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Le plasma est un composant du sang, et donc du corps humain, mais c’est aussi une matière première qui sert à la fabrication de médicaments, vitaux pour certains patients. De ce double statut résultent des enjeux éthiques particulièrement disputés. Le nouveau règlement européen SoHo, qui régule sa collecte et son usage, ne les résout pas forcément.
Peut-on vendre des composants du corps humain ? A priori, non – en tous cas pas de manière légale. La question se pose pourtant pour le plasma. Ce composant du sang liquide et jaunâtre (composé à 90 % d’eau) comporte des protéines très utiles dans certaines thérapies : les immunoglobulines, mais également les albumines et les facteurs de coagulation. Une grande partie est donc vendue par les organismes qui le collectent aux fractionneurs, des industriels qui, à partir des protéines, fabriquent des médicaments dérivés du plasma.
En France, le Code civil [u1] et le Code de la santé publique [u2] rappellent l’interdiction de vendre des éléments issus du corps humain. Mais une minorité de pays autorise la rémunération des donneurs de plasma, notamment les Etats-Unis, qui en produisent tant qu’ils fournissent les deux-tiers du marché mondial. Les raisons avancées sont que le plasma n’est dans le cas des médicaments pas directement transfusé au patient, mais une matière première servant à un processus industriel ; et que c’est la seule solution pour fournir aux malades les médicaments dont ils ont besoin (la rémunération permet de collecter une plus grande quantité de plasma).
Le sujet suscite pour autant de vives controverses éthiques. D’ailleurs, soulève l’économiste à l’université Paris Panthéon-Assas Jean Mercier Ythier, l’Organisation mondiale de la santé est mal à l’aise avec la réalité du plasma rémunéré, au point que dans des rapports qu’il a consultés couvrant 2010 à 2015, « l’OMS ne collectait pas ou très peu les statistiques » concernant le plasma rémunéré. « C’étaient des statistiques politiques : cela ne devrait pas exister d’après leurs normes, donc cela n’existe pas officiellement. »
La France est très attachée à la notion de gratuité du don. C’est d’ailleurs sa philosophie, héritée des transfusions solidaires durant la Première guerre mondiale puis au sein de la Résistance durant la Seconde guerre mondiale, qui a présidé à l’instauration de normes internationales.
La première considération éthique est la santé des donneurs : après un prélèvement, il faut du temps au plasma pour se reconstituer. Aux Etats-Unis, 104 dons sont autorisés par an, soit deux par semaine. Certains experts considèrent que c’est trop pour permettre une reconstitution des protéines. D’où le risque d’affaiblir le système immunitaire et de prélever un plasma de moins bonne qualité. Il en faudra donc une plus grande quantité pour obtenir un même médicament.
Le don rémunéré est aussi accusé de porter atteinte à la dignité et à l’intégrité humaine. De fait, comme aux Etats-Unis, il attire surtout les populations plus précaires, pour qui il peut représenter un vrai complément de revenus. Peut-on considérer qu’il s’agit d’un choix vraiment libre et éclairé, comme ce devrait être le cas pour un don ?
Si le don de plasma les met en danger, il aura aussi un impact sur la santé des patients. Avec le plasma rémunéré, il peut ainsi être tentant de dissimuler son inaptitude à donner, ou de cacher les dangers pour sa propre santé ou pour celle des receveurs.
Cependant, il n’y pas eu de scandale sanitaire depuis trois décennies, quelles que soient les conditions de collecte : les procédures de sécurité sont standardisées et les techniques actuelles permettent de limiter au maximum les risques.
Les associations restent cependant vigilantes, et particulièrement l’Association française des hémophiles[u3] , toujours marquée par le scandale du sang contaminé qui a éclaté en 1991. « Le choc que ça a représenté, l’hécatombe parmi les patients, ont conduit une part très majoritaire d’hémophiles à se tourner vers des alternatives recombinantes, fabriquées par le génie génétique, qui ne requièrent plus de plasma », raconte Dorothée Pradines, membre du conseil d’administration de l’Etablissement français du sang.
C’est en tous cas suite à ce scandale que la collecte et le fractionnement du plasma ont été confiés à deux organismes distincts, afin d’éviter que des risques sanitaires soient dissimulés d’un bout à l’autre de la chaîne. Ce qui n’est pas systématique à l’étranger.
Au niveau européen, un nouveau règlement, SoHO (Substances of human origin[u4] ), voté en 2024, doit s’appliquer en 2027. Il renforce le principe de non-rémunération du plasma. La majorité des pays de l’Union Européenne a déjà des collectes gratuites, mais quatre pays rémunèrent les donneurs, ou ont au moins un système de compensation financière : l’Allemagne, la République Tchèque, la Hongrie et l’Autriche.
Mais il introduit un principe qui n’était pas dans la directive de 2003 (2002/98/CE)[u5] , qu’il remplace : celui de « neutralité financière ». En clair, donner son plasma ne doit rien rapporter au donneur… mais rien lui coûter non plus. Il est donc possible de rembourser ce que coûterait le don. Cela inclut les frais alimentaires et de transport, et peut aller jusqu’à rembourser le temps de travail perdu.
« SoHO est sans ambiguïté au moins sur le principe de non-marchandisation », salue Jean Mercier Ythier. Dorothée Pradines, se félicite, elle, d’autre chose : « Avec l’évolution du cadre européen et sa nouvelle définition du don éthique, il n’est plus possible de soutenir, comme historiquement la fédération des donneurs de sang, qu’un don juste indemnisé n’est pas éthique. Comme un règlement européen s’applique directement, sans mesure de transposition, on ne peut pas adapter cette définition au contexte français. On peut tout à fait décider de ne pas indemniser mais en tout cas on ne peut pas dire juridiquement que ce n’est pas éthique de le faire ».
« Il ne clarifie rien du tout, au contraire presque, parce qu’autant une rémunération, on sait ce que c’est, autant une compensation, on ne sait pas », critique Olivier Garraud, médecin hématologue et chercheur à l’université de Saint-Etienne, ancien directeur de l’EFS Auvergne Loire. « Je pense qu’on va jouer sur les mots, très certainement », prédit Jean Mercier Ythier, qui imagine que les quatre pays qui rémunèrent le don continueront.
Plusieurs acteurs hexagonaux sont pour une gratuité stricte. Pour eux, la compensation de la rémunération potentiellement perdue pourrait être considérée comme rémunération, et le don doit rester parfaitement altruiste. L’Etablissement français du sang (EFS), qui collecte le plasma, avait publié une position officielle dans ce sens [u6] durant les débats en vue de la révision de la directive européenne.
En France, l’EFS offre une collation et peut rembourser le transport, à hauteur de sept euros par don. Mais il a interdiction de faire la publicité de la compensation financière (montant et modalités), pourtant peu connue des donneurs. Dans un avis de décembre 2024, [u7] le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) proposait de le rendre systématique.
Le CCNE suggérait même de compenser le temps passé en don, comme autorisé par le règlement. « Cette préconisation a été soufflée par les lobbies des multinationales du fractionnement », critique Jacques Allegra, président de la Fédération française pour le don de sang bénévole[u8] (FFDSB). Elle n’a pas été retenue.
Pour lui, une compensation basée sur un revenu minimum contrevient au principe de gratuité car « proposé à des étudiants ou à certaines populations en grande précarité, cela devient un vrai complément de revenus ». Il va même plus loin : « L’effet pervers est que vous perdriez une très large majorité des donneurs de sang, parce qu’ils n’accepteraient pas d’être rémunérés pour un geste altruiste. » Une potentielle désertion qui « n’a jamais été démontrée », contredit l’économiste Jean Mercier Ythier.
