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« Défendre les avocats, c’est défendre la démocratie », a lancé Julie Couturier lors de la 3e édition de la « Grande Rentrée des Avocats », ce 11 septembre. Malgré la lassitude, l’instabilité politique et les remises en cause, la présidente du CNB invite la profession à croire et à résister.
En cette « Grande rentrée des avocats », la photo est un peu le même qu’en 2024, lorsque Julie Couturier prend la parole pour sa traditionnelle adresse à la profession. Les chaises vides tout d’abord : pas de garde des Sceaux dans l’assemblée ce jeudi 11 septembre, car l’événement coïncide une fois encore avec une rentrée politique « chahutée » et la démission d’un gouvernement. Le climat, ensuite : le contexte international, la colère sociale, l’instabilité politique donc, et la fébrilité économique. La menace enfin : celle d’un basculement démocratique.
« Nous sommes soucieux, rétifs, incertains », résume la présidente du CNB devant la profession qu’elle invite toutefois à ne pas se résigner : « Il faudra, malgré la lassitude, trouver un élan. Continuer de vivre, d’exercer, de facturer. Il faut continuer à y croire : à notre démocratie, à nos institutions, à notre modèle de civilisation (…) alors que tout ici est instable », lance-t-elle.
Dans son discours, l’avocate dénonce tour à tour « la foi en nos droits qui s’affadit à force de normes d’occasion, de contraintes nouvelles, toujours plus nombreuses et difficilement illisibles », mais surtout la remise en cause de l’exercice de la défense, thème centrale de cette édition 2025, « trop souvent clouée au pilori ».
Une pensée va aux avocats « jetés en pâture, à la haine des réseaux sociaux » parce qu’ils les exercent en droit des étrangers, ou encore suspectés de complicité « avec les pires bandits du narcotrafic comme les plus coupables des évadés fiscaux ». « Je le dis avec force et clarté, la défense est un droit à valeur constitutionnelle, il faut que cesse l’ère du soupçon », assène-t-elle, avant une salve d’applaudissements.
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Dans ce contexte, la santé des avocats s’impose aussi comme une préoccupation majeure. Impossible pour Julie Couturier de ne pas évoquer avec pudeur la disparition, en juillet dernier, de l’avocat Maxime Tessier, avocat du pédocriminel Joël Le Scouarnec.
« Je pense à ceux qui nous ont quittés, victimes parfois pour notre plus grand malheur, de cette fatigue, de cet épuisement que provoque l’exercice de la défense, du judiciaire au conseil, de la profession en général car je l’ai souvent dit, c’est un sport de combat, jamais pratiqué de manière anodine, indifférente ou mécanique, et terriblement éprouvant. »
Cette année, l’assemblée générale du CNB a décidé de créer un organe chargé de recenser les initiatives de chaque barreau en matière de qualité de vie au travail et de santé mentale, rappelle l’élue. Et de développer un outil de diagnostic confidentiel pour que chaque avocat puisse « évaluer sa situation personnelle à tout moment, et avoir accès à des ressources adaptées ».
Face aux nombreux défis que posent l’époque, Julie Couturier délivre aussi un message d’unité et tend la main aux juges : « La foi de nos concitoyens dans l’Etat de droit dépend aussi notre capacité à nous comprendre et à nous défendre les uns les autres », insiste-t-elle. Elle ajoute : « Défendre la détermination des juges et la liberté de la défense, l’un ne peut aller sans l’autre ».
Pointant du doigt les politiques « qui agitent le drapeau de la souveraineté populaire pour présenter le droit comme une contrainte », elle rappelle la nécessité pour la profession de prendre part à la fabrique de la loi. L’occasion d’un bilan de l’activité du CNB en la matière : entre janvier 2024 et juin 2025, 40 auditions, plus de 150 entretiens avec des décideurs publiques. « Nous sommes intervenus dans un tiers des lois adoptées par le Parlement », se félicite Julie Couturier.
Et la présidente d’énumérer les chantiers à venir : « Il y en aurait des amendements à écrire pour empêcher de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité en matière criminelle, pour couper court au déploiement des cours criminelles départementales, pour empêcher l’automaticité des peines qui nous mènent à engorger, encore et toujours, les prisons ».
Et de conclure, combattive : « Allons mes chères consœurs, mes chers confrères, à rebours de l’ère du temps, ensemble, en avant, calme et force au droit ».
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