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Le Parlement a ouvert vendredi 24 octobre l’examen en séance publique du projet de loi de finances pour 2026. Les membres du gouvernement, Premier ministre en tête, l’ont assuré avant l’ouverture des débats : ce budget est un texte de transition nécessaire pour 2027. L’opposition y voit un budget aux effets néfastes.

Le marathon budgétaire se poursuit, et le gouvernement entre dans le dur. Le projet de loi de finances pour 2026 est arrivé devant l’hémicycle de l’Assemblée nationale, vendredi 24 octobre. Un débat qui s’annonce complexe et qui a été précédée par une prise de parole du Premier ministre, chose très rare à cette occasion : la dernière fois qu’un chef de gouvernement était présent lors du début des débats sur le budget à la chambre basse date de… 1977. À cette époque, Raymond Barre avait la double fonction de Premier ministre et de ministre de l’Économie.
Sébastien Lecornu, a posé d’emblée les enjeux de ce texte comme ceux d’un pays qui doit « rester maître de son destin » : « Il y a une ligne de convergence dans cet hémicycle : la volonté que la France soit indépendante. »
Selon lui, le PLF ne restera qu’un « budget de transition » car « il protège certains choix du passé, notamment pour l’emploi », mais aussi car « il ne faut pas amputer l’avenir et permettre aux Français de trancher certains débats lors de la présidentielle de 2027 ».
Le Premier ministre a insisté pour que le Parlement assume un rôle actif dans cette période de transition, qu’il considère comme une « révolution tranquille du Parlement ». Une révolution qui doit s’accompagner de changements dans la manière de faire de la politique, pour Sébastien Lecornu. « On ne peut pas demander à l’autre d’appliquer tout son programme », a-t-il martelé. Et de préciser : « Il ne faut pas confondre le compromis et l’intransigeance : le premier respecte le vote, la seconde le méprise. » Un compromis obligatoire, le Premier ministre ayant réaffirmé la non-utilisation de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.
Avec pour objectif de ramener le déficit actuel sous les 5 % en 2026 (et même 4,7 % comme objectif initial), contre 5,4 % en 2025. Reprenant son argumentaire de souveraineté, il a alerté : « Le déficit ne doit pas entraîner un recours toujours plus important à la dette, et donc à des prêteurs étrangers. Personne ne veut dépendre des États-Unis, de la Chine ou du Moyen-Orient. »
Sébastien Lecornu a aussi affirmé souhaiter une « réforme profonde et intelligente de l’État, avec un acte de décentralisation fort », assurant que les économies demandées à l’État ne pourront pas être réalisées sans une profonde modernisation. Un texte sera présenté en Conseil des ministres avant la fin de l’année, avec un objectif principal : « Un seul responsable par politique publique. » « Cet acte permettra de refuser des rabots à l’aveugle », a-t-il assuré. Dans la même lignée, il a expliqué plaider pour la création d’une allocation sociale unique, pour « mettre fin au maquis des aides et défendre l’existence d’un droit clair et lisible, qui garantit à chacun un socle de protection adapté à sa situation sans complexité ni redondance ».
Et le Premier ministre de conclure son discours par une mise en garde : « Ne compromettons pas l’avenir du pays, ne donnons pas raison aux commentateurs pessimistes. L’année 2026 ne doit pas être une année perdue pour la France. »
Le ministre de l’Économie Roland Lescure a lui tenu à faire un rappel de situations analogues à celle de la France, comme le Canada, en état de faillite au début des années 90 et qui a rétabli son équilibre budgétaire en cinq ans, ou encore la Suède qui a vu sa dette tripler entre 1991 et 1996, et qui a depuis retrouvé une santé budgétaire.
Pour lui, ces exemples sont la preuve que l’on peut « sortir de la spirale de l’endettement sans renoncer à notre croissance ni à notre modèle social, à condition d’un consensus efficace sur l’objectif et la méthode ».
En effet, il estime que reporter un rééquilibrage des comptes publics ne fait qu’aggraver les effets futurs du redressement : « Plus on reporte le rétablissement de nos finances publiques, plus c’est douloureux. » En citant là aussi des exemples : le Portugal et l’augmentation du taux de TVA à 23 %, l’Italie et le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans, la Lituanie et la baisse des salaires des fonctionnaires et des pensions de retraites. « Aucun d’entre nous ne le souhaite à la France », a martelé le ministre.
Une situation qui pendrait pourtant au nez du pays : « En 2024, le remboursement de la dette nous a coûté 60 milliards d’euros. Ce sera 65 milliards en 2025, et bien au-delà de 70 milliards l’an prochain. »
Roland Lescure a plaidé pour un budget « d’équité qui renforce notre souveraineté, préserve notre compétitivité et poursuit le verdissement de notre économie ». Pour lui, l’effort budgétaire ne doit pas être fait « pour Bruxelles ni pour les marchés, mais pour stabiliser notre dette ».