Celui-ci remarque cependant qu’en Allemagne, la compensation équivaut environ au salaire moyen, « très au-dessus du salaire minimum. C’est pour cela que j’interprète la transaction comme une vente, alors même que l’on continuer d’employer le langage des compensations. En aucune manière ces dernières n’enrichissent la personne, c’est juste un petit complément de revenus ». Néanmoins, « dès que vous entrez dans la compensation du coût du travail, il y a un manque de clarté sur le principe ».
La FFDSB est contre toute forme d’incitation financière, pratiquée dans d’autres pays ou suggérée par certaines instances : crédits d’impôts, titres-restaurants, bons cadeaux… Une proposition de loi, votée en juin dernier à l’Assemblée nationale, rend possible pour les employeurs le souhaitant de maintenir la rémunération de leurs salariés donnant sur leur temps de travail. « C’est la limite maximale qu’on peut atteindre sans parler de rémunération », estime Jacques Allegra. Pour Jean Mercier Ythier, cette idée est « neutre du point de vue du donneur. L’entreprise, elle, contribue par un don de temps de travail à l’établissement de collecte ».
Dans le passé, se souvient Olivier Garraud, certaines entreprises offraient des jours de congés pour les personnes qui donnaient leur sang. Mais cela avait fini par être considéré comme un avantage pécuniaire. Quand il gérait un site de l’EFS, le club de foot de l’AS Saint-Etienne avait proposé d’offrir des places pour un match aux donneurs. « J’ai freiné. L’intention était bonne. Mais c’est une incitation monétaire à donner. » Il avait aussi organisé des collectes avec des collations assurées par des chefs étoilés, mais il avait été questionné : « quand même, vous ne pensez pas que cela va inciter des gens à venir donner juste pour goûter des plats ? »
De leur côté, les associations de patients se félicitent de ce principe de neutralité. « On a fait un gros travail de lobbying sur la neutralité financière, assume Jean-Philippe Plançon, fondateur de l’AFNP, Association française des neuropathies périphériques[u9] et président d’EPODIN, association européenne équivalente. C’est vraiment très important parce que, si un donneur a plus de désavantages à aller donner que d’avantages, c’est un frein majeur. Le principe de base est que cela ne doit pas coûter au donneur ».
D’ailleurs, pour lui, la compensation n’est pas « qu’une question d’argent. Je pense qu’il ne faut rien s’interdire, tant qu’on reste dans la non-marchandisation du corps humain ». Comme les autres associations de donneurs, il a du mal à comprendre l’opposition frontale à la compensation. « Il ne faut pas se raconter d’histoires. Est-ce que c’est grave demain d’offrir un bon d’achat à un étudiant qui donne son plasma ? Je ne suis pas sûr. Si en donnant votre plasma, vous obtenez un forfait équivalent à 30 euros, ce n’est pas ce qui va vous payer votre Ferrari. On ne vend pas son âme au diable à récupérer 30 euros 24 fois par an. Ou alors, j’ai perdu tout sens de la réalité. »
Certains intervenants soulignent que les débats éthiques, notamment en France, se portent beaucoup sur les donneurs. Beaucoup moins sur les patients. La raison de cette différence de traitement est historique : les donneurs se sont organisés en associations solidaires, pouvant peser sur le débat, il y a plusieurs décennies. « La Fédération internationale des organisations de donneurs de sang[u10] (FIODS) a défini les critères actuels de l’OMS, et vient elle-même de la Fédération française des donneurs de sang, raconte Olivier Garraud. A cette époque, qui est aussi celle de la création de la Sécurité sociale, les associations de donneurs de sang venaient principalement du monde ouvrier, syndicaliste », avec un idéal de « justice sociale ». Les associations de patients, elles, sont plus récentes.
