Article précédent

Au regard de
l’importance grandissante de la notion de recherche de provenance pour le
marché et le monde de l’art, le Comité professionnel des galeries d’art (CPGA)
a particulièrement travaillé en 2023 à intégrer, au sein de son Code de
déontologie des galeries d’art, un nouveau chapitre dédié à cette question.
Le 19 juin 2024, L’Institut Art et Droit et le CERDI ont organisé un colloque
sur la provenance dans le marché de l’art. Cette série revient sur cette
journée consacrée au bouleversement du monde de l’art par la nouvelle règle de
provenance. De la théorie à la pratique apparaissent deux réalités bien
distinctes, parfois difficiles à concilier :
• Le marché de l’art est-il bouleversé par les nouvelles règles de provenance ? ;
• Le regard des experts sur la provenance dans le marché de l’art ;
• Incompréhensions, difficultés de mise en œuvre comment les marchands d’art appréhendent la nouvelle règle ? ;
• Code de déontologie des galeries
d’art : le chapitre provenance ;
• Spoliation et provenance : focus sur la restitution des œuvres d’art ;
• La face obscure du marché de l’art à l’international ;
• Le regard des gardiens du secteur.
Tous les membres du CPGA
s’engagent par leur adhésion à respecter le Code de déontologie de la
profession. Tout manquement à ce Code est de nature à entraîner une sanction
pouvant aller jusqu’à l’exclusion de cette organisation professionnelle.
Benoit Sapiro, Vice-président
du Comité professionnel des galeries a réuni un groupe de travail composé de
marchands d’art particulièrement concernés par ces questions.
Le chapitre provenance du
Code de déontologie est le fruit d’un travail initial de rédaction collectif mené
par l’équipe juridique du Comité et les galeristes membres du groupe de travail.
Il a ensuite été nourri des réflexions d’experts extérieurs du ministère de la
Culture, d’universitaires, d’avocats spécialisés, ou encore d’institutions
muséales.
Le chapitre se déploie en
trois parties :
- les grands principes de la
recherche de provenance ;
- une méthodologie de recherche en provenance ;
- et à une boîte à outils sous forme de répertoire des bases de données
considérées comme les plus fiables.
Une galerie doit s’interroger
sur la provenance de tous types d'œuvres d’art, lorsque celle-ci n’est pas
clairement établie. Il s’agit d’une vigilance nécessaire, dans le cadre d’une
obligation de moyens. Le comité invite les galeries à s’engager à réaliser
toute recherche utile, dans les limites des outils mis à sa disposition et en
l’état actuel des connaissances au jour de l’étude, en vue d’en déterminer le
plus précisément possible l’histoire et la provenance. La galerie s’engage
également à faire preuve de bonne foi en la matière vis-à-vis de son client.
Après avoir effectué les
diligences requises sur un bien culturel et si rien n’indique une provenance
illicite, le professionnel peut librement en faire le commerce. A contrario, si
la galerie décèle une origine douteuse de la pièce, de sorte qu’elle n’est pas
en mesure d’assurer sa traçabilité, il convient de s'abstenir d’en faire le négoce.
Le cas échéant, si la galerie le juge nécessaire, au vu de ses recherches, elle
devra en informer les autorités chargées de la lutte contre le trafic illicite
de biens culturels.
Enfin, les galeries d’art et
les marchands reconnaissent l'intérêt de participer activement à la recherche
de provenance des œuvres. Dans la mesure du possible, ils s’engagent à répondre
aux demandes qui leur seront faites à ce sujet. En cas de doute sur l’identité
du demandeur et/ou la légitimité d’une demande, les galeries peuvent solliciter
l’avis du Comité des galeries d’art.
Le code de déontologie appelle
à ce que les marchands portent une attention particulière à certains biens :
- les biens culturels
antérieurs à 1945 ;
- les biens culturels issus de pays dit “sources” ;
- les biens culturels provenant de zones de conflits.
La méthodologie propose aux
professionnels le suivi de 5 étapes afin de faire une recherche la plus
exhaustive possible. Le Comité des galeries d’art attire l’attention des
galeries sur l’importance de conserver des traces de ces recherches.
La boite à outils prend la
forme d’un annuaire des bases de données et archives (non exhaustive) qui
peuvent être consultées en fonction de la recherche de provenance à réaliser.
La principale difficulté
rencontrée par le marché de l’art dans les diligences à effectuer concerne la
complexité des recherches à mettre en œuvre. Il manque toujours une base de
données centralisée pour les biens spoliés qui faciliterait grandement les
recherches. Aujourd’hui il est nécessaire d’effectuer ce travail conjointement sur
différentes bases et de se former à leur maniement. Celles-ci ne sont pas
encore assez connues par l’ensemble de la profession. Le CGPA compte bien que les
indications fournies dans son code de déontologie des galeries d’art,
contribuera à diffuser les informations essentielles.
Pour le CPGA, il parait
opportun de pousser le marché à s’éduquer, notamment en faisant comprendre à
ses acteurs que la résolution de ces questions est à terme vertueuse pour le milieu.
Plus les galeristes parviendront à identifier les biens spoliés et ainsi à
empêcher qu’ils circulent sans être reconnus sur le marché, plus les clients du
marché de l’art pourront bénéficier d’une certaine sécurité juridique dans
leurs acquisitions.
Il est nécessaire que le
marché de l’art, dans son ensemble, se pose la question de manière systématique
sur la situation d’une œuvre dans la période 1933-1945. Néanmoins, il serait
illusoire de penser qu’il peut toujours trouver une réponse. Mais, lorsque la
question sera devenue un automatisme, on peut imaginer que les choses progresseront
véritablement.
Les nouvelles formations
proposées par l’Université de Nanterre et l’Ecole du Louvre sont une belle
avancée en la matière. Elles vont permettre l’apparition de chercheurs en
provenance qui sont très susceptibles d’intéresser les galeries ainsi que les
différents acteurs du marché de l’art. S’il est probable que relativement peu
de galeries envisageront d’embaucher à plein temps un chercheur en provenance,
il semble évident qu’avoir été formé en recherches de provenance constitue maintenant
un atout pour le secteur professionnel.
Par ailleurs, les recherches
menées sont difficilement exhaustives et l’absence de référencement d’une œuvre
sur les principales bases de données ne garantit en aucun cas aux
professionnels que l’œuvre n'a pas été spoliée. Dès lors, il peut ressortir des
recherches effectuées par les professionnels un caractère un peu vain. Les enquêtes
menées relèvent des « due diligence » mais ne sécurisent pas pour autant
pleinement la propriété d’un bien et par la suite la transaction effectuée. De
plus, il est évident que, malgré les investigations, des œuvres resteront
probablement orphelines d’un historique parfait, sans doute la majorité d’entre
elles.
Gaëlle
de Saint Pierre
Déléguée du CGPA
THÉMATIQUES ASSOCIÉES
Infos locales, analyses et enquêtes : restez informé(e) sans limite.
Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.
0 Commentaire
Laisser un commentaire
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *