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Alors
que l’immobilier connait une baisse d’activité due à l’inflation et à la hausse
des taux d’intérêt sur les emprunts, les notaires vont justement tenir leur 119e
congrès sur le logement, du 27 au 29 septembre prochains à Deauville. À
l’invitation de Sophie Sabot-Barcet, présidente du Conseil supérieur du
notariat, le président du congrès, Yves Delécraz, et son rapporteur général,
Éric Cevaer, ont dévoilé la semaine dernière quelques-unes des propositions des trois commissions
qui étudient encore le sujet jusqu’à la rentrée.
Sophie Sabot-Barcet note que
la faiblesse de l’activité immobilière provient de quatre phénomènes : la
fin de l’euphorie post covid, l'arrêt quasi total de la construction neuve, la hausse
des taux d'intérêt et la difficulté d'accès au crédit, ainsi que les exigences
de rénovation énergétique qui découragent. Par ailleurs, les conclusions du Conseil
national de la refondation ne comportent pas de mesure choc. Dans ce contexte, il
est opportun que le 119e congrès des notaires de France amène justement
la profession à formuler des propositions législatives ou réglementaires visant
à améliorer la politique du logement mais aussi à faciliter le parcours
immobilier de nos concitoyens.
Yves Delécraz, président du
congrès, indique qu’il appartient aux pouvoirs publics de trouver une réponse
aux doléances de la filière mise à mal par la conjoncture, et de l’aider à
passer le cap. L’équipe du congrès mène pour sa part depuis maintenant un an et
demi ses réflexions sur le fonctionnement du système immobilier en France. Le
but de ce travail est de modifier l'arsenal juridique en vigueur pour faire
progresser le logement en suivant sa chronologie : construction,
acquisition/location, transmission. Suivant cette logique, le programme de
Deauville se divise en trois commissions : « développer l’offre de
logement », « favoriser l’accès au logement » et « pérenniser
son logement ». Parmi les propositions en cours d’élaboration, cinq
ont été choisies par les notaires pour être dévoilées avant le mois de
septembre.
Développer
l’offre de logement
Les deux premières
propositions viennent de la commission 1, « développer l’offre de logement ».
L’une est relative au permis de construire. En effet, dans la création d’une
construction, la délivrance de cette autorisation par l'administration est
déterminante. En bout de chaîne, le maire donne son aval. Il en a la légitimité
démocratique et maîtrise les caractéristiques locales de sa commune. Mais la
difficulté pour le demandeur réside dans le délai de la réponse.
En conséquence, dans une
recherche d’efficacité, la proposition se fixe pour but d’accélérer le processus
et de limiter les contestations. Comment ? En réalité, un chantier de construction
ne bénéficie pas du « respect » qui devrait lui revenir si l’on considère
le logement comme une priorité nationale. Or, en pratique, dès qu’une affiche
de travaux est placardée, les riverains s’inquiètent d’avoir à court terme un
bâtiment de plusieurs étages voisin, préférant que le terrain reste vierge.
Il faudrait donc, selon les
notaires, revoir la communication en amont. Si un projet de construire est
mieux expliqué, mieux compris, alors, au jour de la délivrance de son
autorisation, il est également mieux accepté. L’amélioration du processus de
concertation entre habitants, associations et administrations neutralise les
contestations futures potentielles et le temps à leur consacrer. Par ailleurs,
dans le cadre de l'instruction d'un permis, une multitude d'intervenants sont
interrogés. Si le maire pouvait en réunir l'ensemble dans un délai déterminé, la
décision arriverait également plus vite.
L’autre proposition traite du
cahier des charges de lotissement. Dans un lotissement, des documents internes
organisent la vie collective des habitants, et parmi eux, le cahier des
charges. Il prévoit des règles privées équivalentes à celles d’un règlement de
copropriété. Ce document contractuel validé au départ reste intangible, sauf
modification voulue par l’unanimité des membres du lotissement. Or souvent, les
cahiers des charges anciens contiennent des dispositions contraignantes en
matière de constructibilité. Ils s’opposent généralement à la construction d’un
immeuble d'habitation. Cela constitue aujourd'hui un véritable blocage qui n'a
plus de justification. Ce problème récurrent identifié depuis longtemps n’a pas
trouvé de solution pour l’heure.
L’idée de la première
commission est de permettre au maire de mettre en concordance le cahier des
charges avec la réglementation d'urbanisme. Cette procédure peu utilisée existe
déjà, mais il faut la développer et l’encadrer, notamment pour la construction de
bâtiments participant à une mission d'intérêt public.
Favoriser
l’accès au logement
Les deux propositions
suivantes viennent de la commission 2, « favoriser l’accès au logement ».
Actuellement, un peu plus de la moitié des Français sont propriétaires de leur
logement. Pour un locataire, le parcours résidentiel commence parfois par le
parc social, mais l'objectif partagé par tous est de pouvoir devenir un jour propriétaire
de son habitation. Il convient, pour la commission, de l’accompagner, afin de lui
permettre d’atteindre ce but et de fluidifier ce cheminement pour tout le monde.
