Article précédent

Alors que Roland Lescure vient de rencontrer ses homologues au Conseil « Transports, communications et énergie* » à Bruxelles, la question de la proposition de loi pour la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) 2025-2035 en France n’est pas réglée.

Pour l’instant, l’objectif de la politique énergétique nationale reste d’atteindre la neutralité carbone pour 2050 et d’améliorer la distribution d’électricité avec des prix contraints.
L’article L141-13 du code de l’énergie dispose que le haut-commissaire à l’Énergie atomique, actuellement Vincent Berger, est saisi pour avis, pour les dispositions qui relèvent de sa compétence, notamment s’agissant de la PPE 3. Vincent Berger, accueilli au Cercle par son président, Jean Castelain, a pu donner un éclairage sur ce sujet complexe.
La PPE 3 est attendue, car en quelques décennies, le besoin en électricité est devenu vital. La panne de courant jusque dans les années 1980 offrait une journée spéciale, mais sans gravité. Les gazinières, les bougies, les cheminées assuraient le nécessaire. Aujourd’hui, la suprématie des équipements électriques, numériques, connectés a mis fin à notre tolérance. La dépendance de la société à l’énergie fait redouter ses coupures.
Vincent Berger cite quelques chiffres : « Selon RTE, la France a produit 536,5 TWh en 2024, un record à 95 % bas carbone : 361,7 TWh nucléaire ; 74,7 TWh hydraulique ; 70 TWh éolien et solaire. » Le parc national actuel de centrales nucléaires provient indirectement d’une autre époque, celle où la volonté de l’État était de doter notre pays de la bombe atomique. Nos infrastructures ont été dimensionnées pour répondre à la consommation la plus intense dans l’année en France, celle d’hiver.
Chaque nation est un cas particulier, le mix énergétique diverge selon les besoins et les ressources. La demande dépend de l’industrie, du climat et de la population. L’offre développée reflète les choix de politique publique et dépend, pour sa partie renouvelable, du relief et du climat du pays. « La question s’envisage différemment au Brésil, en Finlande ou en Nouvelle-Zélande », insiste le haut-commissaire.
S’agissant du renouvelable, en France, pays tempéré, le soleil manque en février et les périodes sans vent peuvent durer dix jours. Lorsque cela se produit, toute notre industrie hydroélectrique ne suffit pas, or il n’est pas question de priver de courant une partie des clients pendant dix jours. De plus, les stocks d’électricité n’existent pas, ni d’ailleurs l’invention technique pour les mettre en œuvre. « Le réseau doit donc adapter la fourniture d’énergie en temps réel », conclut Vincent Berger.
Pendant les moments d’absence du renouvelable – sur les 8784 heures de l’année 2024, une éolienne terrestre française a tourné en moyenne 1250 heures à plein régime –, les variables d’ajustement possible viennent du nucléaire et du gaz. Les postures dogmatiques opposent souvent le renouvelable et le nucléaire, alors qu’en réalité les deux se complètent pour garantir un service permanent. « Le gaz constitue le seul véritable concurrent du nucléaire », explique le haut-commissaire. Les Français ont développé le nucléaire tandis que les Allemands lui ont préféré le gaz. Ces décisions ont été prises bien avant que le dérèglement climatique n’occupe l’ordre du jour. La majorité des moyens en place actuellement découlent de ce passé.
Dans l’Hexagone, l’électricité est déjà décarbonée pratiquement à 100 %. Aller plus loin implique d’électrifier encore plus les usages. C’est-à-dire de changer les moteurs thermiques pour des moteurs électriques, les chaudières à gaz pour des pompes à chaleur, etc. Toutefois, personne ne maitrise la durée de mutation des comportements d’achat des Français. Tenter de la quantifier théoriquement est un pari risqué. Jusqu’à présent, les estimations projetées dans ce domaine se sont avérées trop élevées ou trop rapides par rapport aux constats de mise en œuvre de systèmes bas carbone.
La capacité de production électrique de notre pays (536,5 TWh en 2024) dépasse déjà ses besoins (449,2 TWh en 2024). Les multiples équipements disponibles qui autorisent ce résultat ont demandé des financements considérables. Or, l’ensemble des installations ne fonctionnent pas en permanence, si bien que les investissements ne sont pas rentabilisés. De plus, tous les réseaux européens sont interconnectés. Quand la surproduction inopinée du renouvelable, par exemple solaire, touche la France – comme un 1er août à midi – elle survient aussi chez nos voisins continentaux, bousculant la distribution et la valeur du kilowattheure.

La PPE 3 va-t-elle nous pousser à accroitre encore le nombre de nos moyens vertueux de production d’électricité ? Sans doute, et leur utilisation signifie pour le marché plus d’épisodes de saturation et, par conséquent, un modèle qui s’autofinance moins bien. La sagesse, en phase de difficulté budgétaire, ne recommande-t-elle pas une gestion patiente plutôt qu’un déploiement coûteux programmé. Il est plus économe d’exploiter jusqu’à leur fin de vie les outils en place qui suffisent. D’autant qu’en France, la désindustrialisation et l’envolée des radiations d’entreprises constatée par les greffiers ne laissent pas présager une augmentation brutale de la consommation à court terme.
THÉMATIQUES ASSOCIÉES
Infos locales, analyses et enquêtes : restez informé(e) sans limite.
Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.
0 Commentaire
Laisser un commentaire
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *