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Après les conséquences, très lourdes, du passage du cyclone Chido à Mayotte samedi 14 décembre, le monde judiciaire et les professionnels du droit expriment, sur les réseaux sociaux ou via de nombreux communiqués, un soutien sans faille à leurs confrères sur place, leurs familles et les habitants de l’île.

Des dégâts considérables, une île dévastée, des milliers de décès redoutés et autant de disparitions… Le cyclone, d’une ampleur jamais vue, et dont on peine encore à mesurer les conséquences réelles à court et long terme, donne lieu à un immense élan de solidarité en France et à l’international. Le monde judiciaire n’est pas en reste.
Quelques jours après la catastrophe, les professions du droit et de la justice montrent un visage uni et communiquent leur solidarité. Des expressions qui vont du simple message de soutien à l’appel aux forces vives, en passant par l’annonce de dons financiers au bénéfice des magistrats, des agents publics et des avocats sur place. Et ces mots d’ordre qui reviennent : garantir la sécurité et l’intégrité des acteurs de la justice, maintenir les services publics et les droits des citoyens, dans un département déjà fortement lésé avant la catastrophe.
Pour le monde judiciaire, l’heure est à la reconstruction, urgente, des institutions et des bâtiments publics. L’heure est aussi au soutien des « collègues » mahorais, en leur faisant parvenir « l’aide dont ils ont besoin ». « Réparer les bâtiments endommagés, et soutenir le fonctionnement des institutions, aujourd’hui comme demain », s’exprime Didier Migaud dans un communiqué publié le 16 décembre. « Mes pensées vont à toutes celles et ceux qui ont été touchés par cet événement dramatique (…), et plus particulièrement à l’ensemble de nos collègues présents sur place, agents (…) travaillant à la chambre d’appel, au tribunal judiciaire, au centre pénitentiaire, au service pénitentiaire d’insertion et de probation, dans les unités éducatives ou au secrétariat général, mobilisés, affectés, victimes eux-mêmes de cette tempête, sans oublier les collègues de La Réunion ». Le ministre de la Justice salue aussi « les efforts [pour] garantir la permanence et l’intégrité des missions sur place. » Une cellule de crise a été mis en place.
En attendant le recensement et l’évaluation finale de l’ensemble des dégâts – de toutes les institutions judiciaires de l’île, seul le bâtiment pénitentiaire de l’île a tenu et doit être déblayé -, de la métropole à l’Océan Indien, la solidarité continue de se mettre en place, et d’autres territoires, comme la Réunion, ont déjà annoncé prendre le relai de plusieurs services publics. Ainsi, la cour d’appel de Saint Denis de la Réunion souligne sur ses réseaux sociaux que ses « équipes sont pleinement mobilisés pour venir en aide aux personnels des services judiciaires en exercice à Mayotte », précisant qu’à ce jour, « un blessé léger est recensé. » On apprend aussi par l’institution réunionnaise que « les infrastructures judiciaires sont quant à elles fortement endommagées : deux bâtiments du tribunal judiciaire sur trois et la chambre d’appel sont détruits. »

Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’état, annonce par ailleurs, sur le site internet de l’institution, que « dans l’attente d’un retour à une situation stable, les affaires urgentes du tribunal administratif seront transférées au tribunal administratif de La Réunion ». Le vice-présidentfait aussi part de son soutien « à celles et ceux qui sont touchés par cette situation dramatique ». « Au nom de l’ensemble de la juridiction administrative, je tiens à exprimer ma solidarité (…) à tous les personnels qui œuvrent chaque jour au tribunal administratif de Mayotte pour rendre le service public de la justice. »
Se joignant à l’élan de solidarité nationale, les magistrats sont très nombreux à avoir communiqué leur unité et leur volonté d’assistance face au désœuvrement de leurs homologues d’Outre-mer. C’est notamment via la voix de leurs instances représentatives que cette confraternité s’exprime.
Le syndicat Unité magistrats a publié, quelques jours après la catastrophe, un message de soutien aux « magistrats, greffiers, agents pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse, qui vont désormais devoir œuvrer, dans des conditions très dégradées, pour assurer leur mission de service public et de sécurité alors qu’ils ont été eux-mêmes touchés personnellement et que leurs conditions de vie et de travail sont déjà extrêmement difficiles. » En février 2024, les membres de l’instance alertaient déjà sur la situation des services publics « intenable » à Mayotte, qui ne cessait « de se dégrader, atteignant un stade critique, pour ses habitants comme pour les magistrats et fonctionnaires y exerçant. » Le 7 février, le tribunal judiciaire de Mamoudzou avait en effet été « pris d’assaut » par un groupe de manifestants, et les magistrats avaient dû être exfiltrés dans l’urgence.
Dans ce contexte, poursuit le syndicat, « Unité magistrats a immédiatement pris l’attache de [ses] collègues sur place qui pouvaient encore communiquer et, en collaboration avec le cabinet et la direction des services judiciaires, a transmis toutes les informations utiles pour garantir leur sécurité, leurs besoins vitaux (eau, électricité) et organiser leur rapatriement pour ceux qui le souhaitent », appréciant au passage un ministère de la Justice « très à l’écoute » de ses demandes.
Le monde du droit se montre également très engagé depuis le désastre : les appels aux dons et à la mobilisation de la part d’avocats et de militants des Droits de l’homme se multiplient dans les médias et sur les réseaux. Car après la catastrophe naturelle et les innombrables dégâts d’un territoire dévasté, c’est une catastrophe humanitaire qui s’annonce.
Dans un communiqué collectif diffusé le 16 décembre, le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et le Barreau de Paris annoncent se joindre « à l’élan de solidarité nationale ». « Dans cette situation de catastrophe climatique, les habitants auront besoin de pouvoir compter sur les avocats pour faire valoir leurs droits. Les instances de la profession mettront donc tout en œuvre pour accompagner les avocats ainsi que la communauté judiciaire dans la reprise de leur activité au service des justiciables ».
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Les avocats précisent également : « En lien avec les pouvoirs publics et le bâtonnier, un bilan précis de la situation des avocats mahorais est en cours de réalisation : état de santé des 27 confrères inscrits à l’Ordre, dégradations des locaux des cabinets, etc. Cet état des lieux, rendu difficile par l’interruption des communications téléphoniques, est indispensable pour pouvoir apporter, dans les meilleurs délais, une réponse concrète et adaptée aux besoins des confrères sur place, qu’elle soit d’ordre matériel et/ou financier. »
De leur côté, les barreaux de plusieurs villes montrent aussi une grande confraternité, certains, comme les barreaux de Lyon, de Versailles ou de la Roche-sur-Yon, décidant lors de leurs derniers conseils de dons d’urgence à destination de leurs confrères mahorais. Notons aussi les messages de soutien des barreaux du Val-de-Marne, de Nantes… Les messages de la profession relaient, pour beaucoup, les appels aux dons de la Croix-Rouge ou de la Fondation de France.
Dans le département le plus pauvre de France où les services publics étaient déjà « dépassés par la situation », très touchés par le manque de moyens, l’insécurité et la surpopulation carcérale (dont le taux atteignait des records, encore récemment), les dons matériels et financiers sont donc plus que bienvenus. La tâche qui s’annonce est immense et chacun, à son échelle, met la main à la pâte.
D’autres professionnels de la justice, nombreux, ont tenu à apporter leur « indéfectible solidarité » ; c’est par exemple le cas du syndicat FO de la PJJ, qui, dans un communiqué, détaille des mesures d’urgences pour les personnels et les familles qu’ils accompagnent, comme la location de chambres d’hôtel, la mise à disposition de téléphones portables ou encore l’appui de la Fondation d’Auteuil pour venir en aide aux agents touchés.
Une journée de deuil national a été décrétée par le Gouvernement, lundi 23 décembre. Ce jour-là, les drapeaux seront mis en berne sur les bâtiments et édifices publics.
Mylène Hassany
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