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Dans un rapport publié le 30 septembre, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) liste plusieurs observations et recommandations nées d’une visite de la Maison d’arrêt des femmes (MAF) de Fleury-Mérogis, en novembre 2024. Les huit contrôleurs ont relevé une prise en charge améliorée des détenues, bien que leur vie en détention souffre de la surpopulation carcérale et de pratiques encore dégradantes.
S’ils sont moins prégnants que dans les établissements pour hommes, les problèmes fréquemment retrouvés dans les maisons d’arrêt françaises n’épargnent pas la prison pour femmes de Fleury-Mérogis. Surpopulation carcérale (la MAF est occupée en moyenne à 135,11 % ; cette occupation atteint 152,72 % en détention ordinaire et 210 % au quartier arrivantes), manque d’intimité, structures et matériel vieillissants… Des chantiers restent prioritaires pour améliorer les conditions de vie de l’ensemble des détenues, majeures comme mineures. La visite précédente de la MAF, en 2019, avait conduit le CGLPL à formuler plusieurs recommandations, dont une injonction à procéder à une rénovation complète de l’établissement.
« Depuis sa construction (en 1968, ndlr), la MAF n’a pas fait l’objet de travaux de rénovation d’ampleur et, dès le premier contrôle en 2010, le CGLPL était préoccupé par les conditions matérielles de détention, décrit ainsi le rapport. Neuf années plus tard, il constatait l’inertie de l’administration et faisait de la rénovation du bâtiment une priorité absolue en raison de la dégradation des cellules et des locaux sanitaires, confinant à l’insalubrité ».
En 2020, la faisabilité de la rénovation de la structure a été étudiée. « De très nombreux investissements y sont réalisés annuellement », reconnaît le CGLPL, qui souligne aussi « la volonté de la direction d’entretenir au mieux les bâtiments ». Mais, malgré les travaux menés, comme la résolution des problèmes électriques ou la rénovation des quartiers d’isolement et disciplinaire, « ceux-ci sont marqués par une dégradation très importante ». « Fin 2024, aucun projet de rénovation complète n’est à l’étude », constate l’autorité administrative.
Moisissures, infiltrations d’eau, vitres fêlées, peintures écaillées et revêtements arrachés : l’hébergement en détention ordinaire « est devenu indigne », pointe le CGLPL. En 2024, ces conditions dégradées ont été renforcées par la surpopulation carcérale, et « l’encellulement collectif en découlant » nuit à l’intimité des détenues, générant des tensions, qui elles-mêmes détériorent les conditions de travail des surveillants.
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« Cette situation grève progressivement le fonctionnement de la MAF », poursuit le rapport, « et altère l’accès aux soins, au travail, aux activités culturelles et sportives et à l’enseignement ». Néanmoins, les contrôleurs notent « les efforts » de la direction et du personnel : « Dans un tel contexte, il est remarquable de constater que la détention est globalement apaisée. » Le CGLPL souligne ainsi un « ordre intérieur maintenu avec un grand discernement », et « une attention particulière (…) portée pour amortir au mieux le choc carcéral ». Mais cette dernière est empêchée par les arrivées de nuits, majoritaires. Le rapport dénonce aussi « l’impossibilité pour les prévenues de bénéficier d’un euro de communication pour appeler leurs proches ».
Malgré une direction « particulièrement vigilante aux comportements non professionnels, voire inappropriés ou illégaux », certaines pratiques relevées questionnent. Le CGLPL note, dans son rapport, qu’il arrive que des surveillantes assistent aux consultations gynécologiques des détenues, ou, lors des fouilles intégrales, que ces personnels demandent aux femmes de retirer leur tampon hygiénique. Des réveils nocturnes – que des avocats de détenus enfermés à la prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil ont récemment dénoncé comme une atteinte à la dignité – ont été observés et concernent, plus inquiétant encore, des femmes présentant un risque suicidaire.
« Des fouilles par palpation sont systématiquement pratiquées à chaque sortie de cellule et la MAF ne dispose toujours pas d’espaces de fouille en détention », liste aussi le rapport, et, bien que « les femmes placées à l’isolement [soient] incarcérées dans des locaux rénovés et propres », elles « ne voient jamais la lumière naturelle et sont largement privées, à long terme, d’interactions sociales ».
L’accès des détenues à la santé souffre quant à lui du manque de moyens budgétaires et d’un personnel médical en sous-effectifs, désengagé du suivi régulier. Et les structures de soin de la MAF seraient insuffisantes, encore une fois, à cause du contexte de surpopulation. « Comme relevé en 2019, les locaux de l’unité sanitaire en milieu pénitentiaire nécessitent une rénovation et sont sous-dimensionnés », rapportent ainsi les contrôleurs. Et comme en 2019, « les médecins et le personnel soignant ne participent pas aux commissions pluridisciplinaires uniques (CPU) et notamment à la CPU « prévention du suicide », ni ne communiquent de façon informelle de renseignements relatifs à un risque suicidaire ».
