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Le chef Thierry Marx, président du principal syndicat patronal de la restauration, propose de baisser la TVA pour les établissements respectant le fait-maison afin de les aider à retrouver des marges. Séduisante, l’idée s’avère néanmoins coûteuse et peu favorable aux clients.
Pour soutenir un secteur en berne, le gouvernement allemand a adopté au début du mois de septembre, dans une série d’allègements fiscaux, une baisse significative du taux de TVA appliqué à la restauration et les services de repas (hors boissons). En 2026, celui-ci chutera de 19 % à 7 %.
La mesure a inspiré Thierry Marx, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), principale organisation représentative des chefs d’entreprise du secteur, car en France aussi, l’hôtellerie-restauration semble fragile. Selon la Banque de France, près de 9 000 établissements ont fermé leurs portes en un an. Le 11 septembre, à l’antenne de BFM TV, le chef étoilé évoquait alors l’initiative allemande, « un exemple concret qui permet rapidement de déverrouiller »la situation.
Auprès du JSS, il précise : « Avec la loi-cadre sur le fait-maison que je demande, il faut réfléchir à des incitations fiscales fortes pour ceux qui travaillent bien et mettent en valeur le savoir-faire français. »En d’autres termes, une ristourne fiscale qui ne tombe pas dans les caisses des grandes enseignes de restauration rapide. Une inquiétude également soulevée outre-Rhin.
Selon le chef d’entreprise, derrière les mauvais chiffres du secteur, ce sont en effet des professionnels attachés au fait-maison et à la qualité qui peinent à trouver leurs comptes. « Si je cuisine tout sur place, que j’achète des produits locaux, que je rémunère correctement mon personnel, après toutes les taxes, il ne me reste quasiment pas de marge, calcule Thierry Marx. Il faut encourager l’artisanat. »
Si certains restaurateurs pointent une exagération, tous partagent l’inquiétude quant au rétrécissement des marges. « Depuis la crise sanitaire, les coûts des matières premières et de l’énergie ont augmenté et les difficultés de recrutement tirent les salaires à la hausse, observe Houssen Baidjibay, expert-comptable et fondateur du cabinet Evolve, spécialisé dans l’accompagnement des restaurateurs. Pour beaucoup, les marges deviennent insuffisantes. » D’autant plus que, par ailleurs, les difficultés de pouvoir d’achat des Français les obligent à faire des choix dans les loisirs et à s’éloigner des restaurants.
Dans ce contexte, une baisse de la TVA, aujourd’hui à 10 % dans la restauration, pourrait faire rêver. « Il est clair que cela donnerait de l’air et permettrait de retrouver un peu de marge », assure Houssen Baidjibay.
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Et en théorie, une telle réduction pourrait aussi profiter aux consommateurs, avec des additions allégées. En pratique, la ristourne aurait peu de chance de se ressentir dans les tarifs. « La tentation serait grande de ne pas répercuter la baisse de TVA et de la garder pour la marge », concède l’expert-comptable.
Un précédent historique va également dans ce sens. En 2009, alors que la crise des subprimes atrophie l’économie mondiale et que le pouvoir d’achat des Français s’effondre, le gouvernement abaisse le taux de TVA appliqué à la restauration de 19,6 % à 5,5 %. Ce chiffre est ensuite revu en 2012 puis en 2014, mais le taux réduit actuel découle de cette mesure de crise.
Des contreparties étaient attendues de la part des restaurateurs : partager équitablement les gains issus de cette réduction entre leurs marges, les salariés et l’addition des clients. Mais d’après une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) de 2018, la mesure a surtout été captée par les marges des chefs d’entreprise, qui auraient concentré plus de la moitié des gains.
Les salaires avaient aussi augmenté et des emplois avaient été créés, mais pas à la hauteur des attentes. « Cette mesure nous a permis d’améliorer le salaire minimum de la branche et a vraiment profité aux salariés », défend néanmoins Thierry Marx. Enfin, en moyenne, les notes des clients n’avaient que très peu diminué. Selon l’IPP, les prix affichaient moins de 2 % de baisse.
Outre des résultats mitigés, l’autre bémol a été le coût. Cette niche fiscale a représenté entre 2,5 et 3 milliards d’euros par an. Le Conseil des prélèvements obligatoires, instance rattachée à la Cour des comptes, estimait en 2015 que de 6 000 à 9 000 emplois supplémentaires avaient été engendrés par rapport à la dynamique normale. Soit un coût par emploi très élevé et moins rentable que d’autres mesures.
L’expérience de 2009 ne plaide donc pas vraiment auprès de l’exécutif pour être renouvelée. « Ce serait génial, c’est sûr, mais aussi très inattendu », ironise l’expert-comptable Houssen Baidjibay. Dans un contexte budgétaire très tendu, les discussions parlementaires risquent en effet plutôt de se porter sur de nouvelles recettes.
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