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Détenu arbitrairement en Iran pendant trois ans, Benjamin Brière a raconté son histoire au barreau de Lyon, le lundi 1er décembre. Le voyageur a présenté son livre, Azadi, qui raconte l’horreur de sa détention, et évoqué son combat pour la reconnaissance du statut d’otage par l’État français.

Quand on aperçoit son sourire détendu, difficile d’imaginer ce qu’a traversé Benjamin Brière pendant ses 1079 jours d’incarcération par l’État Islamique d’Iran. Une expérience de la captivité et de la déshumanisation que le globe-trotter décrit dans son livre Azadi (« Liberté » en Ourdou), ode à la résilience et à la liberté. « Rien n’est jamais acquis et les valeurs universelles de justice et de dignité doivent être défendues, pour tous et en toutes circonstances », a rappelé Sara Kebir, vice-bâtonnière du barreau de Lyon, en introduction d’une conférence donnée par l’ancien otage, le 1er décembre.
Publié en octobre dernier, Azadi raconte aussi la nécessité de reconnaître l’existence d’un statut d’otage pour prendre en charge les victimes et leurs proches. « Ma sœur a mené un combat héroïque pour obtenir ma liberté, mettant sa vie de jeune maman entre parenthèses », explique Benjamin Brière. Des proches qui sont également otages, selon lui, et qui souffrent du manque d’accompagnement financier et psychologique tout au long de leurs démarches. « Il n’y a aucune prise en charge des frais d’avocat, qui représentent plusieurs dizaines de milliers d’euros, pas de prise en charge psychologique pour les proches qui attendent désespérément le retour d’un conjoint, d’un enfant d’un mari, parfois pendant des années : rien n’existe pour eux aujourd’hui ».

L’ex-otage raconte aussi les carences d’un système qui n’accompagne pas ou trop peu les otages après leur libération. « On est face à un no man’s land administratif », résume-t-il. Alors que les impôts lui réclament 4 ans de revenus non déclarés à son retour, il découvre qu’il n’existe plus aux yeux de la Sécurité sociale et qu’il a été radié de France Travail, perdant ainsi l’allocation chômage à laquelle il avait droit.
Aucun accompagnement non plus concernant son hébergement après sa détention, ou la prise en charge de ses frais médicaux. Avant de citer l’exemple de Camilo Castro, libéré par le Vénézuela après y avoir été détenu depuis le 26 juin dernier : « Le ministre Jean-Noël Barrot l’a accueilli à l’aéroport à son arrivée le 16 novembre, puis il est reparti : Camilo a été accueilli par son cousin, sans aucune prise en charge, ne serait-ce qu’un bilan sanguin ou dermatologique ». Pour Benjamin Brière aussi, le retour a été brutal : « Comment fait-on pour accéder au logement après avoir disparu pendant 3 ans ? Est-ce que dormir sur le canapé d’un proche le temps de trouver une solution est idéal pour se reconstruire ? »
Alors que l’ex-otage a pu obtenir une attestation de détention arbitraire auprès du Quai d’Orsay, Camilo Castro n’obtiendra qu’une attestation de détention, insuffisante pour faire valoir ses droits d’otage et pour être indemnisé. L’attestation de détention arbitraire permet en effet d’être considéré comme innocent, et pas prisonnier de droit commun. « Les procédures de dédommagement restent longues, mais au moins, on peut les lancer », commente-t-il.
Aujourd’hui, Benjamin Brière se bat pour la reconnaissance de ce statut d’otages d’État et pour que les victimes et leurs proches ne soient plus jamais seuls. « Contrairement aux victimes d’actes terroristes, aucune loi n’existe » pour assurer une prise en charge financière, médicale, psychologique ou administrative. « Quand on a traversé une telle épreuve, on revient complètement détruit, déplore-t-il ; on n’a pas la force de se battre pour faire valoir ses droits : on subit une double peine ».
Participant actuellement à la création d’un guichet unique de la DIAV (délégation interministérielle d’aide aux victimes) pour accompagner les ex-otages, il regrette la lenteur des procédures et leurs limites, tant que la loi ne change pas. « Les députés veulent aider, ils ont des budgets pour, mais rien ne se fait, constate Benjamin Brière. Ce n’est même pas un sujet qui divise, quand on parle des droits des victimes, il n’y a pas de droite ou de gauche ».
| Trois ans de captivité en Iran Né en 1985, originaire de Lyon, Benjamin Brière n’a jamais cessé de voyager depuis ses 20 ans. Après un périple « de quelques mois » qui durera finalement 18 ans à travers l’Asie, il revient en France à la fin de l’année 2017 et achète un van, dans l’optique de poursuivre ses pérégrinations à travers le monde. Il part en septembre 2019, destination l’Inde, avec plusieurs haltes prévues en Europe de l’Est, en Turquie, en Irak, en Iran et au Pakistan. Le 15 décembre 2019, il arrive en Iran avec un visa de 3 mois, mais la pandémie de Covid-19 qui survient en mars 2020 le contraint à rester sur place en attendant la réouverture des frontières. Loin des grandes villes, il s’accomode de la vie en solitaire dans son van jusqu’à ce qu’un énième contrôle des autorités iraniennes, dans la nuit du 27 au 28 mai 2020, fasse basculer son périple. Interpellé, battu lors de son procès, Benjamin Brière est incarcéré pour espionnage pour le compte d’un État ennemi et propagande contre le régime en place. Il faudra au total 1079 jours de batailles juridiques, de violences et de déshumanisation, ainsi que deux grèves de la faim pour que Benjamin Brière soit enfin libéré, le 12 mai 2023. |
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