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Lors d’une conférence, l’institution bancaire a alerté sur la perte de vitesse des entreprises d’Île-de-France. Après un pic de dynamisme en 2023, le bilan de l’année 2024 est plus terne, marquée par un ralentissement de la production. Les défaillances repartent à la hausse au premier semestre 2025.
L’activité des entreprises franciliennes marque le pas, voire recule. C’est le constat dressé par les économistes de la Banque de France, mardi 14 octobre, lors de la conférence « Situation et perspectives franciliennes », organisée dans une tour de La Défense devant un parterre d’entrepreneurs venus échanger sur la conjoncture régionale. D’après les bilans de 140 000 entreprises de la région soumises à l’impôt sur les sociétés, l’économie francilienne a bien continué de croître en 2024, mais à un rythme nettement plus faible qu’en 2023.
Une décélération qui s’expliquerait, selon Jérôme Bon, adjoint au département économique de la direction des affaires régionales Île-de-France de la Banque de France, par un contexte international encore incertain, notamment avec le matraquage des droits de douane par Donald Trump et sa guerre commerciale avec la Chine, une consommation qui reste timide malgré la baisse de l’inflation, et la crise persistante du secteur immobilier.
Dans tous les cas, à l’échelle nationale, Jérôme Bon a souligné que la croissance du chiffre d’affaires s’est également essoufflée, avec une hausse moyenne limitée à +1,3 % pour les PME. Un ralentissement à relativiser, précise-t-il, car il succède à deux années exceptionnellement dynamiques : en 2022, les PME et ETI avaient enregistré une progression de leur chiffre d’affaires supérieure à 13 %, puis de plus de 5 % en 2023, dans un contexte fortement porté par l’inflation.
Concrètement, après un pic de croissance en 2023, la dynamique des entreprises franciliennes s’est nettement essoufflée en 2024, et ce, dans l’ensemble des grands secteurs économiques. Dans l’industrie, la proportion d’entreprises ayant vu leur chiffre d’affaires progresser est passée de 61 % à 54 %, tandis que celles affichant une amélioration de leur résultat net ne sont plus que 42 %, contre 50 % l’année précédente. Les services marchands demeurent bien orientés mais connaissent eux aussi un ralentissement : 61 % des entreprises avaient vu leur chiffre d’affaires croître en 2023, contre 55 % en 2024, et le résultat net y passe de 42 % à 41 %.
Le commerce accuse, pour sa part, un repli plus marqué : la part des entreprises en progression de chiffre d’affaires chute de 60 % à 49 %, même si le résultat net reste quasiment stable (43 % contre 42 %). La construction présente un profil différent : le chiffre d’affaires se maintient (54 % en 2023, 55 % en 2024), mais la part des entreprises enregistrant une hausse de leur résultat net passe de 42 % à 40 %.
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S’agissant de la rentabilité opérationnelle, les marges se stabilisent après deux années de fortes variations. L’industrie retrouve un niveau de 12 %, tout comme les services marchands, tandis que le commerce se maintient à 4 %. Le bâtiment, encore fragilisé par la crise du logement neuf, enregistre toutefois une légère amélioration à 4 %, sans pour autant rejoindre la moyenne nationale fixée à 6 %.
En matière d’investissement, la prudence domine. Le taux d’investissement, rapporté à la valeur ajoutée, recule à 31 % dans l’industrie, se stabilise à 35 % dans les services marchands, fléchit légèrement à 8 % dans la construction et reste stable autour de 10 % dans le commerce. En somme, les entreprises continuent d’investir, mais de façon sélective et mesurée.
Région la plus entreprenante de France, l’Île-de-France conserve son attractivité auprès des créateurs et porteurs de projets. En un an, 313 162 entreprises y ont vu le jour, dont une majorité de micro-entreprises. Start-up, auto-entrepreneurs et petites structures continuent ainsi d’alimenter le dynamisme économique régional.
Mais cette vitalité s’accompagne d’un revers. Les défaillances repartent à la hausse : +8 % sur un an, soit 15 898 faillites enregistrées au premier semestre 2025. Dans neuf cas sur dix, elles concernent des micro-entreprises. Les services concentrent 41 % de ces défaillances, suivis par la construction (22 %) et le commerce (18 %). À elle seule, l’Île-de-France représente désormais un quart des défaillances nationales, illustrant la fragilité de son tissu entrepreneurial à petite échelle.
Pour 2025, les dirigeants franciliens demeurent prudemment optimistes. Dans la plupart des secteurs, à l’exception de l’industrie, la moitié d’entre eux anticipent une amélioration de leur chiffre d’affaires, mais la majorité table sur une stabilité plutôt qu’une croissance marquée. Même constat du côté des résultats nets et de la trésorerie : plus d’une entreprise sur deux prévoit une situation inchangée.
Lors de la conférence, un focus a été consacré à l’industrie francilienne, présenté par Clara du Mesnil du Buisson, responsable du département économique de la Direction des affaires régionales de l’Île-de-France. Si la région capitale n’est pas la plus industrialisée de France en proportion, elle conserve une place stratégique dans le paysage productif national. L’Île-de-France concentre à elle seule 18 % de la valeur ajoutée industrielle française et 13 % des emplois du secteur, soit plus de 439 000 postes. Elle figure ainsi parmi les trois premières régions industrielles du pays, aux côtés de l’Auvergne-Rhône-Alpes (première avec 510 717 emplois) et du Grand Est.
Dans l’économie régionale, l’industrie ne représente toutefois qu’une part modeste : 7 % de la valeur ajoutée et 7 % de l’emploi total, loin derrière les services, qui génèrent plus des trois quarts de l’activité. Ce poids relativement limité illustre le profil particulier d’une région tournée vers les services à haute valeur ajoutée, mais où l’industrie reste un maillon essentiel de la chaîne économique.
Enfin, depuis trois décennies, la place de l’industrie francilienne s’est progressivement réduite, suivant la tendance nationale. Entre 1995 et 2024, la part des emplois industriels dans l’emploi total est passée de 17 % à 10 %, soit une baisse de sept points. La part de la valeur ajoutée industrielle a reculé dans les mêmes proportions, de 18 % à 11 %. Malgré cette érosion, plusieurs branches demeurent solides : la fabrication de matériels de transport, la production d’équipements électriques, informatiques et de machines, ainsi que l’industrie agroalimentaire qui constituent encore, et pour l’instant, les piliers du tissu productif francilien.
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