Côté patients, on considère que « l’éthique est qu’il n’est pas acceptable de recevoir une rémunération pour son don. Mais ce qu’on n’a jamais vraiment envisagé, même si cela commence un tout petit peu, c’est, est-ce que l’éthique ne serait pas avant tout celle de la justice sociale ? interroge Olivier Garraud. Pour garantir que toute personne qui en ait besoin puisse recevoir des produits sanguins, disponibles en nombre et en qualité pour tous, peut-on altérer un peu la responsabilité éthique du donneur ? »
Pour les associations de patients, savoir s’il est éthique ou non d’accorder quelques avantages aux donneurs est futile, si cela permet d’en augmenter le nombre. Elles appellent à ne pas « opposer l’éthique du donneur à l’éthique du patient ». Pour Jean-Philippe Plançon, « le bon système est celui qui protège à la fois le donneur et le patient. Vouloir opposer qui que ce soit n’a absolument aucun sens ».
Virginie Milières, déléguée générale de l’association Iris[u11] , qui représente les patients atteints de déficit immunitaire primaire, reconnaît « une philosophie française très ancrée. C’est une très belle idée, dont je suis assez supportrice, mais je suis aussi réaliste » sur les contraintes d’un don régulier. « Quand certains s’offusquent que cela pourrait être un frein pour eux, parce que, vraiment, ils ont ‘l’éthique ancrée en eux’, je prône la tolérance. On ne doit pas faire culpabiliser ceux qui ont envie de donner leur plasma tout en bénéficiant d’une neutralité financière. Et ceux qui souhaitent donner sans compter, bravo, je vous admire, continuez. Je pense que tous les leviers sont bons à prendre pour répondre à l’ensemble des besoins, y compris côté donneur. Pour que chacun puisse donner en fonction de sa philosophie de vie. »
« Ce qui nous importe, c’est la sécurité, martèle Dorothée Pradines de l’association des hémophiles. Le don gratuit et désintéressé poursuit des objectifs très louables, mais n’a pas empêché l’affaire du sang contaminé. Nous sommes là pour rappeler que ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est la disponibilité, la qualité des traitements et la sécurité des patients. Si en plus on peut développer une filière qui ne donne pas l’impression d’exploiter la misère humaine, tant mieux. Mais notre bataille n’est pas celle-ci. On n’est pas contre le don gratuit, au contraire. Mais on n’a pas de tabou à l’AFH si, pour assurer le traitement des patients, il faut en passer par une fidélisation des donneurs par une forme d’indemnisation de ce que ça leur coûte ».
Beaucoup louent tout de même le système français. Avoir un collecteur et un fractionneur nationaux (l’EFS est un établissement public, le LFB, une société privée mais avec pour actionnaire unique l’Etat) permet de sécuriser une partie de l’approvisionnement. Mais les patients insistent sur le fait qu’il n’est pas envisageable de ne se baser que sur le plasma prélevé et fractionné en France en suivant l’éthique donneur.
En effet, les quantités collectées en France ne sont actuellement pas suffisantes, et le fractionneur, le LFB, ne fabrique pas les molécules sous toutes les formes dont peuvent avoir besoin les patients. Il ne fabrique l’immunoglobuline, protéine la plus utilisée, que sous forme d’intraveineuse, généralement administrée à l’hôpital, alors qu’elle est de plus en plus administrée de façon sous-cutanée, car « les patients sont de plus en plus poussés vers le domicile », selon Virginie Milières. Même si le LFB mène des recherches en ce sens, ce médicament est donc nécessairement acheté à des fractionneurs étrangers. Il y a aussi eu une récente de rupture de production des facteurs de coagulation : sans fractionneur étranger, les patients auraient perdu l’accès à leurs médicaments.
Enfin, les patients expliquent que ces médicaments sont fabriqués à partir d’éléments biologiques, vivants. Il peut donc arriver, sans qu’on comprenne pourquoi, que l’immunoglobuline d’un fractionneur soit rejetée par l’organisme d’un patient, quand celle d’un autre bien tolérée. « Nous avons donc besoin d’une pluralité d’acteurs pour répondre à ce besoin de tolérance de nos patients », assure Virginie Milières.
