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AVEC AFP. Le passage en location-gérance de nombreux magasins Carrefour cache-t-il un « plan social déguisé », comme l’affirme la CFDT ? Le tribunal judiciaire d’Evry se prononcera le 21 novembre, a-t-il annoncé vendredi 26 septembre, un an et demi après l’assignation du géant de la distribution par le syndicat.
Depuis l’arrivée d’Alexandre Bompard à sa tête en 2017, Carrefour fait évoluer son modèle pour exploiter de plus en plus largement des magasins en franchise et en location-gérance. Cette variante de franchise, où le distributeur reste propriétaire du fonds de commerce, lui permet notamment de conserver sa part de marché commercial et de sortir de ses comptes des magasins déficitaires… Tout en évitant de supporter certains coûts comme les salaires, pris en charge par un commerçant indépendant.
Depuis 2018, 344 supermarchés et hypermarchés sont ainsi passés en location-gérance, soit plus de 27 000 salariés, selon la CFDT. Dénonçant un « plan social déguisé », le syndicat a attaqué Carrefour en mars 2024 pour pratiques abusives devant le tribunal judiciaire d’Evry, dont dépend le siège de distributeur à Massy.
Il réclame 23 millions d’euros d’indemnisation pour les salariés lésés et l’arrêt des transferts en location-gérance. De son côté, Carrefour fait valoir que ce modèle a permis de sauver des magasins et des emplois dans un contexte fortement concurrentiel, comme l’a rappelé en mai Alexandre Bompard. « Le sujet, c’est celui de la détérioration de la qualité de l’emploi », « pas de la quantité », a plaidé au tribunal l’avocat de la CFDT, Thomas Hollande.
« La location-gérance est un mécanisme parfaitement légal », a quant à lui rappelé l’avocat de Carrefour, Jérôme Watrelot.
Vêtus de gilets orange, une quarantaine de militants s’étaient rassemblés avant l’audience à 15h, derrière une banderole clamant « les salariés Carrefour sont essentiels ».
Plus tôt dans l’année, la CFDT avait demandé au même tribunal d’empêcher le transfert, en 2025, d’une quarantaine de magasins, dans l’attente d’un jugement sur le fond. Mais le juge des référés s’est déclaré incompétent.
La location-gérance « sert en général à l’expansion » d’une entreprise. Or, Carrefour y recourt « à l’envers », explique à l’AFP Erwanig Le Roux, délégué CFDT du groupe. « En un claquement de doigts, ils se débarrassent d’un hypermarché, de ses salariés, de son déficit », contournant les « dispositifs légaux » comme les plans de sauvegarde de l’emploi, « plus coûteux », estime-t-il.
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« Je ne comprends pas comment on peut nous reprocher d’avoir mis en place un dispositif qui était très exactement destiné à préserver le magasin et (ses) emplois », s’étonne auprès de l’AFP le directeur exécutif des ressources humaines de Carrefour, Jérôme Nanty. Carrefour « ne prend pas en compte la souffrance des gens » et les conséquences sociales de sa stratégie, dit à l’AFP Nadia Kaci, déléguée syndicale centrale CFDT.
Car s’ils conservent leur tenue Carrefour, les salariés passés en location-gérance perdent – passé un délai de 15 mois durant lequel peut être négocié un accord de substitution – avantages sociaux (primes d’intéressement et de participation, 6e semaine de congés, etc.) propres au géant coté au CAC 40.
Au total, selon la CFDT, la perte de rémunération dépasse 2 500 euros par an. « Ce montant cumule des hypothèses qui, dans la réalité, ne se produisent jamais ensemble », répond Jérôme Nanty. Autre motif d’inquiétude pour la CFDT : la dégradation des conditions de travail et la baisse des effectifs dans les magasins en location-gérance. Les effectifs de ces derniers ont évolué au même rythme que dans « les magasins intégrés » ou dans le reste de la grande distribution, rétorque Jérôme Nanty.
Reste qu’au Carrefour Douai-Flers, situé à Flers-en-Escrebieux (Nord) et passé en location-gérance en mars 2024, « les salariés sont déprimés » assure à l’AFP Estelle Faggiano, déléguée CFDT. « On a dû ouvrir une cellule psychologique », ajoute cette hôtesse de caisse de 43 ans, dont 25 passés chez Carrefour. Le combat de la CFDT n’est pas la seule épine dans le pied de l’entreprise.
L’Association des franchisés Carrefour (AFC), qui revendique 260 magasins, l’a assignée fin 2023 devant le tribunal de commerce de Rennes, dénonçant une relation commerciale déséquilibrée. Elle est soutenue par le ministère de l’Economie, qui a préconisé d’infliger à Carrefour une amende de 200 millions d’euros.
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