À lire aussi : Les Notaires de France
publient leur rapport annuel
Le système fonctionne
mal : plus de deux millions de familles attendent un logement social ;
en zone tendue, les loyers sont trop chers et les particuliers ne peuvent pas
acheter ; et enfin, le parc du segment intermédiaire, celui qui serait
abordable, est insuffisant. Pour accroitre l’offre de locations sur ce segment,
la commission souhaite rendre l'investissement immobilier attractif et
simplifier la gestion associée à un bien.
Jusqu’à présent, les Français
évitent ce placement non rentable car surtaxé (revenu, capital, transmission). Pour
simplifier, les notaires proposent de mettre en place un système uniforme qui
traite le propriétaire bailleur qui le souhaite comme un entrepreneur. C’est-à-dire
que l’investisseur immobilier choisit d’opter pour un statut, celui de
particulier ou de professionnel, et pour la fiscalité associée, qu’il s’agisse
de location nue ou meublée.
La réflexion suivante veut faciliter
l'accès à la propriété dans le segment du logement intermédiaire. Sont
concernés les foyers avec des revenus qui leur interdisent d'accéder au
logement social, et qui ne disposent pas du budget élevé permettant d’acheter
en zone tendue. La deuxième commission envisage de s’appuyer sur les sociétés
d'HLM.
Lorsqu’un gestionnaire de
parc social propose à ses locataires de leur vendre les appartements qu'ils
occupent, le prix de la cession est décoté en-dessous du marché de 15 à 30 %,
parfois plus. Ce dispositif offre la possibilité à l'acquéreur, qui sans cela n'a
pas les moyens d'acheter là où il est locataire, de devenir propriétaire de son
logement. Ce type de vente est assorti d’une clause anti-spéculative limitée
dans le temps. Elle empêche habituellement pendant 5 ans l’acquéreur de
revendre plus cher qu’il n’a acheté, sauf à reverser la plus-value à
l'opérateur social qui lui a cédé. Pour profiter de la plus-value, le propriétaire
attendra donc la fin du délai de prescription et revendra au prix du marché. Cependant,
est-il légitime que l’effort public initial, destiné au logement social,
s’éteigne, capté par un particulier ?
Pour l’éviter, le logement doit
être maintenu dans le segment intermédiaire bas. La commission 2 préconise donc
d'imposer lors des reventes successives la même décote que celle dont le
propriétaire de départ a profité.
Pérenniser
son logement
La commission 3 « pérenniser
son logement » divulgue également deux de ses idées en cours de
maturation à propos de la conservation et de la transmission du logement. S’agissant
de la conservation, elle est soumise aux aléas contemporains perturbant le
bâtis (rénovation énergétique, télétravail…) et la vie de ses occupants
(éclatement de la cellule familiale, dépendance…).
La commission 3 appelle à élargir
à la famille la vente en viager et le prêt viager hypothécaire dont les demandes
augmentent. Or, l'article 918 du Code civil crée un blocage inopportun. Pour un
viager, avant de chercher un acheteur externe, peut-être qu’un des membres du
cercle familial, en particulier un enfant, est intéressé. Aujourd'hui, la vente
n’est pas réalisable, sauf accord unanime de tous les enfants. Et le Code civil
estime que vendre en viager à un de ses enfants revient à lui faire une
donation sans percevoir de rente.
Cette interprétation de
détournement du viager est décalée de la réalité familiale et économique,
considère la commission, qui estime nécessaire de supprimer l’article 918 et de
mettre à contribution l'aide familiale quand l'aide nationale fait défaut. Le
prêt viager hypothécaire, qui n’a pas rencontré de succès, mériterait également
selon elle d’être remis à l'ordre du jour et élargi au sein des familles.
Par ailleurs, à court terme,
les passoires thermiques quitteront le marché de la location. Mais la
rénovation énergétique représente un chantier global au coût élevé. Dans une copropriété
qui ne se résout pas à le lancer pour des raisons budgétaires, la passoire
thermique perdure.
La commission appelle donc à « libérer »
la rénovation dans les copropriétés. Des dispositifs tels que le contrat de
performance énergétique (CPE) existent mais ne sont pas assez déployés au goût
des notaires. Le CPE a une application limitée essentiellement aux
collectivités publiques et aux gros opérateurs. Pourquoi ne pas étendre ce
schéma juridique à une copropriété ou à un groupe de copropriété ? Pour être efficace,
la rénovation énergétique doit être massive. Aussi, peut-être pourrait-elle
être envisagée à l’échelle d'un ilot plutôt que d'un immeuble isolé.
La question majeure de la
rénovation énergétique est complexe. Elle concerne l’ensemble des trois
commissions. Le 119e congrès de notaires de France entend formuler
une proposition collective sur ce sujet.
Cyrille de Montis
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