Le ministre a assuré souhaiter que la réduction des dépenses « l’emporte sur la hausse des prélèvements, car notre dépense publique est excessive et notre fiscalité est déjà très lourde ». Il a mis en avant un contexte d’inflation modérée (1,2 % en septembre) qui permet selon lui de proposer une année blanche en matière de hausses de prélèvements, avec des efforts qui seraient « réels mais relativement limités ».
La ministre de l’Action et des Comptes publics Amélie de Montchalin a quant à elle insisté sur la nécessité d’un dialogue parlementaire et d’un compromis sur la justice fiscale et la lutte contre l’optimisation : « Je crois que nous pourrons trouver des compromis pour mieux partager l’effort. » Il n’est pas question pour autant d’une révolution fiscale : « Je ne crois pas que nous arriverons à réécrire notre système fiscal de A à Z dans les prochains jours, et ce n’est pas grave. »
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Pour elle, une entente entre partis est possible : « On nous disait qu’il n’y aurait pas de budget, on nous disait qu’il n’y aurait pas de débat, maintenant on nous dit qu’il n’y aura pas de compromis. C’est à nous collectivement d’agir pour qu’il y ait un meilleur texte, par le compromis forgé par les représentants de la nation. »
La ministre de l’Action et des Comptes publics a également insisté sur la lutte contre la fraude, qui sera débattue lors de la discussion du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, déposé au bureau de l’Assemblée nationale en même temps que le PLF et le PLFSS. Comme Roland Lescure, elle a maintenu l’objectif du déficit sous les 3 % en 2029, assurant que « le rétablissement est possible ».
Le rapporteur général Philippe Juvin (Les Républicains) a lui mis en avant l’objectif de redonner crédibilité aux finances publiques : « Derrière chaque chiffre et chaque ligne budgétaire, il y a un choix de société, une vision de notre avenir commun. »
Selon lui, les 3 400 milliards de dettes ont pour origine un trop-plein de dépenses, et non un manque de recettes : « nous avons trop dépensé », avance-t-il.
Comme Roland Lescure, il a interrogé la souveraineté du pays, regrettant un manque de souveraineté « quand ce sont les prêteurs qui obligent à lever l’impôt ».
Sur la méthode parlementaire, il a critiqué la logique des discussions. À l’heure actuelle, et comme prévu dans la loi organique relative aux lois de finances, le PLF est divisé en deux parties distinctes, recettes puis dépenses, discutés l’une à la suite de l’autre, sans passerelle entre les deux. « Cette distinction fausse nos débats », a-t-il regretté, appelant à donner la possibilité au parlement de discuter des deux simultanément et ainsi « pouvoir proposer des mesures cohérentes ».
Le député a donné un exemple parlant sur les nombreuses aides aux entreprises qui fonctionnent de pair avec de nombreux prélèvement : « Si nous voulions remettre tout à plat, avec un double effacement, en réduisant les aides publiques d’un côté et la fiscalité de l’autre, nous ne pourrions pas, car ce type de mesure, qui prévoit à la fois des baisses de recettes et des baisses de dépenses ne peut pas être étudié. » Philippe Juvin a dénoncé à ce titre un système qui « favorise l’accumulation de taxes d’un côté et de dépenses de l’autre ».
Du côté de l’opposition, Éric Coquerel (LFI), président de la commission des Finances, a présenté le projet comme « un budget qui ne fait que poursuivre et aggraver les effets néfastes des budgets précédents ». En ligne de mire notamment : la baisse de 6 % du budget alloué à l’agriculture après une baisse de presque 13 % en 2025, la réduction des crédits pour la culture et le financement des associations, et le retrait de 5,6 milliards d’euros en deux ans sur la mission « Travail et emploi ».
Coquerel a fustigé la politique de l’offre, un « échec cuisant », et a pointé les effets supposés des choix fiscaux : « Le creusement des déficits vient directement des cadeaux fiscaux aux ultrariches et aux multinationales. Ils ont coûté trois points de PIB aux finances publiques entre 2017 et 2024. »
Sa proposition alternative : supprimer « une partie des cadeaux fiscaux aux plus riches, sans toucher à ceux de la quasi-totalité des Français ». Une politique qui permettrait selon lui de récupérer près de 180 milliards d’euros de recettes, réutilisés pour 80 milliards dans les besoins sociaux et pour 50 milliards dans des besoins écologiques. « On ferait mieux que vous en termes de déficit », a-t-il lancé au Premier ministre.
Le député a conclu en évoquant un risque institutionnel, prévoyant un échec en séance suivi d’une « censure du gouvernement pour éviter qu’il soit tenté de jouer la montre pour passer des ordonnances en cas de dépassement des 70 jours » prévus par la Constitution. Il a suggéré qu’une loi spéciale, déjà utilisée l’an dernier, pourrait être une alternative au budget proposé, cette fois en attendant de nouvelles élections.
La motion de rejet préalable déposé par son groupe, votée uniquement par LFI et le groupe GDR, a été largement rejetée par l’Assemblée. Le compte à rebours d’ici la fin de l’année se poursuit.
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