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En France, d’ici 2070, grâce à la hausse de l’espérance de vie, le
nombre de personnes âgées de 75?ans ou plus augmentera de 5,7 millions (vie-publique.fr).
Face au vieillissement de la population, le rôle des aidants non professionnels
est essentiel… mais aussi essentiellement féminin. Un rôle prenant qui affecte
inévitablement la vie professionnelle de ces femmes. Face à cette inégalité, le
Laboratoire de l’Égalité s’empare de la question, et formule une série de
propositions – notamment à destination des entreprises –, pour faciliter le
parcours des aidantes.
Alors
que la France connaît un vieillissement de sa population, l’accompagnement de
nos aînés est devenu un enjeu sociétal majeur, d’autant que de plus en plus de
personnes âgées souhaitent vieillir chez elles. Dans ce contexte, le rôle des
aidants non professionnels – également appelés proches aidants – est
primordial. Ces personnes accompagnent un ou des proches en situation de
dépendance, que ce soit à cause de leur âge, d’une maladie ou d’un handicap. En
France, ces aidants sont 11,5 millions, et ce chiffre ne va cesser de croître –
la crise sanitaire l’a bien montré. En 2030, un quart de la population
française sera aidante non professionnelle.
Or, les aidants sont
surtout des aidantes – à 57 % – et plus l’aide fournie est importante, plus
l’on retrouve des femmes. Près de 20 %
des aidantes interviennent auprès de leur proche plus de 21h par semaine
(contre 11 %
des aidants de la même tranche d’âge), et cette aide s’étend souvent sur le
temps long. Cette activité non rémunérée vient s’ajouter aux charges
domestiques et familiales encore supportées aujourd’hui en large majorité par
les femmes, et a des conséquences sur leur santé, leur vie professionnelle, et
ensuite leur retraite. Il s’agit donc d’un véritable investissement qui, malgré
son utilité sociale, n’est pas reconnu par la communauté. En cause, notamment,
des stéréotypes sexistes considérant qu’il est « naturel » et « normal » pour les femmes de prendre soin des
autres, gratuitement.
Le
Laboratoire de l’Égalité – association œuvrant pour l’égalité entre les femmes
et les hommes dans le monde professionnel – s’est donc saisi de cet enjeu de
société. Pour l’association, les objectifs sont clairs : rendre visibles ces inégalités de genre et les difficultés
vécues par les aidantes, mais aussi proposer des solutions d’accompagnement, de
répit et de financement.
Le Laboratoire de l’Égalité a initié sa réflexion sur le
sujet au début de la crise sanitaire en auditionnant un groupe
multidisciplinaire d’experts. La conclusion était claire : être aidant a des effets plus défavorables
pour les femmes que pour les hommes. Le 6 octobre 2020, à l’occasion de la
Journée nationale des aidants, le Laboratoire de l’Égalité a ainsi publié un « Le Saviez-vous ? »
sur les
aidants en partenariat avec Audencia Business School, afin de donner
des chiffres clés. Par exemple, parmi les personnes déclarant que leur rôle
d’aidant a eu un impact sur leur vie professionnelle, 65 % sont des femmes. L’association s’est
alors donnée comme mission de faire appréhender les problématiques de l’aidance
au travers du prisme du genre. Les recherches et mesures pour reconnaître et
améliorer la situation des proches aidants doivent se pencher sur les enjeux
d’égalité entre les femmes et les hommes. Pour faire émerger cette vision, le
Laboratoire de l’Égalité a organisé, en juin 2021, un colloque intitulé « Comment
mieux s’engager auprès des 6 millions d’aidantes en France ».
Divisé en trois tables rondes chacune animée par un des membres du groupe sur
les aidantes du Laboratoire de l’Égalité – Fabienne Arrighi-Bensoussan, Nils
Poussielgues et Leonora Razakandrainy – ce colloque donnait la parole à toutes
les parties prenantes. Des aidantes qui témoignaient, mais aussi des personnes
du monde de la recherche, de l’entreprise, de la politique, des médias, des
associations. Plus récemment, le groupe de travail du Laboratoire de l’Égalité est intervenu lors d’un
colloque organisé par la CFDT, « Aidons
les aidants ». Fabienne Arrighi-Bensoussan, Véronique Clouet,
Mathilde Haulon et Élisa Joly du Laboratoire de l’Égalité ont pu mettre en
avant, lors de leurs prises de parole, les inégalités de genre dans l’aide à la
personne, qui ne sont presque jamais abordées. Or, ces inégalités sont bien
réelles, et elles se retrouvent notamment dans l’impact sur la vie
professionnelle ou sur la santé.
Le rôle de l’entreprise
Si
65 % des aidantes déclarent que leur rôle a des implications importantes sur
leur vie professionnelle, quelles solutions pour mieux les accompagner ?
