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CHRONIQUE. Le 13 octobre, Mathias H. comparaît devant le tribunal correctionnel de Pontoise pour détention et fixation d’images pédocriminelles et agressions sexuelles sur deux enfants, âgées de 6 ans à l’époque des faits, en 2016.

La présidente agite les mains et semble dépitée, elle s’apprête à ordonner un renvoi : « Madame la greffière ? 22 juin ».
L’avocat de la défense griffonne la date en secouant la tête. C’est la deuxième fois que l’affaire est renvoyée. Les faits datent de 2017, et les petites filles victimes sont désormais des adolescentes. Mais toutes les parties sont d’avis que l’absence de la famille de l’une des victimes empêche le tribunal correctionnel de Pontoise de retenir cette affaire, dans laquelle quatre enfants ont subi des faits des violences sexuelles par ce grand blond mou à l’air triste qui regarde ses chaussures, au fond de la salle, sa compagne blottie contre lui.
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La salle n°4, microscopique et bruyante, s’apprête à renvoyer la moitié de ses effectifs dans le hall, quand surgit la personne manquante. Le soulagement est immédiat. Mathias H., 39 ans aujourd’hui, se lève et se place à la barre des prévenus. Les parents écoutent le récit de l’affaire.
Elle débute par un signalement parvenu au parquet du Val-d’Oise le 2 juin 2017.
Quelques semaines auparavant, une jeune animatrice dans la même structure que Mathias, avec qui elle a sympathisé, s’inquiète de lire que son collègue en arrêt de travail a écrit un statut Facebook morbide. Elle parvient à le contacter par messages, et il finit par lui répondre dans un SMS : « Je suis un putain de pédophile, je bande pour les gosses, j’ai trop peur de ne pas résister ». L’animatrice en parle à son chef de service, qui contacte le maire de Cergy-Pontoise. L’élu signale les faits au parquet.
Les policiers du commissariat de Cergy sont chargés de l’enquête, c’est-à-dire qu’ils attendent le 27 novembre 2018 pour perquisitionner le matériel informatique de Mathias H., qui tentera de nouveau de se suicider au lendemain de cet acte de procédure. Dans ses disques durs, de nombreux fichiers pédocriminels et des images d’enfants nues. Des photos qu’il a prises lui-même au centre aéré. Quatre petites filles. Trois ont 6 ans, l’une a 4 ans.
Deux ont également été agressées sexuellement par Mathias H., lors d’une nuit passée au centre, à l’été 2016. Aucune d’elles ne se souvient des faits. Certaines se souviennent de Mathias. Elles le trouvaient très gentil et l’aimaient beaucoup.
Mathias est d’abord entendu en audition libre, puis en garde à vue en mai 2019. Il reconnait la totalité des faits imputés, sans en discuter le moindre détail. Il admet continuer à visionner des vidéos pédocriminels.
La présidente choisit de débuter son interrogatoire par la personnalité :
« Vous dites avoir eu une enfance maltraitée. Pourquoi ?
-Ce sont des maltraitances psychologiques. Je n’ai jamais reçu d’affection.
-Vous avez tenté de vous suicider vers 10-11 ans. Pourquoi ?
-Je ne me sentais pas bien. J’étais toujours seul.
-Vous rapportez que votre sœur a été sexuellement abusée par votre frère aîné. Vous aussi ?
-Non, pas moi. »
Père effacé, mère maltraitante et inceste en fratrie ont composé le décor familial de ce garçon profondément dépressif et qui dit n’avoir jamais ressenti d’attirance pour les enfants lorsqu’il était animateur chez les scouts. « Mais alors, pourquoi avoir quitté votre travail de comptable pour l’animation ? » La présidente y voit peut-être une intention. « Je ne me plaisais plus dans mon travail, j’avais travaillé chez les Scouts, je me suis dit que j’aimais l’animation. » Ce qu’il ne savait pas, dit-il, c’était qu’il était attiré par les jeunes enfants, filles. Chez les scouts, les enfants étaient plus âgés et tous de sexe masculin.
Il est temps de parler des victimes. La mère de C. se lève : « La fille va bien ; par contre moi je suis marquée. Je n’ai plus confiance quand elle sort. » Le père de L. dit : « Je suis choqué. Encore aujourd’hui. » La présidente demande à une autre maman : « Elle va bien, A. ? – Moyen. L’avocate en parlera », et en effet, l’avocate se lève et en parle.
A. était la plus jeune, « pourtant quand on creuse un peu, on se rend compte qu’elle s’en souvient un peu. Elle n’explique pas ce qui s’est réellement passé, elle n’évoque pas les faits, mais elle grandit avec l’idée qu’il s’est passé quelque chose de suffisamment grave pour être interrogée par la police. Elle va grandir dans cette espèce de malaisance qui va avoir un impact dans sa vie d’adolescente. Ces non-dits sont nécessairement un préjudice », plaide-t-elle.
D’ailleurs, A. est présente dans la salle. Une petite fille de 13 ans qui est restée silencieuse mais a été attentive. Elle voulait voir et écouter pour comprendre. L’air grave, à quelques centimètres de son agresseur, assis sur le banc derrière lui.
La procureure estime que ces faits sont graves, car il s’agit d’atteintes à l’intégrité physique et psychique de jeunes enfants. « Il a choisi une profession et a continué à l’exercer alors qu’il avait conscience de ses pulsions », poursuit-elle, en rappelant l’existence de très nombreux fichiers pédocriminels. A son crédit, elle note le fait qu’il s’est dénoncé et qu’il désire plus que tout se soigner. Elle demande quatre ans de prison, dont deux ans avec sursis, un suivi socio-judiciaire pour une durée de 5 ans, sanctionné par 2 ans de prison en cas d’inobservation des obligations du suivi socio-judiciaire, qui comprend une obligation d’indemniser les victimes et une obligation de suivi psychologique. Elle demande en outre une interdiction définitive d’exercer une activité en contact avec des mineurs et une inéligibilité de 5 ans.
Dans sa décision, le tribunal ramène la peine à trois ans, dont deux ans avec sursis. Il prononce en outre l’inscription de Mathias H. au Fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS).
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