Plus grave encore, la délivrance des médicaments aux mineures, qui sont autorisées à conserver leur traitement médicamenteux en cellule, ne serait pas encadrée et permettrait à certaines d’en stocker des quantités importantes. « Pendant la visite, une mineure a tenté de mettre fin à ses jours en ingérant près d’une centaine de gélules », témoignent les contrôleurs. « L’administration pénitentiaire, la PJJ et le service pénitentiaire d’insertion et de probation déplorent n’avoir aucune indication sur les effets secondaires des traitements, en particulier pour alerter les professionnels de santé, le cas échéant. Les détenteurs de l’autorité parentale ne sont pas informés des traitements administrés à leur enfant alors que cette information est en principe obligatoire ».
La prise en compte des spécificités de la santé des femmes est, là aussi, défaillante : « Au moment du contrôle, aucun gynécologue n’exerce à la MAF et la prise en charge des addictions est insuffisante, comparée à celle dont bénéficient les hommes », relève aussi le compte-rendu de visite.
La MAF du centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis accueille, depuis 2019, une micro-crèche. Ce projet unique en France semble bien fonctionner, au cœur d’un quartier mère-enfant à la prise en charge « pluridisciplinaire et attentive ». Si les cellules y sont malgré ça « exiguës et dégradées », « la vie quotidienne des enfants fait l’objet de concertations et de réflexions constantes afin qu’elle se rapproche le plus possible de la vie « en dehors » ». Les mineures bénéficient d’une prise en charge pluridisciplinaire soutenue et de grande qualité, salue le CGLPL. Les jeunes-filles bénéficient de 12 heures d’école par semaine, comme le prévoient les textes.
Car globalement, remarque le rapport, les femmes détenues sont en mesure d’exercer leurs droits, avec toutefois des axes d’amélioration – la plupart toujours liés à la surpopulation. Les activités proposées, « point fort de la MAF », portées par « une équipe dynamique », sont « nombreuses, variées, de qualité, contribuent à réduire le temps passé en cellule ». Pour celles qui accèdent à l’enseignement, « l’offre est conséquente et de qualité, marquée par des réussites aux examens ». Mais la dotation horaire de 105 heures d’enseignement hebdomadaire est insuffisante pour répondre à la demande : au moment de la visite, une cinquantaine de femmes détenues étaient sur liste d’attente pour accéder à l’école.
Même constat pour l’offre de travail, encore insuffisante, rapportée au nombre de détenues. A raison de 50 postes au service général et 100 dans les trois ateliers, elle est loin de fonctionner en plein emploi. Cependant, « le travail des détenues qui suivent une formation professionnelle qualifiante est mis en valeur au sein de l’établissement », relève l’autorité administrative. Le trop grand nombre de détenues nuit aussi à l’accès au sport : au moment du contrôle, « les activités sportives [étaient] variées, mais avec un délai d’attente d’un mois pour y accéder ».
Peut mieux faire aussi : le Point justice, qui reçoit nombre de détenues allophones, ne dispose pas de système d’interprétariat. « L’obtention ou le renouvellement de titres de séjour est impossible », note le CGLPL.
« Les outils d’évaluation, de réinsertion et de dynamisation du parcours de peine sont à ouvrir plus largement et à diversifier », recommande en plus le rapport. Freins à la réinsertion : des décisions judiciaires « notifiées avec délai et parfois sans explication, ce qui porte atteinte au droit au recours effectif ». Les personnes relevant d’un établissement pour peine et du centre national d’évaluation attendent donc parfois plusieurs mois leur transfert.
Pour le CGLPL, les prises en charge adaptées et individualisées restent un facteur déterminant pour le centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis. En 2020, les contrôleurs avaient publié un rapport portant sur leur visite de la maison d’arrêt des hommes. 148 observations y avaient été formulées, avec au premier rang « l’absence de relations humaines entre le personnel de surveillance et les personnes détenues et la faiblesse des activités proposées à ces dernières, qu’elles soient ou non rémunérées ». Dans ce compte-rendu, le CGLPL s’était dit « frappé par le gigantisme de cette structure en ce qu’il ne permet guère des prises en charge adaptées et des parcours individualisés au plus près des besoins des personnes incarcérées ». La maison d’arrêt pour femmes, d’une capacité théorique de 225 places, ne répond en effet pas aux mêmes enjeux que la maison d’arrêt pour hommes, aux 2 628 places (réparties sur « Grand quartier » et un centre de détention).
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