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samedi 10 août 20245 min
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10/08/2024 10:35:21 1 10 5190 23 0 3651 4676 4847 SÉRIE ­« LA PROVENANCE DANS LE MARCHÉ DE L'ART » (4). Code de déontologie des galeries d'art : le chapitre provenance

Au regard de l’importance grandissante de la notion de recherche de provenance pour le marché et le monde de l’art, le Comité professionnel des galeries d’art (CPGA) a particulièrement travaillé en 2023 à intégrer, au sein de son Code de déontologie des galeries d’art, un nouveau chapitre dédié à cette question.

Le 19 juin 2024, L’Institut Art et Droit et le CERDI ont organisé un colloque sur la provenance dans le marché de l’art. Cette série revient sur cette journée consacrée au bouleversement du monde de l’art par la nouvelle règle de provenance. De la théorie à la pratique apparaissent deux réalités bien distinctes, parfois difficiles à concilier :

 Le marché de l’art est-il bouleversé par les nouvelles règles de provenance ? ;
 Le regard des experts sur la provenance dans le marché de l’art ;
• Incompréhensions, difficultés de mise en œuvre comment les marchands d’art appréhendent la nouvelle règle ? ;

• Code de déontologie des galeries d’art : le chapitre provenance ;
• Spoliation et provenance : focus sur la restitution des œuvres d’art ;
• La face obscure du marché de l’art à l’international ;
• Le regard des gardiens du secteur.

 

Tous les membres du CPGA s’engagent par leur adhésion à respecter le Code de déontologie de la profession. Tout manquement à ce Code est de nature à entraîner une sanction pouvant aller jusqu’à l’exclusion de cette organisation professionnelle.

Benoit Sapiro, Vice-président du Comité professionnel des galeries a réuni un groupe de travail composé de marchands d’art particulièrement concernés par ces questions.

Le chapitre provenance du Code de déontologie est le fruit d’un travail initial de rédaction collectif mené par l’équipe juridique du Comité et les galeristes membres du groupe de travail. Il a ensuite été nourri des réflexions d’experts extérieurs du ministère de la Culture, d’universitaires, d’avocats spécialisés, ou encore d’institutions muséales.

Un chapitre qui ressemble à un guide pratique

Le chapitre se déploie en trois parties :

- les grands principes de la recherche de provenance ;
- une méthodologie de recherche en provenance ;
- et à une boîte à outils sous forme de répertoire des bases de données considérées comme les plus fiables.

Une galerie doit s’interroger sur la provenance de tous types d'œuvres d’art, lorsque celle-ci n’est pas clairement établie. Il s’agit d’une vigilance nécessaire, dans le cadre d’une obligation de moyens. Le comité invite les galeries à s’engager à réaliser toute recherche utile, dans les limites des outils mis à sa disposition et en l’état actuel des connaissances au jour de l’étude, en vue d’en déterminer le plus précisément possible l’histoire et la provenance. La galerie s’engage également à faire preuve de bonne foi en la matière vis-à-vis de son client.

Après avoir effectué les diligences requises sur un bien culturel et si rien n’indique une provenance illicite, le professionnel peut librement en faire le commerce. A contrario, si la galerie décèle une origine douteuse de la pièce, de sorte qu’elle n’est pas en mesure d’assurer sa traçabilité, il convient de s'abstenir d’en faire le négoce. Le cas échéant, si la galerie le juge nécessaire, au vu de ses recherches, elle devra en informer les autorités chargées de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels.

Enfin, les galeries d’art et les marchands reconnaissent l'intérêt de participer activement à la recherche de provenance des œuvres. Dans la mesure du possible, ils s’engagent à répondre aux demandes qui leur seront faites à ce sujet. En cas de doute sur l’identité du demandeur et/ou la légitimité d’une demande, les galeries peuvent solliciter l’avis du Comité des galeries d’art.

Quelques mentions spéciales

Le code de déontologie appelle à ce que les marchands portent une attention particulière à certains biens :

- les biens culturels antérieurs à 1945 ;
- les biens culturels issus de pays dit “sources” ;
- les biens culturels provenant de zones de conflits.

La méthodologie propose aux professionnels le suivi de 5 étapes afin de faire une recherche la plus exhaustive possible. Le Comité des galeries d’art attire l’attention des galeries sur l’importance de conserver des traces de ces recherches.

La boite à outils prend la forme d’un annuaire des bases de données et archives (non exhaustive) qui peuvent être consultées en fonction de la recherche de provenance à réaliser.

La principale difficulté rencontrée par le marché de l’art dans les diligences à effectuer concerne la complexité des recherches à mettre en œuvre. Il manque toujours une base de données centralisée pour les biens spoliés qui faciliterait grandement les recherches. Aujourd’hui il est nécessaire d’effectuer ce travail conjointement sur différentes bases et de se former à leur maniement. Celles-ci ne sont pas encore assez connues par l’ensemble de la profession. Le CGPA compte bien que les indications fournies dans son code de déontologie des galeries d’art, contribuera à diffuser les informations essentielles.

Développer le réflexe de recherche de provenance

Pour le CPGA, il parait opportun de pousser le marché à s’éduquer, notamment en faisant comprendre à ses acteurs que la résolution de ces questions est à terme vertueuse pour le milieu. Plus les galeristes parviendront à identifier les biens spoliés et ainsi à empêcher qu’ils circulent sans être reconnus sur le marché, plus les clients du marché de l’art pourront bénéficier d’une certaine sécurité juridique dans leurs acquisitions.

Il est nécessaire que le marché de l’art, dans son ensemble, se pose la question de manière systématique sur la situation d’une œuvre dans la période 1933-1945. Néanmoins, il serait illusoire de penser qu’il peut toujours trouver une réponse. Mais, lorsque la question sera devenue un automatisme, on peut imaginer que les choses progresseront véritablement.

Les nouvelles formations proposées par l’Université de Nanterre et l’Ecole du Louvre sont une belle avancée en la matière. Elles vont permettre l’apparition de chercheurs en provenance qui sont très susceptibles d’intéresser les galeries ainsi que les différents acteurs du marché de l’art. S’il est probable que relativement peu de galeries envisageront d’embaucher à plein temps un chercheur en provenance, il semble évident qu’avoir été formé en recherches de provenance constitue maintenant un atout pour le secteur professionnel.

Par ailleurs, les recherches menées sont difficilement exhaustives et l’absence de référencement d’une œuvre sur les principales bases de données ne garantit en aucun cas aux professionnels que l’œuvre n'a pas été spoliée. Dès lors, il peut ressortir des recherches effectuées par les professionnels un caractère un peu vain. Les enquêtes menées relèvent des « due diligence » mais ne sécurisent pas pour autant pleinement la propriété d’un bien et par la suite la transaction effectuée. De plus, il est évident que, malgré les investigations, des œuvres resteront probablement orphelines d’un historique parfait, sans doute la majorité d’entre elles.

Gaëlle de Saint Pierre
Déléguée du CGPA

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