Selon
Véronique Clouet, conseillère du travail et membre du groupe des aidantes, les
premiers outils à disposition des services RH des entreprises sont
l’information et la communication en interne pour permettre aux salariés de
savoir s’identifier eux-mêmes comme proches aidants. En pratique, l’entreprise
peut relayer les campagnes organisées lors de la Journée nationale des aidants
le 6 octobre de chaque année. À cette
occasion, le ministère des Solidarités et de la Santé ainsi que la Caisse
Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) publient des informations pour
guider les proches aidants dans leurs démarches. Selon ses moyens, l’employeur
peut également créer une rubrique intranet ou un guide interne informant les
collaborateurs et les collaboratrices sur les congés légaux tels que le congé
de proche aidant, le congé de solidarité familiale et le congé de présence
parentale et référençant les principales structures et associations existantes.
En
outre, l’entreprise peut informer sur l’action sociale des caisses de retraite
complémentaire qui proposent des dispositifs individuels pour les aidants
telles que des aides matérielles ponctuelles avec ou sans conditions de
ressources, ou des aides collectives telles que les solutions de répit et des
comparateurs d’établissements et de services. Des actions de communication plus
poussées peuvent consister en l’organisation d’un forum annuel au sein de
l’entreprise ou même l’adhésion à une plateforme payante spécialisée dans
l’accompagnement des aidants familiaux. La constitution d’un groupe de parole
permet également de lutter contre l’isolement des aidants. Enfin, l’orientation
vers les services de santé au travail – médecins et assistants sociaux du
travail – témoigne de la volonté de
l’entreprise de soutenir et d’accompagner les aidants.
Fabienne
Arrighi-Bensoussan, avocate spécialiste en droit social et membre du groupe des
aidantes, relève également que le dialogue social, et en son sein l’accord
collectif, se révèle particulièrement utile pour appréhender la question du
collaborateur proche aidant. Il permet de définir les modalités d’organisation
interne appropriées aux besoins et particularités de l’entreprise, quelle que
soit sa taille. La réforme de la négociation collective issue des ordonnances
du 22 septembre 2017, communément appelées ordonnances Macron, a développé
l’activité conventionnelle dans les entreprises de moins de 50 salariés. En
2018, 13 200 accords
collectifs ont été déposés par des entreprises de moins de 21 salariés. Ainsi,
dès lors que le sujet des proches aidants est une préoccupation sociale de
l’entreprise, l’accord collectif se révèle être un outil approprié d’autant
plus efficace que ces modalités de négociation sont depuis la réforme de 2017 adaptées
à la taille de l’entreprise. Cet accord collectif peut adresser exclusivement
la question des proches aidants non professionnels, ce qui est souvent le cas
pour la mise en place de dons de jours entre salariés, comme il peut aussi
l’appréhender plus largement dans le cadre de la négociation sur la qualité de
vie au travail (QVT) ou à l’occasion d’une négociation sur le télétravail,
l’aménagement du temps de travail ou la prévoyance. En pratique, la prévoyance
s’avère être une bonne porte d’entrée pour aborder la question des proches
aidants non professionnels dans l’entreprise. En outre, compte tenu de la
prépondérance des femmes parmi les salariés proches aidants, ce sujet peut
ainsi être abordé à l’occasion de la négociation annuelle obligatoire sur
l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Les entreprises
peuvent également tenir compte du statut d’aidants non professionnels dans
l’index égalité professionnelle. En tout état de cause, il est indispensable de
former, et notamment le management intermédiaire, sur le respect des principes
d’égalité et de non-discrimination des aidants non professionnels. Encore méconnue,
la question des collaborateurs et collaboratrices proches aidants concerne pourtant toutes les entreprises. Appréhender
cette question dans le cadre du dialogue social permet de lutter contre
l’absentéisme et participe à la politique RSE de l’entreprise.
Les conséquences de l’aide sur la
santé, notamment chez les jeunes
Les jeunes font également partie des 11,5 millions
d’aidants non professionnels en France. Un jeune aidant est une personne âgée
de moins de 25 ans aidant un proche en perte d’autonomie. La reconnaissance de
l’accompagnement spécifique des jeunes aidants ainsi que la prise en compte des
répercussions de l’aide sur leurs trajectoires de vie est essentielle.
L’engagement du laboratoire de l’égalité pour les aidants s’inscrit plus largement dans le
cadre de ses trois missions qui sont de rassembler les acteurs et actrices de
l’égalité professionnelle, d’interpeller les pouvoirs publics et privés avec
des propositions concrètes, et de sensibiliser l’opinion publique. Pour
répondre à ces différents objectifs dans son travail sur les aidantes non
professionnelles, l’association a organisé et participé à différents événements
sur le sujet, et a publié du contenu. En 2022 est sorti le Pacte du Laboratoire
de l’Égalité
pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui compte plus
de 300 mesures et est divisé en trois grandes parties : l’autonomie
économique des femmes, le partage d’une culture commune de l’égalité, et le
rôle des politiques publiques pour faire avancer l’égalité. L’association y a
inscrit différentes propositions sur les aidantes non professionnelles.
Maintenant, le groupe de travail a pour objectif de rédiger un guide à
destination des entreprises, afin de les aider à mieux prendre en compte la
situation des aidants salariés.
Le
Laboratoire de l’Égalité reste par
ailleurs dans l’attente d’un nouveau projet de loi sur la dépendance.
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