesticides, Florent Guhl s’est prononcé en leur faveur : « Le principal risque est que cela peut créer la confusion. Mais là aussi, des contrôles sont effectués. Si les promesses ne sont pas tenues, il y a alors inévitablement des sanctions. Et si elles le sont, cela est forcément dans le bon sens, à la fois pour les consommateurs et les producteurs ! »
Le prix, obstacle n° 1
Outre les « doutes » qui peuvent freiner les Français dans leur consommation, l’obstacle n°1 reste le prix du bio, pour 84 % d’entre eux. Il existe d’ailleurs, de façon générale, une progression significative du nombre de Français ne trouvant pas normal qu’un produit bio puisse coûter plus cher, a fait remarquer Florent Guhl – mis à part pour les plus jeunes et les plus aisés. D’ailleurs, après plusieurs années d’augmentation du budget consacré aux produits alimentaires biologiques, la majorité des acheteurs de bio déclare n’avoir pas modifié ce budget en 2018, note l’étude.
Le directeur de l’Agence Bio l’a précisé : si les prix sont plus élevés, c’est que le bio coûte plus cher à produire. « Les rendements sont plus faibles, il faut davantage de main d’œuvre et de mécanisation. Comme on se passe de produits chimiques de synthèse, il faut compenser avec du travail manuel et un passage plus régulier de machines pour le désherbage. » Par ailleurs, Florent Guhl a estimé que s’il y avait davantage de concurrence sur les prix, « à la fin, le dindon de la farce, ce serait l’agriculteur ».
Comment rendre alors les produits bio moins chers ? En limitant le plus possible le nombre d’intermédiaires. En essayant de privilégier les circuits courts, les relations directes avec les producteurs, ce qui « se développe de nouveau, par le biais d’internet », a indiqué Florent Guhl.
Autre solution : mieux valoriser tout ce que fait l’agriculteur en bio. « Quand un agriculteur passe en bio, par exemple en culture, il est amené à fabriquer plus de rotations longues, c’est-à-dire à produire au même endroit des produits différents », a expliqué le directeur de l’Agence Bio. Ainsi, en Camargue, lorsqu’un agriculteur se met au bio, au lieu de produire du riz quatre ou cinq années sur cinq, il n’en produit qu’une seule année. Les autres années, il doit réaliser d’autres cultures qui vont redonner de l’azote au sol et lutter contre la progression des mauvaises herbes – par exemple en cultivant de la luzerne ou du blé dur. « Si vous n’avez pas les moyens de vendre ces produits à des “prix bio”, votre riz va coûter très cher, car vous allez être obligé de répartir sur cinq ans », a précisé Florent Guhl. Et c’est la même chose pour la viande, a-t-il ajouté. « Les Français aiment bien la charcuterie en bio. Mais si, à côté, l’éleveur ne sait pas vendre ses côtes de porc à “prix bio”, il va se retrouver à vendre une partie de ses animaux en “non bio”. » C’est donc pour cette raison que le bio peut être très cher.
Ne pourrait-on pas malgré tout penser que puisque le bio se démocratise, il sera moins cher demain ? « Sûrement, mais il y a là un paradoxe », a confié Florent Guhl. « Beaucoup d’acteurs et de consommateurs ont envie que cette consommation, que cette production se développent. Mais ce qu’il y a avec l’agriculture vertueuse, c’est que, comme certaines choses vertueuses, on peut avoir peur que cela se développe trop et perde de sa valeur. Ne dit-on pas “Small is beautiful” ? L’agriculture bio a encore un petit côté marginal. Si elle prend plus d’ampleur, ne deviendra-t-elle pas moins bien ? »
Bérengère Margaritelli
THÉMATIQUES ASSOCIÉES
Infos locales, analyses et enquêtes : restez informé(e) sans limite.
Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.
0 Commentaire
Laisser un commentaire
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *