Télétravail : quand une recommandation n’est pas une obligation


mardi 1 mars 20224 min
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Le télétravail est-il obligatoire ? Cette question revient périodiquement et, pour ainsi dire, à chaque vague de contamination, au regard des communications gouvernementales diverses et variées.

Régulièrement, et notamment depuis janvier 2021, les mots "obligatoire" et "télétravail" se sont trouvés accolés alors que le télétravail a pu être vivement recommandé sans qu’il n’ait jamais été légalement obligatoire.

Pour mémoire, il n’existe à ce jour aucune norme juridique rendant le télétravail obligatoire.

En effet, même l’article L. 1222-11 du Code du travail qui a permis aux employeurs d’imposer le télétravail durant les confinements successifs n’impose pas à un employeur, en cas de pandémie, une obligation de mettre en place le télétravail.

Certes, le ministère du Travail a mis à jour le protocole sanitaire successivement les 3 et 25 janvier 2022 en rappelant que "Dans les circonstances actuelles de circulation élevée du virus et de l’apparition du variant Omicron, les employeurs fixent à compter du 3 janvier et pour une durée de trois semaines, un nombre minimal de trois jours de télétravail par semaine, pour les postes qui le permettent. Lorsque l’organisation du travail et la situation des salariés le permettent, ce nombre peut être porté à quatre jours par semaine ".

Pour autant, le télétravail n’est toujours pas devenu obligatoire.

Pour mémoire, le Conseil d’État a rappelé en décembre 2020 le caractère non obligatoire de ce protocole.

Les partenaires sociaux nationaux ont conclu le 26 novembre 2020 un Accord national interprofessionnel (ANI) "pour une mise en œuvre réussie du télétravail "qui, pour lessentiel de ses dispositions, renvoie aux partenaires sociaux dans lentreprise le soin de définir les conditions dexercice du télétravail. En réalité, cet accord ne fait état daucune disposition impérative, y compris concernant la prise en charge des frais, sujet pourtant très discuté lors des négociations.

La loi du 22 janvier 2022 "renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le Code de la santé publique"  mettant en place le pass vaccinal n’a pas plus pu créer une obligation de télétravail.

En effet, cette loi régit la procédure à appliquer lorsque la situation dangereuse résulte d’un risque d’exposition au Covid-19 du fait du non-respect par l’employeur des principes généraux de prévention.

Quoi qu’il en soit, si les employeurs entendent respecter le protocole sanitaire, c’est bien évidemment pour se conformer à leurs obligations de sécurité de résultat : si le protocole sanitaire ne permet pas, à lui seul, de rendre le télétravail obligatoire, le fait de le respecter, notamment dans ses grandes orientations (dialogue social, respect des distanciations) permettra à l’employeur de pouvoir se défendre en cas d’une demande de reconnaissance du Covid-19 en tant que maladie professionnelle voire en cas de contentieux concernant la commission d’une faute inexcusable de l’employeur.

En effet, si le protocole sanitaire ne constitue pas une norme rendant le télétravail obligatoire, il définit des règles dont la violation serait alors un indice conduisant à une potentielle violation d’une obligation de sécurité de résultat.

Enfin, depuis le 2 février 2022, le recours au télétravail est devenu recommandé ": les employeurs fixant, dans le cadre du dialogue social de proximité, les modalités de recours au télétravail.

 

 

Zoom sur les sanctions

Contrairement aux idées reçues, l’absence de mise en œuvre du télétravail ne peut être sanctionnée en tant que telle par une contravention pénale (faute d’obligation législative ou réglementaire).

Un inspecteur du travail ne peut donc pas dresser de procès-verbaux.

En revanche, l’Inspection du travail peut mettre l’employeur en demeure de prendre « toutes les mesures utiles » pour remédier à la situation dans un certain délai, mais ne peut contenir de prescription lui enjoignant de recourir à une méthode particulière ou de privilégier telle mesure en particulier.

Il appartient à l’employeur de décider les moyens à mettre en œuvre, quels qu’ils soient, pour faire cesser la situation.

L’employeur doit mettre fin à la situation dangereuse mais conserve donc une certaine latitude quant à l’appréciation des moyens.

 

 

Que faire si un cas Covid se manifeste dans l’entreprise ?

Le protocole sanitaire préconise :

d’isoler la personne symptomatique dans une pièce dédiée tout en respectant les gestes barrières et les règles sanitaires usuelles (distance, aération, masque, etc ;

de mobiliser le professionnel de santé dédié de l’établissement, un sauveteur/secouriste du travail formé au risque Covid ou le référent Covid, selon l’organisation locale ;

en l’absence de signe de gravité, contacter le médecin du travail ou demander à la personne de contacter son médecin traitant pour avis médical. En cas de confirmation d’absence de signes de gravité, il faut organiser le retour à domicile en évitant les transports en commun ;

si un test antigénique peut être réalisé dans l’entreprise, il le sera immédiatement par un professionnel autorisé. En l’absence d’une possibilité de réaliser le test sur site, la personne doit être invitée à réaliser un test diagnostique le plus rapidement possible, idéalement le jour même.

En cas de signe de gravité (ex. détresse respiratoire), le protocole recommande d’appeler le SAMU.

Après la prise en charge de la personne, l’employeur doit prendre contact avec le service de santé au travail et suivre ses consignes, y compris pour le nettoyage et la désinfection du poste de travail et le suivi des salariés ayant été en contact avec le cas.

Si le cas Covid est confirmé, l’identification et la prise en charge des contacts seront organisées par les acteurs du contact-tracing.

 

 

Déborah Fallik Maymard,

Avocate associée,

Redlink Avocats

 

 

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