C’est pour cela, expliquent les patients, que parler d’autosuffisance n’aurait aucun sens. En France, les plans pour augmenter les volumes de plasma prélevés et transformés en médicaments parlent plutôt de souveraineté. Le plan français Ambition Plasma prévoit d’augmenter les quantités prélevées à 1,4 million de litres par an à partir de 2028. Cela permettrait de couvrir 50 % des besoins, contre 35 % actuellement.
La souveraineté peut aussi être considérée comme un enjeu éthique côté patient : la dépendance aux Etats-Unis fait que si ceux-ci fermaient le marché ou imposaient des tarifs prohibitifs, la France perdrait les deux-tiers de son approvisionnement, laissant les patients sans soin. Plusieurs acteurs plaident donc pour tendre vers une autosuffisance européenne.
En attendant, la demande pour les médicaments dérivés du plasma, notamment les immunoglobulines polyvalentes, explose au niveau mondial depuis des années, provoquant des tensions sur le marché. Le médecin Olivier Garraud affirme que des études peu scrupuleuses ont « laissé penser que les immunoglobulines étaient la panacée », suggérant que cela permettrait de soigner la maladie d’Alzheimer, alors qu’aucune étude sérieuse ne l’a prouvé. Il a publié, avec d’autres chercheurs, un papier sur les immunoglobulines, « qui a analysé tous les essais cliniques sur toutes les maladies, toutes les recommandations. Très clairement, elle montre que les indications et les preuves d’efficacité formelles ne sont pas si nombreuses ».
Reste que quand de nouvelles indications étayées émergent, cela augmente la « concurrence » entre les patients. « On voit arriver de nouveaux traitements sur le marché, par exemple en cancérologie, efficaces mais qui nécessitent une couverture avec des immunoglobulines », illustre Jean-Philippe Plançon.
Selon le CCNE, « entre 2014 et 2022, l’ANSM [Agence nationale de la santé et du médicament] a reçu 292 déclarations de rupture ou de risques de rupture de stock des médicaments dérivés du plasma ». L’ANSM établit donc désormais une liste de priorisation pour les immunoglobulines. D’où un stress pour les patients, qui peuvent craindre de ne pas être prioritaires. Ceux atteints d’un déficit immunitaire primitif le sont, pourtant, assure Virginie Milières, « on est toujours assez mal à l’aise parce que la hiérarchisation met un peu en opposition les groupes de patients. Ce n’est absolument pas acceptable ».
« Il faut bien comprendre que cela veut dire qu’on va décider que tel malade est prioritaire par rapport à tel autre, raconte Jean-Philippe Plançon de l’association des neuropathies périphériques. Si médicalement, cela peut avoir du sens, d’un point de vue humain et d’accès au traitement, c’est quand même très compliqué. Tout ça pour des raisons de manque de médicaments ». Le CCNE « considère que la prescription des médicaments dérivés du plasma constitue un enjeu bioéthique majeur, nécessitant une prescription conforme aux indications thérapeutiques définies par les recommandations de la HAS et des sociétés savantes ». D’ailleurs, la France consomme plus d’immunoglobulines que l’Italie et l’Allemagne, à la démographie pourtant proche.
Certains parlent d’une hypocrisie française : le pays applique des normes éthiques très fortes sur sa collecte, mais celle-ci ne répondant pas aux besoins, il importe les deux-tiers des médicaments dérivés du plasma auprès de fractionneurs qui ne respectent pas ces normes.
Pour autant, insiste Jacques Allegra, « ce serait criminel de dire qu’au nom de l’éthique, on ne donne pas les médicaments aux patients. Pour la santé des patients, pour leur survie, on accepte ce système, mais contraints et forcés ». Il comprend les associations de patients. « Quand vous avez besoin d’un médicament, vous faites tout pour l’avoir. Mais nous, nous devons rester dans notre éthique », et il assume une opposition aux fractionneurs qui recourent à du plasma rémunéré.
Par ailleurs, le LFB, au capital 100 % étatique, dispose de plusieurs filières étrangères, qui, elles, utilisent du plasma issu de collectes rémunérées. En France, s’il doit en priorité utiliser le plasma collecté par l’EFS, il recourt également en complément à du plasma étranger. Mais, pour Jean Mercier Ythier, mieux vaut « un opérateur industriel puissant et prospère. Il y a eu un mouvement général chez les industriels pour développer la collecte rémunérée là où c’était possible dans le but de faire prospérer leur business ».
Pour Jean-Philippe Plançon, « tout le monde œuvre dans la même direction ». Mais, regrette-t-il, « souvent, la tentation est de parler de ces sujets de façon dichotomique, de se dire, d’un côté, il y a les gentils qui font de l’éthique, de l’autre côté, il y a les méchants qui font du rémunéré ». Des discours qui ne viennent « pas des patients. Ces personnes ne sont pas concernées dans leur chair. Ils ne voient pas leurs gamins sans traitement, et donc, ils ne se rendent pas compte ».
La Nouvelle-Zélande arrive à concilier plasma collecté gratuitement et souveraineté, avec 80% d’autosuffisance en immunoglobulines. Un modèle à suivre ? Jacques Allegra avance que les personnes qui vendent leur plasma le font tant qu’elles en ont besoin, et cessent quand leur situation économique s’améliore. Celles qui le donnent le font par altruisme, leur motivation est donc plus pérenne. La collecte de plasma gratuite serait donc plus stable et peut-être un jour plus rentable, d’autant que l’indemnisation augmente souvent pour fidéliser.
« La question est : est-ce qu’aujourd’hui, avec un modèle public ou privé, on répond aux besoins des malades en respectant la protection des donneurs ? demande Jean-Philippe Plançon. Je pense qu’avec notre modèle, on peut déjà faire des choses géniales. On peut déjà aller au bout avant d’en considérer un autre. En termes d’engagement, de motivation des donneurs, il y a plein de choses à faire avant de commencer à penser à la rémunération ». Permettant ainsi de concilier éthique patients et donneurs.
L’association Iris représente les patients atteints de déficit immunitaire primaire. Ces maladies touchent 8 000 personnes en France, dont la moitié substituée par immunoglobulines, sans alternative. Ils font partie des patients les plus prioritaires pour la fourniture d’immunoglobulines.
L’Association française des neuropathies périphériques (AFNP) représente 10 000 malades atteints de neuropathies inflammatoires, disimmunes, plus environ 2 000 du syndrome de Guillain-Barré, et les immunoglobulines sont prescrites pour certaines de ces pathologies. Leur degré de priorisation dépend de la maladie.
L’Association française des hémophiles (AFH) représente, outre les hémophiles, bénéficiaires historiques des médicaments dérivés du sang, plusieurs pathologies en lien avec un déficit de coagulation.
Les hémophiles (7 000 en France) sont essentiellement soignés par d’autres thérapies que les médicaments dérivés du plasma.
D’autres troubles de la coagulation, comme la maladie de Willebrand (2000 patients) et d’autres maladies hémorragiques rares (quelques centaines de personnes), sont majoritairement soignées avec des médicaments dérivés du plasma. On leur prescrit des facteurs de coagulation. Il y a moins de tensions que pour les immunoglobulines.
[u1]https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070721/LEGISCTA000006136059/#LEGISCTA000006136059
[u2]https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006686062
[u3]https://www.afh.asso.fr/page/3090093-accueil
[u4]https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:02024R1938-20240717
[u5]https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32002L0098
[u6]https://www.efs.sante.fr/sites/default/files/2024-03/Natif_A4_PositionPaper_Jan2022_interactif_VD.pdf
[u7]https://www.ccne-ethique.fr/publications/don-de-plasma-vers-un-cadre-dethique-renforce-face-des-enjeux-sanitaires-et-societaux?taxo=0
[u8]https://ffdsb.org/
[u9]https://www.neuropathies-peripheriques.org/
[u10]https://www.fiods-ifbdo.org/
[u11]https://associationiris.org/
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